Nouvelles
4 min
Université des sciences et de la technologie Houari Boumediène d'Alger
Mon cœur vous écoute
Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Je ne sais plus depuis combien de temps je suis là, une heure, une journée, peu m’importe. Le seul souvenir dont je me souviens est encore trop sombre, mais il me permet d’éclairer ma vue, même si cela ne reste que dans mon imagination.
L’ouïe me revient petit à petit. J’entends une voix familière crier un nom. Qui est-ce ? Qui est-ce pour que cela me fasse tant de peine ?
Le souvenir resurgit de temps en temps, à chaque fois un peu plus apparent. Je commence à distinguer les formes, puis les expressions du visage. Un jeune homme se retourne vers moi et me sourit. Il est si grand. Son regard s’adoucit répandant un sentiment de sécurité dans mon cœur. Hélas, très vite les cris désespérés s’accumulent et effacent la dernière image qui me restait de cette belle personne.
Une immense douleur me fait enfin ouvrir les yeux. Étais-je donc endormi ? J’essaye de circuler mon regard, ne pouvant mouvoir aucun muscle.
— Il a l’air d’avoir repris connaissance, dit un grand homme portant un long tablier blanc. Nous allons préparer le bloc opératoire.
Je ne pouvais pas savoir à qui il s’adressait, tout les membres de mon corps me faisaient extrêmement mal, la personne se trouvant derrière moi restera pour l’instant inconnue. Cela m’est égal, ce que je veux comprendre, c’est l’identité de l’homme au tablier blanc. Je ne sais pas pourquoi, mais il me donne une sensation de faim, comme s’il allait me donner un bon morceau de viande saignant.
J’ai soudain une terrible envie de m’endormir. Mes yeux se ferment presque aussi rapidement qu’ils se sent ouverts. Et avant que je ne sombre dans le plus profond sommeil, une voix retentit derrière moi :
— On va te sortir de là, ne t’inquiète pas Momo.
Drôle de nom, mais je l’aime bien.
Le noir reprend le dessus supprimant de ma mémoire tout les souvenirs que je venais de recueillir. Cette fois-ci, j’ai la certitude que mes yeux ne s’ouvriront pas avant un long moment.
— Momo !
Ce nom m’est familier...
— Momo !
J’ouvre doucement mes yeux, un petit garçon me dévisage quelques instants avant de s’en aller en courant.
— Maman, il s’est réveillée !
Cette fois-ci, deux têtes se penchent vers moi pour me dévisager.
— Momo ! S’écria une femme au visage rougit par les pleurs. Mon pauvre petit, tu mérites tout sauf ça.
Je tente de parler, mais au lieu de mots, un espère de miaulement sort de ma bouche.
Suis-je un chat ?
Les caresses sur ma tête me font finalement comprendre que je le suis bel et bien.
— Reste à ses côtés, Souheil, je vais prévenir le médecin.
L’enfant hocha la tête avec un grand sourire et se retourna vers moi. Il ne pleurait pas et sautillait de bonheur.
— Regarde Momo, dit-il en s’installant sur une chaise. Je suis resté à dessiner sagement pendant que le médecin te soignait de ta blessure.
Il récupéra un carnet de son cartable et l’ouvrit, me montrant ces dessins un à un.
— Là, c’est toi avec ta petite souris bleue.
Bien que la douleur de mon dos était insupportable, je fis l’effort de mouvoir mon corps doucement pour fixer mon portrait. Soit je suis un beau chat blanc, soit cet enfant avait oublié d’emporter ses couleurs avec lui pour colorier ma robe. Il afficha une nouvelle fois un grand sourire, puis ferma son carnet.
— Maman m’a dit de ne pas avoir de mauvaises pensées, dit-il en balançant ces pieds, n’atteignant pas le sol. Avec mes dessins, j’ai pu toutes les chasser.
Il baissa la tête.
— Tu ne vas plus fermer tes yeux, pas vrai ?
Je soupire. Moi qui luttait tant pour ne pas les refermer, je suis à présent dans l’obligation de les laisser ouverts coûte que coûte.
C’est étrange. Pourquoi je fais tant d’efforts pour ce petit être humain ? Est-il mon maître ? Cela est sûrement le cas. Mais alors pourquoi je n’arrive pas à me souvenir de lui ? Pourquoi je ne ressens rien envers lui ?
Il se mit à pleurer, comme s’il venait de lire dans mes pensées.
