Mon petit-fils

- Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité.
 
C'est un vent doux et chaleureux qui m'accueillait, j'avais la sensation que ces bouffées d'air sauvages qui se frottaient à ma peau étaient non seulement dotées d'une spécificité si rafraichissante et régénératrice mais aussi accompagnées d'une mélodie que la nature m'aurait spécialement composée pour égayer ces tympans qui logeaient dans les oreilles du quinquagénaire que j'étais.
J'étais tout simplement là, profitant du moment, silencieux comme une âme errante recherchant passionnément un horizon irréel. Tout autour de moi, il n'y avait personne, juste ce cœur logé dans ma poitrine battant au rythme de mes efforts et du soleil qui le réchauffait.
J'observais des belles scènes qui s'offraient à mes yeux : d'un côté, la flore si verte de la région que le vent agitait dans un sens comme dans l'autre, créant ainsi une sorte de chorégraphie ; d'un autre côté, des figures bien accordées qu'un groupe d'oiseaux forment pendant leur vol et bien plus encore. Tout était en parfaite harmonie, chaque élément se trouvait à sa place et jouait pleinement son rôle. Par-là, Je réalisais bien que la nature se suffit à elle-même et les humains que nous sommes devraient en prendre conscience afin de la témoigner tout notre respect.
 
- C'était un vécu très inspirant pépé ! S'exclamait mon petit-fils avec beaucoup d'enthousiasme après le silence qui achevait mon speech.
 
- En effet mon enfant, je terminais à peine mon périple en rejoignant le sommet de cette montagne qui dans mon enfance suscitait en moi bien des pensées alpinistes. J'étais un fougueux un peu comme toi à ton âge. J'ai développé un attachement si particulier à la nature grâce à mon père, donc ton arrière-grand-père qui a pratiquement passé toute sa vie dans le monde merveilleux de la campagne. Il me racontait très souvent ses aventures et prouesses dans la grande nature, un peu comme je le fais avec toi mon grand.
 
- C'est donc arrière-grand-père qui t'a communiqué tout cet amour pour la nature et l'alpinisme ?
 
- Pas du tout, mais je crois bien qu'il n'a fait qu'éveiller cet amour en moi. À chaque conversation il ne cessait de me parler de ce moment où il a atteint le sommet de cette montagne et c'est par là que j'ai voulu à mon tour atteindre ce sommet et ainsi vivre tout ce qu'il me décrivait par des mots si fascinants.
 
- Eh bien ! Moi aussi j'aimerais grand-père, que tu m'attaches à cette nature d'autant plus que je suis une de ses parties et une partie d'elle est en moi. Je suis né dans la ville et je ne possède pas les valeurs que tu as développées pour la nature.
 
- C'est bien mon petit garçon ! Disais-je avec un regard étonné soutenu d'un rire plein de bonheur. Tiens mon garçon, que dis-tu de passer tes prochaines vacances avec nous dans la campagne, Grand-maman qui aime bien tenir tes deux belles joues te ferait des crêpes comme tu les aimes, mais aussi on irait pratiquer toutes les activités auxquelles je m'adonnais dans la campagne quand j'avais ton âge ?
 
- Carrément ! répondait le petit garçon avec une vivacité captivante. On irait également gravir le sommet qui t'a suscité bien des sensations ?
 
- Pas jusque-là mon enfant, tu n'as pas encore l'âge pour ça ! Au moins, je t'apprendrais comment on fait de l'alpinisme ; finissant ma phrase avec un rire que mon petit-fils accompagnait d'un sourire complice.
 
J'ai toujours accordé une attention particulière à mon petit fils qui n'a jamais connu son père parti à fleur de l'âge, j'avais été moi-même élevé par mon père qui a su bien me communiquer des valeurs, et à mon tour, je me suis occupé du fils de ce petit garçon, c'est ainsi que j'étais bien conscient de ce grand vide dans la vie du petit que je voulais non pas comblé ; mais essayer d'atténuer par ma présence ; bien que sa mère fût là, je devais bien communiquer à ce petit des valeurs propre à la paternité dont il avait grandement besoin ; j'étais parfois obligé de prendre congé de sa grand-mère qui était bien attaché à sa vie campagnarde pour rejoindre mon petit fils en ville.
Une fois, aussi curieux qu'il était, ce garçon désirait connaître où était donc parti son père ! Car, c'est ainsi que lui répondait sa maman pour justifier son absence sans rien y ajouter.
 
- Ton père ! Avais-je dit ; est un grand explorateur ; un amoureux de la nature, avant ta naissance, ton père est donc parti pour une grande exploration ; il s'en est allé pour la découverte du monde !
- C'est vrai ! S'exclamait-il ! Espérons qu'il finisse son exploration et fasse son retour à la maison, j'aurai bien de questions à lui poser, finissait-il plein d'enthousiasme.
 
Je ne voulais pas le plonger dans une certaine consternation permanente et inonder son enfance d'une certaine amertume. En compensation, je cherchais à lui attacher à cette nature dans toute sa diversité comme je l'ai fait avec son cher père.
 
J'avais toujours eu une certaine déférence pour cette nature qui nous a tous vu naître bien plus, nature de laquelle nous sommes issus ; et c'est ce que nous j'ai toujours cherché à communiquer à mon petit-fils. Ce monde qui nous entoure est d'une beauté sans pareille ; elle ne mérite pas que l'humanité la traite de manière indécente jusqu'à causer sa détérioration : réchauffement climatique, pollution plastique, déforestation, extinction de certaines espèces ; ce sont donc ces catastrophes que nous devons combattre. L'univers a débuté sans l'homme ; c'est peut-être de la même manière qu'il finira.
Cette planète qui nous héberge, nous ne l'avons pas héritée de nos ancêtres, oh non ! Au contraire, c'est à nos enfants que nous l'avons empruntée.
 
Ainsi, discuter autour de la nature avec mon petit-fils, était la seule façon pour moi de lui parler de son père qui avait développé un estime sans pareil pour la nature ; bien qu'il était parti continuer sa vie en ville ; il n'avait jamais oublié ses valeurs pour l'environnement ; c'est ainsi qu'il a d'ailleurs rejoint plusieurs mouvements environnementaux pour participer à ce combat contre ceux-là qui détruisent la planète.
Et je suis fort persuadé que s'il était encore vivant, il parlerait pleinement de sa passion pour la nature à son fils comme moi je me suis résolu à le faire.
 
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