ma rencontre avec Zeyna

« Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître » ; plutôt moi je vous appellerai ma douce Zeyna. Cependant, je prenais mon envol, avec quoi, évidemment qu'il s'agirait des ailes, pour monter vers les étoiles, non pour descendre sur terre, pour envenimer le corps d'un ange. Celui qui me fera sentir, important et me fera sucer le véritable goût de la vie. Ainsi, m'interrogea mon altruisme :
-Connais-tu khardiatou, me demanda-t-il ?
-Non
-Celle que tu as rencontrée à la colonie des vacances, insista-t-il ?
-Ah oui! Celle qui éveilla mes passions, me rappelai-je ?
-Bien sûr, confirmai-je !
-Comment pourrais-je oublier l'image de l'une des si belles créatures jamais existées ?
Jadis, à l'époque j'étais enfant, et le suis toujours ; mais je n'étais pas réputé d'avoir droit à l'amour. Et j'étais contraint de m'abstenir; il fallait que j'accepte ma situation, mon âge, pour ne pas gouter très tôt, trop tôt aux délices surnaturels de la vie. Et attendre que je devienne véritablement un homme, en toute acceptation du mot. Quoi qu'il en soit je ne l'étais pas, maintenant, je le suis, je veux pour ma part renaitre, revivre, abandonner ce cercle de l'ignorance enfantine et de l'innocence, en devenant un homme apte à aimer. Certes, ma relation avec Khardiatou ne serait considéré comme de l'amour mais d'un coup de foudre parce que notre rencontre fut éphémère, parce que nous n'avions pas vécu longtemps. Mais à ce niveau je me rendis compte que j'intégrais un nouveau cénacle qu'est la vie. Puis un lundi matin sur le chemin de l'école, je pressai les pas quand soudain j'entendis derrière moi une voix si audible qui m'appela :
-Bonjour !, me salua-t-elle.
Je tournai la tête puis j'aperçus une certaine Zeyna qui, au préalable je n'attribuais aucun rapport d'intérêt. Elle était la fille d'un homme d'affaire bambara venu du Mali. Elle habitait dans le même quartier que moi, donc issue d'une famille aisée. Cependant, Zeyna n'acceptait jamais les avantages que sa famille lui proposait. Elle refusait car elle ne voulait pas que des camarades comme moi se sentent faibles et défavorisés. Pourtant sa famille disposait des moyens de déplacement: des véhicules de luxe, des motocyclistes et un vélo que son père l'acheta qu'elle emmenait très rarement. Khardiatou était certes belle, attentionnée mais, mon histoire avec Zeyna était d'une autre dimension. La différence entre les deux est que Zeyna était plus proche de moi parce que nous partagions presque la même culture, donc la communication passait aisément. De surcroit, elle était aussi la plus présente dans ma vie ou du moins c'était avec elle que j'ai vécu le plus longtemps possible. En d'autres termes je la voyais le très souvent au Lycée. Par ailleurs, c'est elle que j'ai le plus aimé dans ma vie. C'est pourquoi était-elle irremplaçable ! Et à dire vrai, comme écolier au début, désirer Zeyna ne m'avait jamais traversé l'esprit. La seule chose à quoi je pensais était de récolter de bonne note. Mais plus les jours passaient plus ma relation avec elle devenait de plus en plus tendre. Ce fut à l'approche des compositions du premier semestre que nous avions commencé à nous fréquenter véritablement. Zeyna était presque bien dans tous les domaines surtout les matières scientifiques, même si ces notes de littérature n'étaient pas aussi satisfaisantes contrairement à moi. La vérité est qu'elle était meilleure que moi dans ce domaine, donc on se comblait l'un à l'autre.
