Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Je ne saurais dire ; je nage dans un océan ténébreux tellement profond que je doute de pouvoir en sortir indemne un jour. La vie peut être parfois si injuste quand elle veut. Elle nous fait vivre des moments qu’on n’aurait jamais imaginé vivre un jour. Le destin est si cruel qu'il nous conduit parfois à un déni total de notre identité. Souvent on prétend pouvoir encaisser les coups mais, à force d'accumuler, on finit par ne plus pouvoir se battre. L'être humain, aussi fort soit-il, ne peux demeurer éternellement dans une lutte acharnée contre les bassesses et les tours maléfiques que lui joue le destin. Je suis assis sur la tombe de ma bien aimée, tombe que je nettoie chaque jour, vêtu d'une chemise longue trouée de partout et d'un short complètement décoloré. Je ne sais plus depuis combien de temps je suis à la même place, adoptant la même position, le coude droit sur le genou droit, le menton soutenu par le paume de ma main, le coude gauche sur la cuisse gauche et la main, tantôt pendante, tantôt sur la joue gauche.
Je ne saurais dire depuis combien de secondes, minutes, heures, ou même jour je suis là, fixant au loin, un point imaginaire qui, peut-être même, existe; je ne sais pas.
Je ne peux m'empêcher de me remémorer de son visage fin, son rire angélique, sa belle denture qui, lors d'un sourire sincère, dévoile des dents blanches parfaitement taillées, sa peau aussi lisse que le soi qu'elle portait le soir quand elle me caressait la tête tout en me racontant les histoires invraisemblables des guerriers noirs, ses beaux yeux au regard doux et souvent intimidant, sa démarche gracieuse et féline, sa taille mince et ses hanches développées, ses seins si ferme et délicieuse. Ah! Ma belle petite Katy! Elle me manque tellement.
A cette pensée, deux grosses larmes viennent perlées mes joues et à cet instant, pour la première fois depuis trois ans, je pleure réellement sa mort.
Je me laisse aller; il était temps que je déverse tout ce que j'ai sur le cœur, que je fasse ressortir tout ce que j'ai gardé depuis que mon amour est partie.
Après avoir pleuré toutes les larmes que j'avais enfoui au plus profond de mon être, je me lève saisissant mon sachet de vêtements et m'en vais vers ce carton qui me sers de couchage, devant le cimetière.
Jamais je n'aurais imaginé que ma vie se résumerai un jour à la mendicité et au nettoiement d’une tombe d'où ma question quotidienne« suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? ». Je ne sais pas comment on peut passer d'un lit à trois places douillet dans une grande chambre d'un palace à un minuscule carton ! Quelle ironie du sort!
Ma mère me disait souvent que la richesse ne faisait pas le bonheur. Eh bien maman! La pauvreté aussi n'est même pas une pincée de bonheur encore moins le bonheur absolu.
Katy avait l'habitude de me rassurer quand je n'ai plus d'espoir. Elle me faisait me sentir fort, imbattable. Elle était ma muse à nos débuts, ma force. Qu'est-ce qu'elle n'aurait pas donné pour me rendre heureux? Lui ai-je rendu la monnaie de sa pièce? Oh que non! J'ai été odieux avec elle. Je l'ai humilié, ridiculisé, maltraité, j'ai traîné son honneur et sa fierté dans la boue. Je me souviens encore des regards d'amour qu'elle me lançait; mais je me souviens aussi du regard haineux que je lui rendais. Je me maudis rien qu'en y repensant.
