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Nouvelles - Policier & Thriller — Alors, qu'est-ce que je peux faire pour vous ?
— Voilà, Docteur. Chaque fois que je vais avoir mes règles, je suis dans un état... Je ne sais pas, je me sens... nerveuse, instable. Parfois, j'ai l'impression de devenir folle ! Alors, je... enfin, c'est difficile d'en parler, mais je... je tue quelqu'un. Et puis, le lendemain ou un peu après, mes règles arrivent et tout redevient normal.
Le Professeur Chapier soupira. Il fallait toujours que ces bonnes femmes exagèrent ! Il était gynécologue-obstétricien, lui, vingt ans de pratique, et il savait qu'il n'y a rien de plus naturel que les règles. Ce fameux syndrome prémenstruel, marronnier favori des magazines féminins, jamais prouvé scientifiquement, il n'y croyait absolument pas. Les taux d'œstrogènes et de progestérone fluctuent pendant le cycle, et le corps et le cerveau des femmes sont conçus pour supporter ces variations. Point final. Du cinéma, voilà ce qu'elles faisaient, toutes !
— Voilà, Docteur. Chaque fois que je vais avoir mes règles, je suis dans un état... Je ne sais pas, je me sens... nerveuse, instable. Parfois, j'ai l'impression de devenir folle ! Alors, je... enfin, c'est difficile d'en parler, mais je... je tue quelqu'un. Et puis, le lendemain ou un peu après, mes règles arrivent et tout redevient normal.
Le Professeur Chapier soupira. Il fallait toujours que ces bonnes femmes exagèrent ! Il était gynécologue-obstétricien, lui, vingt ans de pratique, et il savait qu'il n'y a rien de plus naturel que les règles. Ce fameux syndrome prémenstruel, marronnier favori des magazines féminins, jamais prouvé scientifiquement, il n'y croyait absolument pas. Les taux d'œstrogènes et de progestérone fluctuent pendant le cycle, et le corps et le cerveau des femmes sont conçus pour supporter ces variations. Point final. Du cinéma, voilà ce qu'elles faisaient, toutes !
Sur la chaise en face de lui, légèrement penchée vers l'avant, encombrée de son manteau et de son sac, la patiente, une petite dame replète d'une quarantaine d'années, attendait sa réaction. Il toussota.
— Vous voulez dire que ces jours-là, vous avez envie de tuer quelqu'un ?
— Non, non, je dis bien : je tue quelqu'un.
— Vous n'exagérez pas un petit peu, madame Clubecq ?
Elle grimaça. Quel ton paternaliste ! Elle posa ses affaires sur la chaise à côté d'elle, frotta machinalement ses mains sur son pantalon de velours ocre, et raconta.
— Non, non, je dis bien : je tue quelqu'un.
— Vous n'exagérez pas un petit peu, madame Clubecq ?
Elle grimaça. Quel ton paternaliste ! Elle posa ses affaires sur la chaise à côté d'elle, frotta machinalement ses mains sur son pantalon de velours ocre, et raconta.
« La première fois, c'était il y a quatre mois. À la boucherie Thilliers, sur l'avenue Flaubert. Il y a une dame, une petite vieille, qui est rentrée après moi, mais quand la mère Thilliers a demandé à qui c'était, elle a prétendu que c'était son tour ! Ça m'a énervée, vous n'imaginez pas à quel point ! Alors, à la sortie de la boucherie, je l'ai suivie jusqu'à chez elle. Je l'ai abordée quand elle tournait la clé dans sa serrure. Je lui ai dit que la bouchère et sa fille, qui m'avait servie, avaient confondu nos commandes. Elle avait l'air étonnée, mais elle m'a laissé rentrer dans sa cuisine, et a commencé à déballer ses paquets pour vérifier. C'est là que je l'ai tuée, Docteur. Avec une saucisse de Morteau, vous voyez ? Les grosses. Je lui ai enfoncé dans la gorge, c'était pas beau à voir... Je suis dégoûtée de la saucisse de Morteau, du coup, je crois que je ne pourrai plus jamais en manger de ma vie. Le lendemain, j'étais indisposée.
Le mois suivant, j'ai buté un cycliste. Ils m'énervent, les cyclistes ! Ils se croient tout permis, ils roulent au milieu de la route, avec leurs ridicules machins fluos et leurs moules-burnes en lycra. Ça fait genre je sauve la planète, mais tout ce qu'ils font, c'est emmerder toute la circulation ! Vous n'êtes pas d'accord avec moi ? Bref. Celui-là se donnait des airs, et ce n'était pas le bon jour. Un coup de volant, un coup d'accélérateur, et un joli vol plané ! Je suis repartie aussitôt, mais j'ai lu le lendemain dans le journal qu'il était bel et bien mort. Je me suis dit que ça en faisait toujours un de moins ! J'ai reposé le journal, et je suis allée aux toilettes, et ça y était...
