Mademoiselle

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Mademoiselle Barnier ne bénéficiait que d'une modeste retraite, mais vivait si chichement, qu'elle finissait par accumuler beaucoup d'argent.

Elle lésinait sur tout, tirait profit de la moindre peccadille, s'habillait d'un rien déniché le dernier jour des soldes, et se nourrissait à peine.

On la voyait passer trop mince, trop grise, ombre glissant le long des murs, économisant ses pas, toujours pressée d'arriver et de pouvoir refermer sa porte.

Certains racontaient que l'année de ses seize ans, un amoureux l'avait séduite, puis abandonnée.

Ses parents, des gens très discrets, décidèrent alors de quitter la région, et n'y revinrent jamais.

Ce n'est qu'après leur mort qu'elle acheta ce petit appartement, dans cette rue qui l'avait vue grandir, et s'y installa.

Elle passait la majeure partie de son temps devant l'écran de son ordinateur.

Elle guettait le passage du facteur, et descendait aussitôt ouvrir sa boîte à lettres. Parfois, une enveloppe semblait l'interpeller. Elle la serrait contre elle, hésitait à l'ouvrir, comme si elle craignait de perdre tout espoir. Qu'espérait-elle ? Et quelle était cette chose qui la faisait se précipiter chez elle, avec le cœur au bout des doigts !

Maria, sa plus proche voisine, avec qui parfois elle bavardait brièvement, disait qu'elle semblait chercher quelqu'un, mais qui ? Mademoiselle ne recevait jamais de visite, et n'allait chez personne.

Pauvre Mademoiselle, si seule, si triste, enfermée dans son silence, tellement insignifiante, qu'on finissait par l'oublier.

Jusqu'à ce jour de décembre où Mademoiselle, d'habitude si discrète, sembla prise d'un accès de fièvre !

Elle s'agita beaucoup, fit des achats, et alla même se faire coiffer.

Enfin arriva ce fameux dimanche qui précédait Noël.

Mademoiselle, vêtue d'un ravissant manteau, sortit vers onze heures, se rendit chez la fleuriste, et revint portant fièrement un superbe bouquet de roses.

Maria, qui l'observait de sa fenêtre, s'exclama : « Je n'avais jamais remarqué qu'elle avait de si beaux yeux et une si gracieuse silhouette ! »

Mais que faisait donc Mademoiselle devant l'entrée de l'immeuble avec ses fleurs ? Manifestement, elle attendait quelqu'un.

Elle allait, venait, consultait sa montre. Elle semblait fébrile, remplie d'impatience, en quête de quelque chose d'énorme, d'essentiel. Quelque chose qui déjà avait transformé sa vie !

Avec qui avait-elle rendez-vous ?

Un amoureux peut-être ? Cela paraissait peu probable. Un parent ? Mademoiselle n'avait plus de famille. Qui alors ?

« Quelle histoire », pensa Maria, de plus en plus intriguée.

Cinq minutes plus tard, elle vit arriver une dame qui se dirigea vers Mademoiselle. Elles échangèrent quelques mots, puis tombèrent dans les bras l'une de l'autre en écrasant le bouquet, et restèrent longtemps enlacées.

Quand elles se séparèrent, Maria les vit pleurer et les entendit rire.

Ensuite, elles se dirigèrent vers un banc en se donnant le bras.

Elles parlèrent longtemps, assises l'une contre l'autre, en se buvant des yeux et en se touchant les mains, comme si elles avaient peur de se perdre.

L'inconnue fouilla dans son sac et sortit une pochette contenant des photos. Elle les tendit à Mademoiselle qui les examina avec des doigts tremblants, toute secouée d'une intense émotion.

À nouveau les deux femmes s'embrassèrent longuement, puis regagnèrent l'entrée de l'immeuble.

Maria, dévorée de curiosité, se précipita dans l'escalier pour être certaine de les croiser.

Mademoiselle l'accueillit avec un grand sourire et lui dit :

— C'est le plus beau jour de ma vie Maria, je vous présente Élise, c'est ma fille, je viens enfin de la retrouver !
— Ça par exemple ! s'exclama Maria en contemplant ce nouveau visage qui avait le sourire de Mademoiselle, pour une surprise, c'est une surprise ! J'en suis toute retournée ! Quelle émouvante rencontre, aussi charmante qu'inattendue ! Je suis vraiment très heureuse pour vous, Madame Barnier...

Maria pensa que la magie de Noël venait de faire un miracle.

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