J'avais tout pour mener une vie de rêve, tout pour me maintenir à flot, tout pour ne plus me plaindre comme je le faisais étant plus jeune. J'ai échangé la tranquillité de ma vie contre quelque chose qui n'en valait pas la peine, je devrais même dire quelqu'une. J'ai ruiné ma vie et celle de mes enfants. Ces derniers m'ont carrément renié, ils m'ont asséné le coup de grâce qui m'a projeté au plus bas des marches de l'escalier entraînant mon échec. Je suis fatigué, je dois arrêter de ressasser et de ruminer du noir, que dis-je, je suis déjà dans le noir. J’aurai aimé être amnésique. J’ai mal quand je me souviens de ma rencontre avec Katy alors que je n’étais qu’un vendeur de cure-dents, de notre relation, quand elle payait la location de ma petite chambre, quand elle m’a donnée de quoi l’épouser, quand elle m’a offerte la maison, la voiture, l’argent qui a financé mes études, mon projet. Je me souviens qu’elle fermait les yeux sur mon infidélité. Elle m’aimait malgré ma violence envers elle et les enfants. Je l’ai trahi et je l’ai mise dehors au détriment de ma deuxième femme. Malgré tout, elle m’a aidé quand cette dernière a mis la main sur toute ma fortune.
A force de me souvenir, je sue comme un porc. Il faut que je me rafraîchisse. Sans regarder la route que je traverse pour me rendre à la plage, je suis heurté de plein fouet par quelque chose de très gros et de très dur ; avant que je ne puisse voir ce que c’était, je me sens projeté dans les airs et plus rien.
Je me réveille avec un gout de sang dans la bouche, j’entends des voies autour de moi mais je ne peux pas ouvrir les yeux encore moins bougé. J’entends deux personnes, un homme et une femme, parler ; l’homme dit à la femme :
-c’est dommage, il parait si en forme dans ce coma et dire que maman lui a pardonné malgré tout ce qu’il lui a fait. Regarde le Diarra, qui l’aurait cru le tout puissant Fallou Ndongo Faye de la haute société a fini par être un sans-abri et le voilà maintenant dans un profond coma sans aucune activité cérébrale. Et bien je crois qu’il a suffisamment payé tous les torts qu’il a causés à notre mère
-tu a raison Mame Khadim, lui répond la femme, je crois que c’est ma fille ; il a largement payé, poursuivit-elle, maintenant il sait ce que cela fait de se faire mettre à la porte par la personne que l’on aime. Et il a aussi eu de la chance que le chauffeur qui l’a renversé l’ait amené dans l’hôpital où je travaille. C’est ce que l’on appelle le karma. Bien, tu sais petit frère, si j’ai laissé papa brancher, c’est juste parce que tu me l’as demandé ; mais sache que si dans trois jours il ne se réveille pas nous serons bien obligé de le débrancher. Je crois que un an et demi de coma c’est largement suffisant. Il faut que tu acceptes qu’il ne se réveille jamais, il n’est vivant que grâce à cette machine
Ils s’en allèrent me laissant seul. J’ouvris lentement mes yeux, deux grosses larmes perlèrent mes joues. Jamais je n’aurais dû me comporter tel un abruti, jamais profité de la gentillesse de ma femme pour me faire une renommée. Je me souviens encore du jour où elle a débloqué l’argent de son héritage pour financer mon projet, je me souviens aussi du jour où je les ai chassés, elle et mes enfants, de la maison qu’elle m’avait achetée. Heureusement qu’elle avait de l’argent pour se trouver un endroit pour vivre. Je n’aurais jamais dû la ridiculiser devant cette nouvelle conquête qui n’en voulait qu’à mon argent. Voilà maintenant le résultat, cette dernière m’a plumé jusqu’aux os avant de me chasser, tel le salaud que je suis, de Ma maison. Qui m’a sauvé quand je suis retourné à la case départ ? C’est encore ma Katy. Mes enfants n’ont pas eux aussi hésité à me chasser à la mort de cette dernière. Selon eux, je suis à l’origine de sa maladie cardiaque qui a entraîné sa mort. Je pleure mon irresponsabilité, ma lâcheté, mon imbécilité mais par-dessus tout je pleure ma cupidité. Je regrette amèrement mes actes lâches envers Katy. Et vu que plus personne ne veux de moi. Même pas mes enfants, ni même mes parents qui n’ont pas hésité à me placer dans un orphelinat dès ma naissance. Seule Katy voulait de moi. J’ai creusé mon propre trou. Je me suis moi-même précipité dans le côté obscur et noir de la vie. Alors, avant que personne ne remarque mon réveil, je ferai mieux de débrancher cette machine qui me permet de respirer et de fermer les yeux à tout jamais. Je joins l’acte à la pensée et me laisse mourir tout en espérant que dieu sera aussi clément avec moi que l’a été la seule et unique personne qui m’ait jamais aimée dans cette vie.
