Menace verte

 -J'ai terminé mon quart de travail, Julien! Je suis partie! s'exclame Zoé dans le café « Chez J » pour prévenir son patron.   
Elle fait un pas vers la sortie, quand elle entend une voix l'interpeller à la hâte et une course retentir.  
 -Attends! lui cri Julien, son patron, un carton à la main. Prends ça, c'est important! 
 Zoé se retourne vers l'homme devant elle et prend le carton du bout des doigts, intriguée. Elle lit le titre inscrit par ordinateur en différents tons de vert: « CONCOURS SAUVE TA PLANÈTE ».  La jeune femme lève un sourcil.  
 -Sérieusement? Pourquoi tu me donne ça? Je n'en veux pas, désolé, dit Zoé en tendant le carton vers Julien pour qu'il le reprenne, mais ce dernier le repousse pour qu'elle le garde.  
 -Sérieusement, Zoé, tu devrais faire ce concours. Je tiens à ce que tu apprennes les bonnes habitudes pour prendre soin de l'écologie. C'est demain qu'aura lieu le concours. S'il te plait, fais-le. Tu as de très mauvaises habitudes et ça reflète sur le café pendant tes journées de travail.  
 -Ça ne m'intéresse pas, insiste-t-elle en reprenant sa marche vers la sortie.  
 Elle laisse le carton sur une des tables du café, juste avant de partir, mais Julien pique une petite course discrète pour glisser le carton dans le sac de son employée. Zoé ne s'en rend même pas compte et prend le chemin vers sa voiture. Il voit les phares lumineux traverser la route et soupir.  
 -J'espère que ça va marcher...  
 Le lendemain matin, Zoé se réveille sous la lumière du soleil. Aujourd'hui, c'est samedi, mais c'est également jour de ménage. Elle a beaucoup de choses à faire, notamment arroser ses plantes, passer l'aspirateur, faire les courses et ranger le reste.  
 Déterminé à passer à travers cette journée, Zoé sort du lit et va dans sa cuisine, mais fait un léger détour pour allumer la télévision qui tombe sur les nouvelles du jour. C'est un son qu'elle aime bien entendre chez elle étant donné sa solitude. Elle habite dans une petite maison, dans un quartier tranquille. En se promenant dans son habitat vers son frigo, elle remarque qu'il a plu, dehors. Les feuilles des arbres dégoulinent.  
-Malheureusement, il n'a pas plu à l'intérieur, se dit-elle en regardant ses plantes dans la maison qui ont l'air de souffrir.  
Ouvrant le réfrigérateur, la jeune femme regarde ailleurs en tendant la main vers une bouteille d'eau, par habitude, mais elle n'attrape rien. Les objets se seraient-ils déplacés? se demande-t-elle en tournant la tête pour regarder à l'intérieur du grand rectangle froid et blanc. Soudain, elle pousse un petit cri aigu. 
-Où sont passé mes bouteilles d'eau !?  
Confuse, Zoé vérifie qu'elle n'a pas déposé sa caisse de 24 bouteilles d'eau minérale en plastique autre part, mais elle ne trouve rien. Pourtant, elle jure qu'elle vient juste de s'en acheter une! 
-Peut-être que je l'ai vidé dans le temps de le dire? se dit-elle en se grattant la tête.  
Elle fait tellement les choses machinalement, ça ne serait pas impossible. Toujours pensive elle se retourne vers son ilot de cuisine avant de pousser un autre petit cri aigu.  
-Mais... Qu'est-ce... Je... balbutie Zoé en attrapant brusquement une mystérieuse bouteille d'eau réutilisable verte. Est-ce qu'elle était là avant? Mais d'où vient-elle!  
DING! DONG! 
On sonne soudainement à la porte. Encore plus intriguée, Zoé se demande bien qui ça peut être. Elle n'attend personne, aujourd'hui. C'est jour de ménage, après tout! Se dirigeant vers l'entrée, elle prend la poigné dans sa main et la tourne. Derrière la porte, une inconnue est présente avec un sourire chaleureux et de l'argent dans les mains.  
-Bonjour, Zoé! la salue l'individue de manière enjouée. 
