Ma p'tite marraine.

Elle s'appelait Christiane. Elle était née "comme ça", tordue, cabossée, difforme, bossue. J'étais une petite fille et j'entendais les grands dire qu'elle se cassait en mille morceaux quand elle tombait et que tout ça se recollait mal. Elle ne devait pas marcher, jamais... Et puis, des anges se sont occupés d'elle et après mille opérations et tellement de courage, elle réussit tant bien que mal à se tenir debout et à marcher avec ses Cannes. Tout était difficile pour elle :se laver, s'habiller, manger et, bien sûr, se déplacer
Elle tenait un joli magasin dans la grand' rue. On y trouvait de tout et, à l'aide des cannes, elle décorait ses vitrines avec un goût inouï selon la saison où le calendrier. À Noël c'était un enchantement et j'adorais passer les vacances au magasin pour l'aider. Avec patience et malgré son handicap, elle m'apprenait à faire de jolis paquets cadeaux. Les siens étaient des chefs d'œuvre. Chez elle, j'étais gâtée car elle m'offrait toujours un article du magasin, un pyjama, un sac à main, un beau pull et, pour moi, ces cadeaux n'avaient pas de prix. Elle était très coquette, je ne l'ai jamais vue négligée, les ongles et la coiffure toujours impeccables. Une habile couturière confectionnait des vêtements adaptés à son pauvre corps difforme. Pas un seul jour ne passait sans que deux ou trois amis ne viennent lui rendre visite car elle était d'une gaieté contagieuse, elle se moquait d'elle même et les éclats de rire résonnaient dans la cuisine à l'arrière de la boutique où le café et les petits gâteaux étaient toujours prêts pour les visiteurs de passage. Je ne l'ai jamais entendu se plaindre, je ne l'ai jamais vue triste, elle savait mieux que personne écouter les autres, les consoler, les aider aussi... Je l'ai vue souvent prendre un billet dans la caisse pour le glisser discrètement dans la main d'une personne dans le besoin. C'était juste quelqu'un de bien, de simple et d'ordinaire, c'était ma p'tite marraine et elle me manque aujourd'hui.