Il était une fois, niché au bord d’une petite rivière méandreuse, un village comme tant d’autres en Moselle. La vie s’y déroulait tranquillement, prés et bosquets entourant ses quartiers et hameaux.
Comme une carapace géante de tortue posée sur l’herbe, une salle attirait chaque soir quelques groupes. Sac sur l’épaule, riant, chahutant, filles ou garçons y entraient.
Point de fenêtre à bonne hauteur pour épier ou observer. Juste des bruits. Étranges.
Des pas, des cavalcades, des consignes, des éclats de voix parfois. Et toujours ces bruits : chocs sur du bois et percussions métalliques, martèlement régulier du sol accompagné d’un rythme saccadé de pas, comme si l’arche de Noé toute entière traversait votre salon,...
Les hautes baies vitrées ne laissaient passer qu’une lueur dorée dans la nuit.
Et soudain le silence. A peine entendait-on des pas venir à chaque porte, s’assurer que celles-ci restaient fermées sur le mystère. Le halo lumineux s’évanouissait dans l’obscurité.
Par une petite porte, la petite troupe entrée deux heures auparavant se quittait.
Le village retrouvait son calme et s’endormait.
Chaque soir, le même phénomène ! Ils allaient et venaient, huit, douze, quinze, dix-huit,...
Les lumières étaient allumées dans la salle, les bruits mystérieux reprenaient, parfois interrompus par des incantations encore plus énigmatiques : « Fixe », « Espagnol », « 4 - 2 », « Croisé », « Ressors », « Pivot », « Criss-cross »,...
Une bataille se prépare-t-elle ?
Et un soir, par une nuit étoilée et froide, ce n’est pas un petit groupe qui converge vers la carapace géante. Ils viennent de toutes les rues, emmitouflés et rieurs. Les portes s’ouvrent, ils s’engouffrent dans la lumière et la chaleur.
Par dizaines, ils se serrent sur les gradins, face à l’immense parquet de bois blond. L’attente se fait longue, les murmures ont fait place à un joyeux brouhaha.
De l’autre côté du parquet, quelques personnes s’affairent autour d’une table. Les visages sont sérieux, un coup de corne résonne.
Clameur générale dans les gradins et applaudissements : douze jeunes, maillots rouges et shorts noirs entrent en courant dans la salle. Suivent douze autres jeunes, tenues noires zébrées de jaune.
Le silence gagne la foule. Ils s’avancent en ligne, face au public, de part et d’autre de l’arbitre : les spectateurs saluent les joueurs.
Six joueurs de chaque équipe se font face, se jaugent. Ils se connaissent : ils sont dans les mêmes collèges, habitent parfois dans la même rue. Tension au maximum, c’est LE match de la saison, le derby du val de Seille.
Coup de sifflet, le match commence. A peine quelques secondes de jeu et déjà un but. Le public applaudit, l’égalisation ne tarde pas.
La défense rouge est une forteresse : les noirs tentent les intervalles et ressortent. Tentative de tir en extension à 10, peut-être même 12 mètres. Le portier est concentré, il suit les passes comme s’il avait le don de voir à travers la ligne de défense.
S’enchaînent attaques et contre-attaques. Le public jubile, s’exclame.
Sur la touche, les entraîneurs bondissent, se cachent les yeux, trépignent, soupirent, sourient, s’arrachent les cheveux, encouragent,... Les buts s’additionnent, le public exalte. Les cris accompagnent chaque but, les applaudissements pleuvent à chaque arrêt. L’ambiance est digne d’un match de coupe de France.
Temps-mort. Les joueurs se rassemblent autour de leurs entraîneurs. L’un donne un conseil, l’autre réconforte. Changement de joueurs : repos accordé à l’un, un autre entre dans l’arène.
Les minutes s’égrènent, rythmées par les attaques. Un point d’écart quand retentit, presque trop tôt, la fin du premier tiers-temps. L’intensité du match se lit sur les visages des joueurs... et des spectateurs.
Le calme revient dans les gradins. Les parents papotent, les petits frères et sœurs envahissent le terrain pour quelques passes.