Je ne saurais dire depuis combien de secondes, minutes, heures, ou même jour je suis là, fixant au loin, un point imaginaire qui, peut-être même, existe; je ne sais pas.
Je ne peux m'empêcher de me remémorer de son visage fin, son rire angélique, sa belle denture qui, lors d'un sourire sincère, dévoile des dents blanches parfaitement taillées, sa peau aussi lisse que le soi qu'elle portait le soir quand elle me caressait la tête tout en me racontant les histoires invraisemblables des guerriers noirs, ses beaux yeux au regard doux et souvent intimidant, sa démarche gracieuse et féline, sa taille mince et ses hanches développées, ses seins si ferme et délicieuse. Ah! Ma belle petite Katy! Elle me manque tellement.
A cette pensée, deux grosses larmes viennent perlées mes joues et à cet instant, pour la première fois depuis trois ans, je pleure réellement sa mort.
Je me laisse aller; il était temps que je déverse tout ce que j'ai sur le cœur, que je fasse ressortir tout ce que j'ai gardé depuis que mon amour est partie.
Après avoir pleuré toutes les larmes que j'avais enfoui au plus profond de mon être, je me lève saisissant mon sachet de vêtements et m'en vais vers ce carton qui me sers de couchage, devant le cimetière.
Jamais je n'aurais imaginé que ma vie se résumerai un jour à la mendicité et au nettoiement d’une tombe d'où ma question quotidienne« suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? ». Je ne sais pas comment on peut passer d'un lit à trois places douillet dans une grande chambre d'un palace à un minuscule carton ! Quelle ironie du sort!
Ma mère me disait souvent que la richesse ne faisait pas le bonheur. Eh bien maman! La pauvreté aussi n'est même pas une pincée de bonheur encore moins le bonheur absolu.
Katy avait l'habitude de me rassurer quand je n'ai plus d'espoir. Elle me faisait me sentir fort, imbattable. Elle était ma muse à nos débuts, ma force. Qu'est-ce qu'elle n'aurait pas donné pour me rendre heureux? Lui ai-je rendu la monnaie de sa pièce? Oh que non! J'ai été odieux avec elle. Je l'ai humilié, ridiculisé, maltraité, j'ai traîné son honneur et sa fierté dans la boue. Je me souviens encore des regards d'amour qu'elle me lançait; mais je me souviens aussi du regard haineux que je lui rendais. Je me maudis rien qu'en y repensant.
J'avais tout pour mener une vie de rêve, tout pour me maintenir à flot, tout pour ne plus me plaindre comme je le faisais étant plus jeune. J'ai échangé la tranquillité de ma vie contre quelque chose qui n'en valait pas la peine, je devrais même dire quelqu'une. J'ai ruiné ma vie et celle de mes enfants. Ces derniers m'ont carrément renié, ils m'ont asséné le coup de grâce qui m'a projeté au plus bas des marches de l'escalier entraînant mon échec. Je suis fatigué, je dois arrêter de ressasser et de ruminer du noir, que dis-je, je suis déjà dans le noir. J’aurai aimé être amnésique. J’ai mal quand je me souviens de ma rencontre avec Katy alors que je n’étais qu’un vendeur de cure-dents, de notre relation, quand elle payait la location de ma petite chambre, quand elle m’a donnée de quoi l’épouser, quand elle m’a offerte la maison, la voiture, l’argent qui a financé mes études, mon projet. Je me souviens qu’elle fermait les yeux sur mon infidélité. Elle m’aimait malgré ma violence envers elle et les enfants. Je l’ai trahi et je l’ai mise dehors au détriment de ma deuxième femme. Malgré tout, elle m’a aidé quand cette dernière a mis la main sur toute ma fortune.
