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Que diable allait-elle faire dans cette galère ?!
C'est sans doute ce que se disaient les gens, du moins ceux qui connaissaient un peu Molière, en me voyant grimper le mont Sinaï. Et ils avaient bien raison, dans le fond, que diable allais-je faire dans cette galère ? Je me sentais si seule. Alors je voyageais et comme pour me punir, je m'imposais des défis. Qu'espérais-je ? Que les souffrances physiques infligées apaiseraient celles provoquées par mon esprit à l'agonie ? Noyer mon désespoir dans la sécheresse égyptienne ? Je ne croyais en rien de tout cela, mais je montais. Péniblement.
J'étais peu entraînée. De surcroît, j'étais mal chaussée, avec ma paire de baskets, la même que celle du lycée que je n'avais jamais pu jeter. Pauvre cruche ! Pourquoi avait-il fallu que je sois aussi sentimentale ? Ce n'était certainement pas la raison qui avait motivé ce choix d'équipement. J'y étais un peu à l'étroit et mes orteils criaient supplice.
Tout était sec. Le paysage était sec, si sec que je ne lui trouvais aucune beauté. L'air même était sec. Ma gorge me le faisait sentir, mais je devais économiser mon eau. La seule trace d'humidité, à des kilomètres à la ronde, était la sueur que je sentais perler sur mes pommettes et couler dans mon dos. Au moindre coup de vent, lui aussi aride, la poussière s'empressait de venir se coller sur ma peau. Je me sentais de plus en plus sale.
L'expression « soleil de plomb » n'avait jamais pris autant de sens pour moi qu'en ces instants. Il était écrasant et me donnait l'impression de peser dix fois mon poids. On dit que le soleil tape. Là encore, je n'avais jamais pu réellement saisir le sens de ces mots auparavant. Mais oui, pendant cette ascension, le soleil de plomb tapait. Et chacun de ses rayons était une blessure brûlante.
Même au milieu du désert, il y avait des gens. Des gens à dos de chameau, qui me dépassaient sans ménagement. Quelques marchands de dattes ou de babioles, qui me hélaient de façon théâtrale. Des touristes qui s'extasiaient bruyamment. Incroyable cette foule. Incroyable ma solitude au milieu de cette foule.
Je montais. Je regardais mes baskets, qui faisaient la tête, sans doute un peu comme moi. Elles aussi manquaient d'entraînement. Je les sentais raides de leurs années dans le placard de ma chambre. Elles aussi étaient moites et attiraient la poussière. D'une couleur pastel, elles viraient au brunâtre peu glorieux. Elles aussi souffraient de la chaleur. Les semelles semblaient sur le point de fondre à certains endroits.
Au fur et à mesure de ma folle montée, je notais que la foule s'amenuisait, et croiser quelqu'un devint bientôt une anecdote. Arrivée au sommet, j'étais seule. Un peu hagarde, je me dirigeai vers un rocher (il y avait le choix, le mont Sinaï n'est que rocaille) et m'y laissai lourdement tomber. Sans m'appesantir, je posai mon sac et entrepris de me mettre pieds nus. Alors seulement, je relevai la tête.
Mon ennemi du jour, le soleil, entamait la dernière partie de sa descente et semblait diriger vers moi ses rayons obliques, comme pour m'aveugler. Toutefois, malgré leur intensité, je ne baissai pas les yeux, ne les plissai même pas. Il pouvait bien me défier tant qu'il voudrait, je ne cillerais pas. Je le regardai disparaître lentement au loin, derrière d'autres monts dont les noms m'étaient inconnus. Les éléments se faisaient plus cléments et plus légers. La solitude, elle, m'écrasait toujours. Peut-être davantage.
Me vint alors cette pensée, qu'il est plus facile de ressentir que d'écrire : combien étions-nous à regarder ce même soleil s'endormir ? C'était une certitude... D'autres, comme moi, accompagnaient les ultimes moments éveillés de l'astre autour duquel tourne le monde. Soudain, je ne fus plus seule. Alors, je sentis sous cette lueur d'espoir les glaçons de mon âme fondre et leur eau me monta aux yeux. Doucement je pleurai et les gouttes tombèrent une à une sur mes chaussures.
Ce furent les derniers rayons, dans une dernière caresse, qui vinrent sécher les larmes sur mes joues comme sur mes baskets.