En retrait les joueurs se sont rassemblés autour de leurs entraîneurs. Conciliabules techniques, quelques tapes dans le dos, sourires de satisfaction. Le match était annoncé difficile : les heures d’entraînement payent.
Un coup de corne retentit : les épaules se resserrent, les joueurs lancent leur cri de guerre avant de reprendre leurs postes sur le parquet.
Et le spectacle reprend de plus belle. Défense toute en vivacité et contre-attaque succèdent aux combinaisons rapides et bien orchestrées. Et toujours un équilibre au score : un ou deux points d’avance pris par une équipe sont vite rattrapés par l’adversaire. Quelques joueurs s’énervent, un geste dangereux est vite sanctionné. Une défense affaiblie d’un joueur et l’écart se creuse... quelques minutes.
Sur la touche, les entraîneurs hésitent : les joueurs ont besoin de souffler mais un changement risque de casser la dynamique. Dans les buts, les gardiens se surpassent : les arrêts sont applaudis par tous les supporters, qu’ils soient venus pour l’une ou l’autre des équipes.
Soudain, l’action se précipite : premier croisé entre demi-centre et arrière droit. La défense se réorganise dans la précipitation. Le pivot est prêt, bras levé. L’arrière gauche s’élance, extension depuis 12 mètres. Mouvement latéral de la défense. Un défenseur monte vers l’arrière qui feinte un tir pour finalement... passer la balle au pivot. Le défenseur se retourne brusquement pour bloquer le pivot. Quelques centièmes de seconde pour ajuster sa position. Il arrache le bras du joueur et le percute dans le dos. Le porteur de balle chute, lourdement, fauché dans son geste. Coups de sifflet sans concession. L’arbitre s'approche du joueur au sol. Les équipes se rassemblent autour. Silence dans les gradins. Les parents le savent : leurs jeunes se relèvent généralement avec une bosse et des ecchymoses. Généralement. Parfois...
Le défenseur fautif tend sa main pour aider le joueur à se relever. Geste de fair-play mais l’arbitre a tranché. Il lève son bras. Carton jaune pour le joueur et jet de 7 mètres pour les attaquants. Le blessé sort sous les applaudissements.
Jet de 7 mètres : duel ultime du hand.
Concentration sur le terrain : viser juste, viser fort. Et marquer.
Concentration parmi les spectateurs. Respecter l'instant.
Face-à-face de deux joueurs. Un seul gagnant.
Concentration sur les bancs de touche : coéquipiers et entraîneurs le savent. Un tir, c’est 50 % de technique, 50 % de tactique et 50 % de chance.
L’arbitre lève la main et interroge du regard le chronométreur et le portier. Coup de sifflet bref.
Trois secondes, la joie pour l’un, l’accablement pour l’autre.
Fin du deuxième tiers-temps. Les commentaires vont bon train parmi les spectateurs. On se refait le film des plus belles actions. A l’opposé du terrain, récupération indispensable. Les entraîneurs font le point sur les forces des joueurs. Quelle stratégie retenir ? Viser la rapidité de jeu malgré la fatigue ou miser sur un jeu plus construit.
Quelques minutes de repos bien mérité et la « table » rappelle les joueurs pour le dernier tiers-temps.
Tenir. Encore 18 minutes.
Contenir. Les attaques de l’équipe adverse.
Tenir. Encore 15 minutes.
Maintenir. Le rythme.
Tenir. Encore 10 minutes.
Retenir. Son geste pour ne pas aller à la faute.
Tenir. Encore 5 minutes.
Soutenir. La pression.
Tenir. Encore une minute.
Entretenir. But après but, une différence de score.
Tenir. Encore 20 secondes.
Obtenir. La victoire !
Coup de sifflet final. Liesse dans les gradins.
Sur le parquet, deux « feux de camps » : les équipes se rassemblent, tête contre tête, dos tourné au monde extérieur. C’est leur moment. Ils ont livré bataille. Le spectacle fut magnifique.
Le mystère est levé.
Il était une fois, un village comme tant d’autres. Enfin, pas tout à fait...