— Tu peux rester avec moi jusqu’à ce que je sois grand ? Demanda-t-il en sanglots. Quand j’aurai de longues jambes, comme papa, je pourrais t’oublier sans être triste.
Je tentais de comprendre le lien entre la taille de ses jambes et ses sentiments envers moi, lorsque tout à coup, il se mit à rire.
— Tu ne peux pas comprendre notre langage, dit-il en levant la tête illuminée une nouvelle fois par un sourire.
Malgré qu’il affirmait que je ne pouvais pas comprendre ses mots, il continuait de me parler calmement. Ses sanglots disparurent avant que sa mère ne revienne dans la pièce, accompagnée par le médecin.
— Alors, dit le médecin en s’approchant de moi. Comment va notre petit Momo ?
— Il ne s’est plus rendormi ! Lui répondit l’enfant en haussant la voix, comme s’il voulait que tout le monde l’entende.
La mère sourit en caressant ma petite tête.
— Il est très fatigué, expliqua le médecin à Souheil. Il peut dormir un peu s’il le veut.
Soulagé de pouvoir enfin me reposer, je fermis les yeux, ce qui étonna mon jeune maître que j’entendis crier prêt de mon visage.
— Momo a compris, il dort !
Les deux adultes de la pièce laissèrent échapper un rire moqueur.
— Mais voyons Souheil, s’exclama sa mère. Un chat ne peut pas comprendre ce qu’on dit.
Mais oui, voilà ce qui me tracassait l’esprit depuis tout à l’heure : En tant que chat ordinaire, je ne suis pas sensé comprendre aussi aisément le langage des humains, et encore moins réfléchir à toute la discussion que j’entretiens avec eux. Ai-je acquis une aptitude exceptionnelle suite à ma blessure ?
Alors qu’ils discutaient sur mon état de santé, les battements de mon cœur diminuèrent radicalement et ma vision se floutait graduellement.
Lorsque le médecin obligea mes yeux à s’ouvrir de ses grands doigts, et aux cris de l’enfant, j’ai pris conscience que j’allais mourir.
En fermant mes yeux une dernière fois, j’eus la certitude de me plonger dans le noir infini.
Peut-être que ce n’était qu’un rêve, ou peut-être que la compréhension des humains ne m’est venue que pour entendre leurs derniers mots. Tout ce que je venais de vivre ne s’en ira pas cette fois-ci de ma mémoire.
— Il s’en ai allé.
L’ouïe me revient petit à petit. J’entends une voix familière crier un nom. Qui est-ce ? Qui est-ce pour que cela me fasse tant de peine ?
Le souvenir resurgit de temps en temps, à chaque fois un peu plus apparent. Je commence à distinguer les formes, puis les expressions du visage. Un jeune homme se retourne vers moi et me sourit. Il est si grand. Son regard s’adoucit répandant un sentiment de sécurité dans mon cœur. Hélas, très vite les cris désespérés s’accumulent et effacent la dernière image qui me restait de cette belle personne.
Une immense douleur me fait enfin ouvrir les yeux. Étais-je donc endormi ? J’essaye de circuler mon regard, ne pouvant mouvoir aucun muscle.
— Il a l’air d’avoir repris connaissance, dit un grand homme portant un long tablier blanc. Nous allons préparer le bloc opératoire.
Je ne pouvais pas savoir à qui il s’adressait, tout les membres de mon corps me faisaient extrêmement mal, la personne se trouvant derrière moi restera pour l’instant inconnue. Cela m’est égal, ce que je veux comprendre, c’est l’identité de l’homme au tablier blanc. Je ne sais pas pourquoi, mais il me donne une sensation de faim, comme s’il allait me donner un bon morceau de viande saignant.
J’ai soudain une terrible envie de m’endormir. Mes yeux se ferment presque aussi rapidement qu’ils se sent ouverts. Et avant que je ne sombre dans le plus profond sommeil, une voix retentit derrière moi :
— On va te sortir de là, ne t’inquiète pas Momo.
Drôle de nom, mais je l’aime bien.
Le noir reprend le dessus supprimant de ma mémoire tout les souvenirs que je venais de recueillir. Cette fois-ci, j’ai la certitude que mes yeux ne s’ouvriront pas avant un long moment.
— Momo !
Ce nom m’est familier...
— Momo !
J’ouvre doucement mes yeux, un petit garçon me dévisage quelques instants avant de s’en aller en courant.
— Maman, il s’est réveillée !
