Toute histoire commence un jour, quelque part. Et ce jour-là il faisait chaud. L’Harmattan propulsait de la poussière sur le visage d’Issakh et l’obligeait à crisper les yeux. Issakh avait pris l’habitude de passer ses après-midi affalé sous la véranda de sa boutique.
Issakh repensait toujours à son enfance paisible dans son village natal. Il repensait à ses longs trajets pour l’école Coranique, ses parties de chasse aux oiseaux improvisées avec un lance pierre, et surtout à son père. Son père tenait une boutique à N’Djaména, la capitale, et était donc absent la moitié de l’année et ne revenait que lors de la saison des pluies pour s’occuper de son champ et revoir sa famille avec un lot de présents rapportés de la ville. Issakh avait comme tout enfant de son âge, une fasciné par son père et il voulait absolument lui ressembler quand il sera grand sa propre boutique en ville.
Les années s’écoulèrent et Issakh était désormais un homme. N’ayant jamais mis les pieds dans une salle de classe, il était devenu un cultivateur assidu. Le travail de la terre lui permit d’économiser assez d’argent pour pouvoir débarquer à N’Djaména et lancer son propre commerce.
À N’Djaména, Issakh ressentait un vide dans son cœur. Bien que son commerce marchait et qu’il réussit à réaliser son rêve, sa vie était devenue fade. Il ouvrait chaque jour sa boutique et ne se déplaçait que pour aller au marché refaire le plein de marchandises...
« Tu as appris la nouvelle ? » dit une voix familière à Issakh. C’était Amine, son cousin qui venait d’arriver. Il tendit son téléphone à Issakh. « Regarde, cette pépite d’or ! elle a été découverte dans la région du Batha par un ami. Il y a de l’or à profusion là-bas. Les gens deviennent riches facilement ! ». Issakh ne laissa paraitre aucune émotion, il était méfiant car il y avait beaucoup d’histoires de ce genre qui circulaient en ville. Il préféra changer de sujet.
Le soleil commençait à se coucher. Et on entendait des appels à la prière du Maghrib provenant des mosquées de la ville. Issakh s’apprêtait à fermer sa boutique pour se rendre à la mosquée quand deux jeunes arrivèrent à la boutique pour acheter du crédit. Pendant qu’Il tapait machinalement des chiffres sur son téléphone pour effectuer le transfert d’unités, l’un des jeunes engagea la discussion.
- Issakh, on raconte que de l’or est apparu vers le Batha, il y en a tellement qu’il suffit juste de se pencher pour en ramasser.
- Hum... si l’or apparaissait comme ça du jour au lendemain, qui resterait encore en ville ? répondit Issakh, pas très convaincu.
- Tu ne me crois pas ? Tiens, regarde cette photo. C’est un de mes amis qui est là-bas depuis une semaine, regarde tout l’or qu’il a ramassé !
Il y avait effectivement des pépites d’or sur la photo, mais Issakh n’y croyait toujours pas. Il pensait toujours que ce n’était qu’une vulgaire rumeur.
***
Les jours passèrent et Issakh entendait de plus en plus de personnes autour de lui parler de cet or du Batha. Des histoires de personnes ayant tenté leur chance au Batha et revenus avec des millions se multipliaient ; même lors des réunions des marchands ressortissants de sa région natale, on en parlait. L’idée était venue de la part de quelques-uns de ses cousins de s’associer, de s’organiser, de vendre leurs marchandises et ainsi investir dans un pickup et des outils pour devenir orpailleurs.
Il commençait à devenir difficile de distinguer les histoires réelles des simples fables et ragots colportés par les jeunes de la ville. Il se racontait même que les jeunes avaient désertés les écoles pour devenir orpailleurs.
Plus rien n’était impossible.
Issakh était passé du doute à l’envie. Il arrivait même que dans ses rêves, il se voie revenir victorieux du Batha avec des sacs et des poches pleines d’or. Issakh à qui il ne manquait que le courage et l’audace pour se lancer à l’aventure, trouva en la possibilité de s’associer avec d’autres personnes l’occasion inespérée pour tenter sa chance.
Issakh se débrouilla pour vendre rapidement en gros toutes les marchandises de sa boutique.