Il était une fois, niché au bord de la Seille, un village tout entier derrière son club de hand.
Comme une carapace géante de tortue posée sur l’herbe, une salle attirait chaque soir quelques groupes. Sac sur l’épaule, riant, chahutant, filles ou garçons y entraient.
Point de fenêtre à bonne hauteur pour épier ou observer. Juste des bruits. Étranges.
Des pas, des cavalcades, des consignes, des éclats de voix parfois. Et toujours ces bruits : chocs sur du bois et percussions métalliques, martèlement régulier du sol accompagné d’un rythme saccadé de pas, comme si l’arche de Noé toute entière traversait votre salon,...
Les hautes baies vitrées ne laissaient passer qu’une lueur dorée dans la nuit.
Et soudain le silence. A peine entendait-on des pas venir à chaque porte, s’assurer que celles-ci restaient fermées sur le mystère. Le halo lumineux s’évanouissait dans l’obscurité.
Par une petite porte, la petite troupe entrée deux heures auparavant se quittait.
Le village retrouvait son calme et s’endormait.
Chaque soir, le même phénomène ! Ils allaient et venaient, huit, douze, quinze, dix-huit,...
Les lumières étaient allumées dans la salle, les bruits mystérieux reprenaient, parfois interrompus par des incantations encore plus énigmatiques : « Fixe », « Espagnol », « 4 - 2 », « Croisé », « Ressors », « Pivot », « Criss-cross »,...
Une bataille se prépare-t-elle ?
Et un soir, par une nuit étoilée et froide, ce n’est pas un petit groupe qui converge vers la carapace géante. Ils viennent de toutes les rues, emmitouflés et rieurs. Les portes s’ouvrent, ils s’engouffrent dans la lumière et la chaleur.
Par dizaines, ils se serrent sur les gradins, face à l’immense parquet de bois blond. L’attente se fait longue, les murmures ont fait place à un joyeux brouhaha.
De l’autre côté du parquet, quelques personnes s’affairent autour d’une table. Les visages sont sérieux, un coup de corne résonne.
Clameur générale dans les gradins et applaudissements : douze jeunes, maillots rouges et shorts noirs entrent en courant dans la salle. Suivent douze autres jeunes, tenues noires zébrées de jaune.
Le silence gagne la foule. Ils s’avancent en ligne, face au public, de part et d’autre de l’arbitre : les spectateurs saluent les joueurs.
Six joueurs de chaque équipe se font face, se jaugent. Ils se connaissent : ils sont dans les mêmes collèges, habitent parfois dans la même rue. Tension au maximum, c’est LE match de la saison, le derby du val de Seille.
Coup de sifflet, le match commence. A peine quelques secondes de jeu et déjà un but. Le public applaudit, l’égalisation ne tarde pas.
La défense rouge est une forteresse : les noirs tentent les intervalles et ressortent. Tentative de tir en extension à 10, peut-être même 12 mètres. Le portier est concentré, il suit les passes comme s’il avait le don de voir à travers la ligne de défense.
S’enchaînent attaques et contre-attaques. Le public jubile, s’exclame.
Sur la touche, les entraîneurs bondissent, se cachent les yeux, trépignent, soupirent, sourient, s’arrachent les cheveux, encouragent,... Les buts s’additionnent, le public exalte. Les cris accompagnent chaque but, les applaudissements pleuvent à chaque arrêt. L’ambiance est digne d’un match de coupe de France.
Temps-mort. Les joueurs se rassemblent autour de leurs entraîneurs. L’un donne un conseil, l’autre réconforte. Changement de joueurs : repos accordé à l’un, un autre entre dans l’arène.
Les minutes s’égrènent, rythmées par les attaques. Un point d’écart quand retentit, presque trop tôt, la fin du premier tiers-temps. L’intensité du match se lit sur les visages des joueurs... et des spectateurs.
Le calme revient dans les gradins. Les parents papotent, les petits frères et sœurs envahissent le terrain pour quelques passes.