-Bonjour... réponds la jeune femme qui a de moins en moins de facilité à comprendre ce qui se passe. Qu'est-ce que- 
Zoé se coupe elle-même dans son élan quand la femme devant elle lui tend les billets de 20$, se penche pour prendre une boîte qui se trouvait sur sa galerie et s'en va en criant: « Merci pour la lampe usagée! ». Figée avec l'argent dans les mains, elle traite l'information que l'individue vient de lui donner.  
-Lampe usagée? Oh non! Est-ce qu'une de mes lampes a disparu? 
Rapidement, Zoé referme la porte pour vérifier si les lampes neuves qu'elle possède sont belle et bien toutes à l'intérieur. Elle compte à la va vite et finit par se rendre à l'évidence; il n'en manque pas une seule. Tout de même, elle est inquiète. Il y a des choses bizarres qui se passent, aujourd'hui. Mais elle ne se laissera pas faire. Il faut qu'elle fasse le ménage. Ce n'est peut-être que des coïncidences étranges et éphémères, après tout.  
Ça va s'arrêter, se dit Zoé.  
Décidée à bien faire les choses, la jeune femme se dirige vers son placard près de l'entrée pour prendre son arrosoir, mais... Surprise! Il n'est plus là! 
-C'est quoi ce bor... Argh! hurle Zoé, frustrée. Ça suffit! Il faut que je prenne l'air, se dit-elle avant de prendre la porte arrière pour accéder à son jardin.  
Elle n'a le temps que d'ouvrir cette dernière qu'elle trouve déjà son arrosoir sur la galerie, juste sur le bord.  
-Oh? Je ne me rappelle vraiment pas l'avoir déplacé et encore moins dehors... 
Toujours par habitude, Zoé prend l'objet rapidement par la poigné supérieur pour se rendre compte qu'il est plus lourd que la normale. Étonnée, elle regarde plus attentivement ce qui se passe.  
-Il y a déjà de l'eau dedans? Est-ce que c'est de l'eau de pluie? se demande Zoé, pensive. Hum... C'est pas mal.  
Avant de relever l'arrosoir, elle se prend un élan et marche doucement à l'intérieur avec. Une fois dans sa chère maison, elle commence à donner de l'eau à chacune de ses plantes. Elle en a plusieurs, surtout dans le salon. Et c'est quand elle s'apprête à arroser l'une d'entre elle qui se trouve, justement sur le meuble de la TV, que Zoé se rend compte qu'elle s'est fermé toute seule. Un frisson lui parcourt soudainement le corps.  
-Dites-moi qu'on a perdu l'électricité, marmonne-t-elle en vérifiant l'heure de son enregistreur.  
Lorsqu'elle voit qu'il est 10h03, elle dépose son eau immédiatement et enfile des habits de ville pour courir à l'extérieur et embarquer dans sa voiture, clés en main. Ses doigts tremblent alors qu'elle essaie de mettre la clé principale dans le contact.  
-Ce n'est pas vrai! Allez!  
Finalement, elle réussit à démarrer son auto et met le bâton vis-à-vis le « R », alors qu'elle se tourne vers l'arrière pour reculer, elle pousse un cri une troisième fois.  
-Ce n'est pas vrai! Je suis hanté! s'exclame Zoé en voyant les sacs réutilisables sur la banquette arrière.  
Elle secoue son t-shirt pour créer du vent et sursaute de nouveau quand elle voit le carton qui lui avait été donné par Julien la veille, sur le siège passager. 
-Mais! Je ne l'avais pas pris! proteste-t-elle comme si elle parlait à un fantôme. Oh mon dieu! s'écrie Zoé en prenant le carton entres les doigts. C'est un signe! 
D'un coup, elle prend le volant, se recule et roule vers le café « Chez J ». Elle est sur place en un rien de temps et dépasse tous les clients dans la file d'attente pour pouvoir parler à Julien. Sur le comptoir, elle frappe la surface avec le carton et dit: 
-C'est bon! Je vais faire ton truc. Pitié, aide-moi! Il faut que je réussisse. Je suis hanté!  
Sans s'y opposer, l'homme devant elle exquise un petit sourire en coin.  
-Je savais bien que ça marcherait, murmure Julien.  
Une main derrière son dos, sa conjointe passe derrière et exécute un « high five » subtile. Voilà comment on convainc quelqu'un d'être écologique, tout le monde.  
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