La liquidation de sa boutique lui rapporta une somme modeste. Il cotisa comme convenu et un bon matin, ils parti avec ces compagnons en direction du Batha. C’était le début de son aventure.
***
Le voyage dura toute une journée. Entre les secousses et les différents sursauts de la voiture, Issakh s’était accroché tant bien que mal, et était arrivé à destination tout épuisé.
Ils atteignirent le Batha le soir. Le paysage était étrangement calme et le ciel était dégagé. On apercevait au loin un camp composé de dizaines de tentes plus ou moins éclairées autour de voitures garées grossièrement. On entendait parfois des chuchotements, de la musique qui semblait provenir de radios ou de téléphones portables, et au loin des cris de divers animaux sauvages.
La nuit fut rapide et pénible pour Issakh qui n’avait pas encore récupéré de la fatigue de la veille. Dès les premiers rayons du soleil, le paysage qui, la veille, était calme, devint plus animé. Au loin on apercevait des groupes d’hommes s’éloigner de leurs tentes avec des outils à la main, d’autres, autours d’un feu pour se réchauffer et boire des boissons chaudes.
C’était en ce début de matinée qu’un homme, la quarantaine, avec un visage tout ridé s’approcha du groupe d’Issakh. Il se présenta comme étant le chef de la localité. Il déclara d’un ton solennel, avec une voix grave : « Ici, il y a des règles à respecter ! d’abord, il est interdit de s’approcher des trous et canaux souterrains des autres orpailleurs. Restez dans votre coin, et il ne vous arrivera pas de problèmes. Chaque jour ici, des orpailleurs meurent dans les canaux souterrains. Alors mesurez bien les risques. Et surtout, le plus important, c’est qu’il faut payer 500.000 francs si vous voulez avoir le droit de devenir orpailleurs ici. Vous Payez tout de suite, ou vous partez ! ».
À l’écoute de ces paroles, le groupe fut certes vexé mais acquiesça quand même. Ils avaient tellement fait de sacrifices pour arriver ici, ce n’était pas ça qui allait les arrêter. Ils s’acquittèrent de la somme et se mirent à chercher un coin libre pour commencer à travailler.
***
Issakh et ses compagnons n’eurent pas de grande peine à trouver un endroit à prospecter. Le soleil approchait de son Zénith et il commençait à faire de plus en plus chaud. La soif et la fatigue commençaient à se faire ressentir, mais pour leur 1ère journée, il fallait absolument qu’ils se mettent au travail.
Les coups de pioche d’Issakh et de ses compagnons sur la terre dure et aride du Batha frôlaient le désespoir. Leur première journée de travail fut stérile. Cet or du Batha dont tout le monde parlait, cet or, si abondant qu’il suffisait de « se courber pour le ramasser », paraissait désormais bien difficile à trouver. Issakh passa sa nuit calme, le regard perdu dans l’immensité de ce ciel rempli d’étoiles. Il s’endormit en espérant que le lendemain serait beaucoup plus clément pour lui et ses compagnons.
La seconde journée de travail d’Issakh et de ses compagnons ne fut guère différente de la première. Toujours la même terre stérile soulevée par leurs pelles, toujours le même désespoir qui se faisait ressentir sur leurs visages et pas un milligramme d’or en vue. Rien que 2 journées de travail suffirent à transformer l’optimisme du groupe en désespoir.
Les jours qui suivirent ne changèrent pas grand-chose. Une semaine après leur arrivée dans le Batha, ils se sentaient désabusés, et ils n’étaient pas les seuls.
Chaque jour de nouveaux groupes d’orpailleurs arrivaient avec plein d’espoir et chaque jour beaucoup quittaient les lieux désabusés et épuisés. Issakh commençait à croire qu’il était tombé dans une énorme supercherie, car, depuis son arrivée, il n’avait même pas vu une seule personne déclarer avoir trouvé de l’or.
Le mois s’écoula rapidement et la bande d’Issakh n’avait toujours rien trouvé. Leurs provisions diminuaient et si rien ne changeait, ils se trouveraient bientôt à sec. Ils n’avaient donc plus de temps à perdre...