C'est sans doute ce que se disaient les gens, du moins ceux qui connaissaient un peu Molière, en me voyant grimper le mont Sinaï. Et ils avaient bien raison, dans le fond, que diable allais-je faire dans cette galère ? Je me sentais si seule. Alors je voyageais et comme pour me punir, je m'imposais des défis. Qu'espérais-je ? Que les souffrances physiques infligées apaiseraient celles provoquées par mon esprit à l'agonie ? Noyer mon désespoir dans la sécheresse égyptienne ? Je ne croyais en rien de tout cela, mais je montais. Péniblement.
J'étais peu entraînée. De surcroît, j'étais mal chaussée, avec ma paire de baskets, la même que celle du lycée que je n'avais jamais pu jeter. Pauvre cruche ! Pourquoi avait-il fallu que je sois aussi sentimentale ? Ce n'était certainement pas la raison qui avait motivé ce choix d'équipement. J'y étais un peu à l'étroit et mes orteils criaient supplice.
Tout était sec. Le paysage était sec, si sec que je ne lui trouvais aucune beauté. L'air même était sec. Ma gorge me le faisait sentir, mais je devais économiser mon eau. La seule trace d'humidité, à des kilomètres à la ronde, était la sueur que je sentais perler sur mes pommettes et couler dans mon dos. Au moindre coup de vent, lui aussi aride, la poussière s'empressait de venir se coller sur ma peau. Je me sentais de plus en plus sale.
L'expression « soleil de plomb » n'avait jamais pris autant de sens pour moi qu'en ces instants. Il était écrasant et me donnait l'impression de peser dix fois mon poids. On dit que le soleil tape. Là encore, je n'avais jamais pu réellement saisir le sens de ces mots auparavant. Mais oui, pendant cette ascension, le soleil de plomb tapait. Et chacun de ses rayons était une blessure brûlante.
Même au milieu du désert, il y avait des gens. Des gens à dos de chameau, qui me dépassaient sans ménagement. Quelques marchands de dattes ou de babioles, qui me hélaient de façon théâtrale. Des touristes qui s'extasiaient bruyamment. Incroyable cette foule. Incroyable ma solitude au milieu de cette foule.
Je montais. Je regardais mes baskets, qui faisaient la tête, sans doute un peu comme moi. Elles aussi manquaient d'entraînement. Je les sentais raides de leurs années dans le placard de ma chambre. Elles aussi étaient moites et attiraient la poussière. D'une couleur pastel, elles viraient au brunâtre peu glorieux. Elles aussi souffraient de la chaleur. Les semelles semblaient sur le point de fondre à certains endroits.
Au fur et à mesure de ma folle montée, je notais que la foule s'amenuisait, et croiser quelqu'un devint bientôt une anecdote. Arrivée au sommet, j'étais seule. Un peu hagarde, je me dirigeai vers un rocher (il y avait le choix, le mont Sinaï n'est que rocaille) et m'y laissai lourdement tomber. Sans m'appesantir, je posai mon sac et entrepris de me mettre pieds nus. Alors seulement, je relevai la tête.
Mon ennemi du jour, le soleil, entamait la dernière partie de sa descente et semblait diriger vers moi ses rayons obliques, comme pour m'aveugler. Toutefois, malgré leur intensité, je ne baissai pas les yeux, ne les plissai même pas. Il pouvait bien me défier tant qu'il voudrait, je ne cillerais pas. Je le regardai disparaître lentement au loin, derrière d'autres monts dont les noms m'étaient inconnus. Les éléments se faisaient plus cléments et plus légers. La solitude, elle, m'écrasait toujours. Peut-être davantage.
Me vint alors cette pensée, qu'il est plus facile de ressentir que d'écrire : combien étions-nous à regarder ce même soleil s'endormir ? C'était une certitude... D'autres, comme moi, accompagnaient les ultimes moments éveillés de l'astre autour duquel tourne le monde. Soudain, je ne fus plus seule. Alors, je sentis sous cette lueur d'espoir les glaçons de mon âme fondre et leur eau me monta aux yeux. Doucement je pleurai et les gouttes tombèrent une à une sur mes chaussures.
Ce furent les derniers rayons, dans une dernière caresse, qui vinrent sécher les larmes sur mes joues comme sur mes baskets.
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