En août, c'est un couple de touristes que j'ai supprimé. Ces randonneurs insupportables, avec leurs gros godillots et leurs sacs à dos plus grands qu'eux. Ils cherchaient le point de vue de la Croix Moret. Ils m'ont abordée sur le parking de Carrefour, quand je chargeais mes courses dans la voiture, comme si je n'avais que ça à faire de renseigner les abrutis, et m'ont fourré leur carte sous le nez. Ils ne parlaient même pas français ! Je leur ai laissé une heure pour atteindre le point de vue, je suis restée assise au volant, j'avais mal au ventre. Puis j'ai repris ma voiture et je suis montée jusque là. Ils étaient en train de manger des sandwiches au thon, ça sentait le thon, en regardant le panorama, comme si ça pouvait être intéressant, des bêtes montagnes ! Je leur ai proposé de les photographier, vous savez, comme dans la blague, recule, recule, et boum ! Ils se sont écrasés dans le ravin, avec leurs sandwiches ! J'ai eu mes règles le surlendemain.
Le mois dernier, de nouveau la veille du jour J, j'ai tué un mec de chez Carglass. Vous voyez, les pubs à la télé ? Mon pare-brise était pété, j'y suis allée, et voilà que le bonhomme me radote une sombre histoire de franchise à payer ou je ne sais quoi ! Alors qu'à la télé, ils disent que c'est gratuit, leur truc ! Ça m'a énervée, mais énervée ! J'ai prétendu avoir fait tomber une de mes boucles d'oreilles, juste sous le pont qu'ils utilisent pour lever les voitures. Il a commencé à chercher, tout couillon. Je sais comment ça marche, moi, ces affaires-là, mon tonton avait un garage. J'ai actionné le bouton pour faire redescendre le machin et j'ai parlé très fort pour couvrir le bruit.. Vous m'auriez entendue, j'ai raconté n'importe quoi, mais heureusement, ce gars-là ne le répétera jamais à personne... »
« Vous avez une imagination débordante, madame Clubecq, sourit le médecin. Vous devriez écrire... Je vais vous donner des plantes, à prendre en tisanes. C'est excellent pour la santé, les tisanes, moi-même, j'en bois beaucoup... C'est un complexe, assez intéressant, du gattilier, de l'alchémille, et de l'achillée mille-feuilles. Avec un peu de lavande pour vous calmer. Et puis je vous donne l'adresse d'un confrère, il est psychiatre, très compétent, dites-lui que c'est moi qui vous envoie... »
Maud Clubecq resta un instant immobile, la bouche entrouverte, les mains sur les cuisses. Elle n'en revenait pas ! « Une imagination débordante ! » « Vous devriez écrire ! » Et l'adresse d'un psychiatre ! Ce connard de gynéco ne la croyait pas ! Elle lui avait confessé tous ses crimes, et il se contentait de l'envoyer chez le psy ! Elle ferma brièvement les yeux, respira un grand coup, puis porta une main dolente à son front.
« Je ne me sens pas très bien, Docteur, est-ce que je pourrais avoir un verre d'eau ? »
Le gynécologue soupira, et grommela : « Je vais vous chercher ça... »
Dès qu'il fut sorti du cabinet, Maud se leva, et dévissa adroitement l'un des étriers de la table d'auscultation. Elle éprouva le poids de l'acier dans sa main avec un petit sourire satisfait. Puis elle tira une chaise derrière la porte, grimpa dessus et attendit le retour du praticien.
Au moment de s'en aller, elle constata que le cadavre, grotesque avec cet étrier qui lui sortait de la bouche, bloquait la porte. Elle le repoussa en soupirant. « Décidément, celui-là, il m'aura fait chier jusqu'au bout... » pensa-t-elle.
Dehors, il pleuvait. Maud ouvrit son parapluie, et éprouva soudain un petit pincement typique et chaud dans le bas du ventre. « Tiens, se dit-elle, on dirait bien que ça y est... »
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Pourquoi on a aimé ?
Il ne faut pas rigoler avec le syndrome prémenstruel. En tout cas, il vaut mieux ne pas croiser la route de Mme Clubecq dans ses mauvais jours
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Il ne faut pas rigoler avec le syndrome prémenstruel. En tout cas, il vaut mieux ne pas croiser la route de Mme Clubecq dans ses mauvais jours