Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Que se passe-t-il ? Je crois que je me suis endormie.J'ai horriblement mal à la tête.J'essayais difficilement d'ouvrir les yeux et de me relever.Je me sentis toute étourdie et mes idées n’étaient pas très claires.Je sentis un liquide chaud couler le long de mon cou, je longeais de ma main gauche le chemin parcouru et constatai une belle entaille au-dessus de ma nuque.Je gémis de douleur en touchant la partie lésée. Pourquoi étais-je dans cet état ? Où étais-je ?Une lueur jaune émanait d’une porte entrouverte.Mon attention fut attirée par un objet de la pièce qui m’était familier.Je reconnus le ballon de foot de mes enfants.J’étais donc leur chambre.Que faisais-je dans leur chambre ?Et où étaient-ils ?Soudain tout me revint.Marc était encore rentré tard, complètement saoule.J’entendis un bruit sourd comme si quelque chose était tombé.Je sortis précipitamment de ma chambre en peignoir pour aller à sa rencontre.Je le vis parterre, sa bouteille en main et tout éméché. Il était dans un sale état, transpirant à grosses gouttes. Je me demandais comment il s’était débrouillé pour arriver ici.J’entrepris donc de l’aider à se relever. Il me rejeta aussitôt et se mis à me balancer toutes sortes d’insanités à la figure.
-Ne me touche pas sale pétasse, tout ça c’est ta faute.Je n’aurais jamais dû t’épouser,cria-t-il entre deux soubresauts.
Il se releva tant bien que mal en titubant.Il avait les yeux globuleux d’une couleur rouge sang,son teint était terreux.Il s’avança dangereusement vers moi et emprisonna mon cou dans sa main libre.Je me débattu et le suppliai de me lâcher.
-Je t’en prie Marc,par pitié pas ce soir,les enfants dorment;le suppliais-je.
-Tais-toi connasse ;beugla-t-il en inondant mon visage de salive.Tu me parles de quels gamins.De ces monstres sans cervelle qui me rappellent chaque jour à quel point ma vie est merdique ? C’est de ces choses que me tu parles ?
Plus il parlait, plus il resserrait son étreinte. Mes mains se crispèrent et mon visage devenait chaud et lourd. Je m’agrippais à lui, lui tapotant le bras avec le peu de force qu'il me restait. Je n’arrivais plus à respirer. Ma vision se troublait et mes yeux se mouillaient de larmes. Malgré mon état, il ne s'arrêta pas. Son visage était rouge et ses yeux me lançaient des éclairs. Je vis plus que de la colère dans son regard. Je sentis la fin.
-Maman, fit une voix timide dans le couloir.
Marc me lâcha aussitôt et je tombai au sol, essayant de remplir mes poumons d’air. Je toussai fortement.
-Que fais-tu debout toi ? demanda Marc à Sean qui s’était réveillé. Retourne te coucher, ordonna -t-il d’un ton rigide.
-Mais je veux voir maman, répondit Sean timidement.
Marc ricana fortement et s’agenouilla face à Sean:
-Il me semble que tu n’as pas bien compris ce que je viens de dire petit. J’ai dit retourne te coucher.
Sean se mit à pleurer et hurla de pleine voix. Marc se sentit agacé et tira son fils par les oreilles, le trainant vers sa chambre.
-Ne fais pas ça Marc s’il te plait, ce n’est qu’un enfant, insistais-je à bout de force.
Ce fut à Antoine de sortir par la suite de sa chambre. Il courut vers son père qui le pris par la tête et le fit tomber à la renverse. J’hurlais de désarroi et rampait au sol pour arriver à leur hauteur. Marc s'empressa de ramasser Antoine par le col de son pyjama et le souleva d’une poigne. Je vis les pieds de mon fils se débattre dans les airs.
-Et voilà sales mômes, c’est le moment d’en finir. Je vais me débarrasser de vous une fois pour toute. Et retrouver ma vie d’avant. Plus de famille, plus de responsabilités, cria-t-il en mettant l’accent sur chaque mot.