A force de me souvenir, je sue comme un porc. Il faut que je me rafraîchisse. Sans regarder la route que je traverse pour me rendre à la plage, je suis heurté de plein fouet par quelque chose de très gros et de très dur ; avant que je ne puisse voir ce que c’était, je me sens projeté dans les airs et plus rien.
Je me réveille avec un gout de sang dans la bouche, j’entends des voies autour de moi mais je ne peux pas ouvrir les yeux encore moins bougé. J’entends deux personnes, un homme et une femme, parler ; l’homme dit à la femme :
-c’est dommage, il parait si en forme dans ce coma et dire que maman lui a pardonné malgré tout ce qu’il lui a fait. Regarde le Diarra, qui l’aurait cru le tout puissant Fallou Ndongo Faye de la haute société a fini par être un sans-abri et le voilà maintenant dans un profond coma sans aucune activité cérébrale. Et bien je crois qu’il a suffisamment payé tous les torts qu’il a causés à notre mère
-tu a raison Mame Khadim, lui répond la femme, je crois que c’est ma fille ; il a largement payé, poursuivit-elle, maintenant il sait ce que cela fait de se faire mettre à la porte par la personne que l’on aime. Et il a aussi eu de la chance que le chauffeur qui l’a renversé l’ait amené dans l’hôpital où je travaille. C’est ce que l’on appelle le karma. Bien, tu sais petit frère, si j’ai laissé papa brancher, c’est juste parce que tu me l’as demandé ; mais sache que si dans trois jours il ne se réveille pas nous serons bien obligé de le débrancher. Je crois que un an et demi de coma c’est largement suffisant. Il faut que tu acceptes qu’il ne se réveille jamais, il n’est vivant que grâce à cette machine
Ils s’en allèrent me laissant seul. J’ouvris lentement mes yeux, deux grosses larmes perlèrent mes joues. Jamais je n’aurais dû me comporter tel un abruti, jamais profité de la gentillesse de ma femme pour me faire une renommée. Je me souviens encore du jour où elle a débloqué l’argent de son héritage pour financer mon projet, je me souviens aussi du jour où je les ai chassés, elle et mes enfants, de la maison qu’elle m’avait achetée. Heureusement qu’elle avait de l’argent pour se trouver un endroit pour vivre. Je n’aurais jamais dû la ridiculiser devant cette nouvelle conquête qui n’en voulait qu’à mon argent. Voilà maintenant le résultat, cette dernière m’a plumé jusqu’aux os avant de me chasser, tel le salaud que je suis, de Ma maison. Qui m’a sauvé quand je suis retourné à la case départ ? C’est encore ma Katy. Mes enfants n’ont pas eux aussi hésité à me chasser à la mort de cette dernière. Selon eux, je suis à l’origine de sa maladie cardiaque qui a entraîné sa mort. Je pleure mon irresponsabilité, ma lâcheté, mon imbécilité mais par-dessus tout je pleure ma cupidité. Je regrette amèrement mes actes lâches envers Katy. Et vu que plus personne ne veux de moi. Même pas mes enfants, ni même mes parents qui n’ont pas hésité à me placer dans un orphelinat dès ma naissance. Seule Katy voulait de moi. J’ai creusé mon propre trou. Je me suis moi-même précipité dans le côté obscur et noir de la vie. Alors, avant que personne ne remarque mon réveil, je ferai mieux de débrancher cette machine qui me permet de respirer et de fermer les yeux à tout jamais. Je joins l’acte à la pensée et me laisse mourir tout en espérant que dieu sera aussi clément avec moi que l’a été la seule et unique personne qui m’ait jamais aimée dans cette vie.