Cette fois-ci, deux têtes se penchent vers moi pour me dévisager.
— Momo ! S’écria une femme au visage rougit par les pleurs. Mon pauvre petit, tu mérites tout sauf ça.
Je tente de parler, mais au lieu de mots, un espère de miaulement sort de ma bouche.
Suis-je un chat ?
Les caresses sur ma tête me font finalement comprendre que je le suis bel et bien.
— Reste à ses côtés, Souheil, je vais prévenir le médecin.
L’enfant hocha la tête avec un grand sourire et se retourna vers moi. Il ne pleurait pas et sautillait de bonheur.
— Regarde Momo, dit-il en s’installant sur une chaise. Je suis resté à dessiner sagement pendant que le médecin te soignait de ta blessure.
Il récupéra un carnet de son cartable et l’ouvrit, me montrant ces dessins un à un.
— Là, c’est toi avec ta petite souris bleue.
Bien que la douleur de mon dos était insupportable, je fis l’effort de mouvoir mon corps doucement pour fixer mon portrait. Soit je suis un beau chat blanc, soit cet enfant avait oublié d’emporter ses couleurs avec lui pour colorier ma robe. Il afficha une nouvelle fois un grand sourire, puis ferma son carnet.
— Maman m’a dit de ne pas avoir de mauvaises pensées, dit-il en balançant ces pieds, n’atteignant pas le sol. Avec mes dessins, j’ai pu toutes les chasser.
Il baissa la tête.
— Tu ne vas plus fermer tes yeux, pas vrai ?
Je soupire. Moi qui luttait tant pour ne pas les refermer, je suis à présent dans l’obligation de les laisser ouverts coûte que coûte.
C’est étrange. Pourquoi je fais tant d’efforts pour ce petit être humain ? Est-il mon maître ? Cela est sûrement le cas. Mais alors pourquoi je n’arrive pas à me souvenir de lui ? Pourquoi je ne ressens rien envers lui ?
Il se mit à pleurer, comme s’il venait de lire dans mes pensées.
— Tu peux rester avec moi jusqu’à ce que je sois grand ? Demanda-t-il en sanglots. Quand j’aurai de longues jambes, comme papa, je pourrais t’oublier sans être triste.
Je tentais de comprendre le lien entre la taille de ses jambes et ses sentiments envers moi, lorsque tout à coup, il se mit à rire.
— Tu ne peux pas comprendre notre langage, dit-il en levant la tête illuminée une nouvelle fois par un sourire.
Malgré qu’il affirmait que je ne pouvais pas comprendre ses mots, il continuait de me parler calmement. Ses sanglots disparurent avant que sa mère ne revienne dans la pièce, accompagnée par le médecin.
— Alors, dit le médecin en s’approchant de moi. Comment va notre petit Momo ?
— Il ne s’est plus rendormi ! Lui répondit l’enfant en haussant la voix, comme s’il voulait que tout le monde l’entende.
La mère sourit en caressant ma petite tête.
— Il est très fatigué, expliqua le médecin à Souheil. Il peut dormir un peu s’il le veut.
Soulagé de pouvoir enfin me reposer, je fermis les yeux, ce qui étonna mon jeune maître que j’entendis crier prêt de mon visage.
— Momo a compris, il dort !
Les deux adultes de la pièce laissèrent échapper un rire moqueur.
— Mais voyons Souheil, s’exclama sa mère. Un chat ne peut pas comprendre ce qu’on dit.
Mais oui, voilà ce qui me tracassait l’esprit depuis tout à l’heure : En tant que chat ordinaire, je ne suis pas sensé comprendre aussi aisément le langage des humains, et encore moins réfléchir à toute la discussion que j’entretiens avec eux. Ai-je acquis une aptitude exceptionnelle suite à ma blessure ?
Alors qu’ils discutaient sur mon état de santé, les battements de mon cœur diminuèrent radicalement et ma vision se floutait graduellement.
Lorsque le médecin obligea mes yeux à s’ouvrir de ses grands doigts, et aux cris de l’enfant, j’ai pris conscience que j’allais mourir.
En fermant mes yeux une dernière fois, j’eus la certitude de me plonger dans le noir infini.
Peut-être que ce n’était qu’un rêve, ou peut-être que la compréhension des humains ne m’est venue que pour entendre leurs derniers mots. Tout ce que je venais de vivre ne s’en ira pas cette fois-ci de ma mémoire.
— Il s’en ai allé.