Je pris peur face au danger qui se profilait. Je sentis mon corps se raidir et sentis que quelque chose de plus grave allait se passer. Je rassemblai toutes mes forces pour me lever et m’écroulai comme une masse sur le carreau dur et froid. Marc emmena les enfants dans la chambre et je les entendis hurler. Je ne savais pas pourquoi il s’acharnait autant sur eux ce soir. Je perçus les cris de détresse de mes enfants au fond de mes entrailles. Je ne sais d’où je retrouvai la force pour me relever et me ruai vers leur chambre. Il avait sorti des valises et ordonnait aux enfants d’y entrer. Ces derniers résistaient, se réfugiant sous le lit. Mon époux essaya de les trainer hors de leur cachette. Je fonçai sur Marc et criais aux enfants de sortir, la voix brisée. Ils s’exécutèrent. Sans que je ne sache comment, Marc me projeta contre le mur. Je sentis un énorme choc à la tête. Je glissai nonchalamment le long du mur et m’affalai sur le sol. Je clignais des yeux et tout ce que je vis fut mon mari qui suivait furieusement la trace des enfants baignant dans une lumière blanche puis plus rien. Le noir total. Et je me réveillai ici. Tout était plus clair maintenant. Soudain, prise d’une énorme panique, je me relevai brusquement, manquant de me retrouver à terre une nouvelle fois. Je longeais le couloir dans un silence qui me parut durer toute une éternité. J’entendis des gémissements et ma gorge se noua. J’arrivais à peine à respirer et mon cœur battait la chamade. Je franchis la porte du salon et vis Marc assis, les jambes fléchies et la tête qui reposait sur ses genoux. Je le vis sangloter et gémir. Il pleurait. Je longeai du regard la salle de séjour, et vit une scène qui me glaça le sang. Je devins livide, je voulus hurler mais aucun son ne sortit. Mes pieds tremblaient et je me laissai tomber sous mon poids. Une profonde amertume m’envahit et je sentis mes joues s’inonder de larmes. Je rampais jusqu’aux corps inertes de mes enfants baignant dans leur sang. Sean avait les yeux ouverts et vitreux ; la gorge ouverte. De mes mains tremblantes, je lui fermai les yeux toujours sous le choc. Je vis Antoine de l’autre côté, un bout de verre emprisonné dans sa poitrine. Je réalisais vraiment ce qui se passait et hurlai, J’hurlais de peur, de frayeur, d’effroi et surtout de colère. Je pris Antoine dans mes bras et pleurait. Je ressentis une grande rage, de la colère.
-Qu’as-tu fait à mes bébés, hurlais-je ? Pourquoi ? Ce n’était que des enfants !dis-je en murmurant.
Marc s’approcha de moi en rampant l’air désolé.
-Je suis désolé Marie, je suis désolé ; dit-il en sanglot. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Ce n’était pas moi, je t’en prie pardonne moi. Tu sais que ce n’est pas moi. Je te prie de me croire. Tu me crois hein ?Il esquissa un sourire pour me prouver son innocence. Je ne l’entendais plus.Ce n’était pas la première fois qu’il s’emportait sous l’effet de l’alcool. Ça lui était déjà arrivé de nous battre les enfants et moi, ou de m'enfermer dans le placard, pieds et poings liés pour ne plus avoir à supporter ma présence ; disait-il. Marc avait découvert son problème de bipolarité à 15 ans après l’arrestation de son père pour vente de substances illicites. Il a dû jongler avec différentes sortes de médicaments pour son traitement. Ce qu’il arrêta au dernier soupir de sa mère. Il troqua ses médicaments contre de la vodka et toutes autres boissons alcoolisées. Il avait arrêté de boire et nous avions donné naissance à deux magnifiques garçons, Antoine,8ans et Sean ,5ans. Puis il perdit son boulot. Toutes les tentatives pour en décrocher un autre ont été vaines. Alors il se remit à boire, faisant de nos vies un enfer. J’ai tout essayé pour le raisonner mais à chaque fois que je parlais, il s’en prenait à nous.Pourquoi étais-je resté ? Par amour, non je ne crois pas. J’ai laissé mes enfants subir toutes ces monstruosités pensant que c’était mieux pour eux. Je pensais que je pouvais aider Marc à sortir de cet enfer qu’il s’infligeait, qu’il nous infligeait chaque jour. Mais cette maladie était au-dessus de nous deux, de nos enfants, de notre famille, de notre amour. Mais il n’y avait plus d’amour depuis longtemps. J’aurais dû partir depuis que les coups ont remplacé les baisers, les cris ont remplacé les rires et que mon fond de teint ne couvrait plus mes blessures.