En retrait les joueurs se sont rassemblés autour de leurs entraîneurs. Conciliabules techniques, quelques tapes dans le dos, sourires de satisfaction. Le match était annoncé difficile : les heures d’entraînement payent.
Un coup de corne retentit : les épaules se resserrent, les joueurs lancent leur cri de guerre avant de reprendre leurs postes sur le parquet.
Et le spectacle reprend de plus belle. Défense toute en vivacité et contre-attaque succèdent aux combinaisons rapides et bien orchestrées. Et toujours un équilibre au score : un ou deux points d’avance pris par une équipe sont vite rattrapés par l’adversaire. Quelques joueurs s’énervent, un geste dangereux est vite sanctionné. Une défense affaiblie d’un joueur et l’écart se creuse... quelques minutes.
Sur la touche, les entraîneurs hésitent : les joueurs ont besoin de souffler mais un changement risque de casser la dynamique. Dans les buts, les gardiens se surpassent : les arrêts sont applaudis par tous les supporters, qu’ils soient venus pour l’une ou l’autre des équipes.
Soudain, l’action se précipite : premier croisé entre demi-centre et arrière droit. La défense se réorganise dans la précipitation. Le pivot est prêt, bras levé. L’arrière gauche s’élance, extension depuis 12 mètres. Mouvement latéral de la défense. Un défenseur monte vers l’arrière qui feinte un tir pour finalement... passer la balle au pivot. Le défenseur se retourne brusquement pour bloquer le pivot. Quelques centièmes de seconde pour ajuster sa position. Il arrache le bras du joueur et le percute dans le dos. Le porteur de balle chute, lourdement, fauché dans son geste. Coups de sifflet sans concession. L’arbitre s'approche du joueur au sol. Les équipes se rassemblent autour. Silence dans les gradins. Les parents le savent : leurs jeunes se relèvent généralement avec une bosse et des ecchymoses. Généralement. Parfois...
Le défenseur fautif tend sa main pour aider le joueur à se relever. Geste de fair-play mais l’arbitre a tranché. Il lève son bras. Carton jaune pour le joueur et jet de 7 mètres pour les attaquants. Le blessé sort sous les applaudissements.
Jet de 7 mètres : duel ultime du hand.
Concentration sur le terrain : viser juste, viser fort. Et marquer.
Concentration parmi les spectateurs. Respecter l'instant.
Face-à-face de deux joueurs. Un seul gagnant.
Concentration sur les bancs de touche : coéquipiers et entraîneurs le savent. Un tir, c’est 50 % de technique, 50 % de tactique et 50 % de chance.
L’arbitre lève la main et interroge du regard le chronométreur et le portier. Coup de sifflet bref.
Trois secondes, la joie pour l’un, l’accablement pour l’autre.
Fin du deuxième tiers-temps. Les commentaires vont bon train parmi les spectateurs. On se refait le film des plus belles actions. A l’opposé du terrain, récupération indispensable. Les entraîneurs font le point sur les forces des joueurs. Quelle stratégie retenir ? Viser la rapidité de jeu malgré la fatigue ou miser sur un jeu plus construit.
Quelques minutes de repos bien mérité et la « table » rappelle les joueurs pour le dernier tiers-temps.
Tenir. Encore 18 minutes.
Contenir. Les attaques de l’équipe adverse.
Tenir. Encore 15 minutes.
Maintenir. Le rythme.
Tenir. Encore 10 minutes.
Retenir. Son geste pour ne pas aller à la faute.
Tenir. Encore 5 minutes.
Soutenir. La pression.
Tenir. Encore une minute.
Entretenir. But après but, une différence de score.
Tenir. Encore 20 secondes.
Obtenir. La victoire !
Coup de sifflet final. Liesse dans les gradins.
Sur le parquet, deux « feux de camps » : les équipes se rassemblent, tête contre tête, dos tourné au monde extérieur. C’est leur moment. Ils ont livré bataille. Le spectacle fut magnifique.
Le mystère est levé.
Il était une fois, un village comme tant d’autres. Enfin, pas tout à fait...
Il était une fois, niché au bord de la Seille, un village tout entier derrière son club de hand.