Malgré, ce rapprochement, je la considérais comme une amie, donc je ne prêtais aucune miette d'attention à sa beauté, de ce qu'elle pouvait me procurer de sensationnelle. Jamais je n'aurais cru qu'elle ferait un jour partie de ma vie et que mon destin était lié à elle. Après la fin du premier semestre, le gouvernement scolaire de notre lycée avait organisé un bal de soirée un certain samedi nuit durant lequel garçon et fille étaient mêlés. Moi je n'étais pas réputé par mon caractère de fêtard mais ce soir-là, je voulais me délecter, refouler la pression dont j'avais vécue durant les mois précédents. A cette occasion, je découvris Zeyna dans la splendeur de ses dix-sept ans, de son légendaire beauté. Elle était sublime, magnifique dans sa robe; ce soir-là, je pouvais l'attribuer tous les qualificatifs parce qu'elle était au-dessus de tout le monde. Du moins, à mes yeux, je ne trouvais personne aussi éclatante que Zeyna. Ses formes arrondies, ses yeux pénétrants, ses petits doigts, la noirceur de son teint que faisaient briller les jeux de lumières me fascinaient et cette voix mélodieuse me laissa coi. J'étais au coin de la salle, lorsqu'elle m'approcha puis m'invita à danser.
-Bonsoir !, me lançait-elle.
-Salut, Zeyna !
-Je n'osai pas à la regarder en face car je la trouvais sublime mais je n'avais pas le courage de lui faire des compliments. Je devinais qu'elle voulait quelque chose mais elle hésitait. Elle s'approcha beaucoup plus près de moi puis me tira par les bras en m'invitant à danser. Je voulais refuser mais je savais que pour rien au monde je ne pourrais décliner cette invitation.
Alors, au rythme de la belle chanson de Philippe Monteiro, le Zouk, une danse provenant des Antilles françaises et qui s'était propagé un peu partout en Afrique notamment au Cap-Vert que les mélomanes sénégalais (es) dénommaient Cabo a longtemps animé les dancings au Sénégal; mains entrecroisées, mon corps devenait glacial et ma voix humide à celle d'un innocent. J'appris mes premiers pas de danse grâce à elle. Madre mia, que j'étais bizarre et raide ! Je pensais que tous les yeux étaient braqués sur moi et cela me faisait patiner un peu mais je voulais briser le rideau de la timidité parce que Zeyna en toute sincérité n'avait pas l'air d'une fille facile. D'abord, je rince la gorge puis je maugréai.
-Comment étaient les épreuves ?, lançai-je.
-Plus ou moins abordables, répondit-elle.
-Et comment va ta mère ? me demanda-t-elle d'une voix douce ?
-Elle va bien, rétorquai-je.
-Tu es belle Zeyna !, fis-je.
-Je sais. Je ne suis pas surprise que tu me le dises. Je sais que tu sais que je suis belle mais tu as peur de me le dire.
-Je ne suis pas un fervent danseur Zeyna. –Je sais.
Pourtant je te trouve vraiment bien. Essaye de suivre mon fantôme, poursuit-t-elle.
-Je me trouvai idiot, poltron et incapable d'avouer mes sentiments. La poitrine serrée à la tienne, même taille, svelte de corpulence comme une belle antilope.
A ce moment-là, je sentais son parfum qui me perçait le plus profond de mon âme. A ce moment-là, je sentis le poids infernal de l'amour. A ce moment-là, j'imaginais que le monde tournait à contre-horloge et j'aurais souhaité que tout s'arrête. Que la terre arrête de tourner. Que l'horloge s'arrête. Que le Train Express Régional s'arrête. Que le vent arrête de souffler. Que les cultivateurs riverains s'arrêtent. Que s'arrête.... Que s'arrête.... Que s'arrête.... Au cours de cette soirée, nous nous sommes fort épatés mais nous sommes restés bien sages. Ce soir-là, quand la lumière fut éteinte dans la salle et la musique filait, je posais sur sa joue mes lèvres tremblantes et tièdes en essayant de la serrer plus fort. Mais ce soir-là, je me suis réjoui d'un bis qui me laissa intenable. Puis je pris mon mal en patience ! Et tout d'un coup le morceau termina. Et tout devint comme avant. Le monde continu sa marche et mon âme se mit enfin à battre à vive allure. Ainsi vers deux heures du matin prit fin le bal et j'accompagnai Zeyna avec d'autres copines chez elles. Nous nous quittâmes après nos mots de salut et ensuite pour nous revoir le lundi matin au lycée. C'était la toute première fois que j'ai carrément profité de Zeyna et peut-être la dernière fois et de toutes les façons, j'ignorai s'il y aura une prochaine fois