Merci Simone

Diane Marnier <br><i>Conférencière à la Réunion des musées nationaux – Grand Palais</i>

Diane Marnier Conférencière à la Réunion des musées nationaux – Grand Palais

Je m'appelle Diane. Je suis conférencière dans les musées. J'ai deux merveilleux enfants. En 2018, quand Simone Veil est entrée au Panthéon, j'en ai parlé avec eux. Ils étaient pourtant petits. Mais je me suis dit que c'était important. Et puis, ensemble, on a regardé la cérémonie à la télévision. En voyant les visages des personnes présentes, leur émotion, je me suis demandé ce qui liait tous ces gens.
 
Je vois cette femme politique, cheveux courts en bataille, manteau bleu, lèvres pincées, visiblement très émue. Je reconnais en elle Édith Cresson et j'imagine ce qu'elle pense.
 
« J'ai été la première femme Première ministre en France. Quand j'occupais cette très haute fonction d'État, j'ai été victime de sexisme. Alors voir tous les politiques, hommes et femmes, présents en ce grand jour, me fait penser que même si le chemin est encore long, les femmes représentent désormais le peuple au même titre que les hommes. L'égalité est proche et le combat, c'est toi aussi qui l'as menée. D'abord en devenant ministre de la Santé, puis quand tu es devenue la première femme présidente du Parlement européen. Tu as ouvert la voie. Merci Simone. »
 
Mon regard tombe sur un jeune homme à la peau sombre, au sourire chaleureux et aux yeux rieurs, pourquoi est-il venu ?
 
« Je suis bénévole au Planning Familial. Le Planning, c'est là où on vient quand on cherche du soutien, de la compréhension. Mon job, c'est de donner à chacune et chacun la liberté de choisir. Choisir d'avoir une sexualité protégée alors qu'à 16 ans les parents refusent de payer une contraception. Choisir de ne pas garder un enfant dans son ventre parce qu'il n'est pas désiré. Choisir de renoncer à une grossesse parce qu'on a été violée. Ceux et celles qui viennent ont le choix grâce à toi. Tu as eu le courage de porter la loi pour légaliser l'avortement en 1974. Merci Simone. »
 
Cette vieille dame me touche beaucoup avec ses cheveux blancs relevés en chignon et sa mine boudeuse. Elle a remonté ses manches. Il y a un tatouage sur son bras. 
 
« Je viens de fêter mes 100 ans. J'étais adulte quand ils m'ont emmenée. Je me souviens de tout. L'odeur étouffante dans le train où nous étions entassés. Le chaos des visages quand on en est descendu. Tous ces yeux rivés sur nous, désespérés. Eux savaient. Moi, j'ai fini par savoir. On m'a mise d'un côté avec mes deux enfants. Youcef, mon mari, nous a été enlevé, mis dans les baraquements des hommes. De ce camp de la mort nazi, je suis la seule à être rentrée. Toi, tu avais 16 ans quand ils t'ont emmenée. Tu as survécu. Tu as pu leur raconter à tous, ce que nous avons vu, vécu. Tu as pu montrer les chiffres tatoués sur ton bras. J'ai été le numéro 45 566 pendant trop longtemps. Je suis enfin redevenue Shoshana. Le mot fraternité a de nouveau un sens. Et c'est un peu grâce à toi. Merci Simone. »
 
Et moi ? Je suis conférencière. J'explique aux enfants pourquoi un collectif de street artistes placarde des affiches de ton visage pour porter un message de liberté et de tolérance. Merci Simone.
 
« Merci Simone » du Collectif Merci Simone
Le collectif Merci Simone est un collectif de Street Art dont les artistes préfèrent rester anonymes. Leur objectif, selon eux, n'est pas de se faire connaître mais de rendre hommage à Simone Veil et de faire vivre son message : ne jamais oublier le combat des aînés parce que rien n'est acquis !  

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