Pendant ce temps, dans le reste du pays, les rumeurs continuaient de circuler. Chaque jour, des gens arrivaient des 4 coins du pays sur le site. Issakh qui recevait parfois des appels de ses proches et amis restés dans la capitale était obligé de mentir quand on lui demandait si tout se passait bien. Car il le savait bien, qu’il dise la vérité ou pas, des gens continueraient d’affluer. Il ne voulait pas passer pour un égoïste aux yeux de ses proches qui verraient dans toute ses réponses négatives une tentative de les décourager de venir eux aussi tenter leur chance ; « il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre » et « il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir » dit-on. Issakh venait de se rendre compte qu’il faisait dorénavant partie des propagateurs de cette vaste rumeur, qui était la cause de ses problèmes. « Que chacun vienne prendre sa part de cet or, s’il y en a, qui suis-je pour interférer avec la chance et le destin des autres ? » s’est-il dit.
Le soleil commençait à se coucher. Issakh et ses compagnons, leurs outils en mains, tous couverts de poussière et de sueur prirent la direction de leur tente. « Encore une journée sans or, à ce rythme-là on est perdu » se disait-il. Issakh commençait à apercevoir Les lueurs nocturnes du camp, quand tout à coup, il entendit des coups de feu, et des cris. Au loin, on apercevait des voitures filer à toute allure, laissant derrière elles que de la poussière. Issakh et son groupe plongèrent au sol et attendirent quelques minutes pour s’assurer que les coups de feu eurent bel et bien cessés. Puis, coururent en direction du camp pour voir ce qui venait de se passer.
***
Le paysage ordinaire et habituel du camp avait laissé place à un décor tout chamboulé. On apercevait des regroupements autour de silhouettes couchées et couvertes de sang, des hommes aux visages apeurés et frissonnant de terreur, et des tentes et outils éparpillés. La vue de cette scène glaça le sang d’Issakh et de ses compagnons.
Issakh pris son courage à 2 mains et s’approcha de personnes entourant les silhouettes couvertes de sang. « Que s’est-il passé ? » dit Issakh. Un homme répondit : « c’était des militaires. Ils sont arrivés et ont pointés leurs armes sur nous, nous sommant de leur donner tout notre or... » l’homme se tut un instant, mis ses mains sur son visage. Il avait l’air dépassé par ce qui venait de se passer et se mit à pleurer : « on leur a dit qu’on n’avait pas encore trouvé de l’or, mais ils ne voulaient rien entendre. Ils ont tiré dans le tas et ont promis de revenir bientôt ».
À l’écoute de cette terrible nouvelle, le cœur d’Issakh se mit à battre de plus en plus fort. Il regagna rapidement sa tente, fit sa prière et essaya de dormir. Mais malheureusement à chaque fois qu’il fermait les yeux, les images de corps ensanglantés et les paroles de l’homme apeuré repassaient en boucle dans sa tête. Il craignait auparavant de rentrer bredouille de cette expédition, ce soir-là il craignait pour sa vie, et il n’était pas le seul dans ce cas. Certains de ses compagnons, attachés à leurs vies et à leurs familles, décidèrent de quitter la région dès le matin. Le jeu n’en valait plus la chandelle.
Cette fameuse nuit, le camp perdit de son calme habituel. Issakh vit pleins d’orpailleurs charger à la va vite leurs outils sur leurs véhicules et mettre les voiles. « C’est assez pour moi ! » se dit-il, « il faut que demain, moi aussi je prenne une décision ».
Aux premières lueurs du soleil, Issakh qui n’avait pu fermer les yeux de la nuit, sortit de sa tente. Allait-il rester malgré la menace qui planait sur lui ? ou allait-il risquer sa vie pour l’or du Batha ? ces questions tracassaient Issakh, et il savait qu’il devait choisir au plus vite.
Le matin, le camp était beaucoup plus calme que la normale. Beaucoup d’orpailleurs n’eurent pas assez de patience pour attendre le matin avant de mettre les voiles. Les autres restés commençaient à faire leurs bagages. Tout le monde pensait que ces fameux militaires pouvaient revenir à la charge d’un moment à un autre.
***
La nuit, les compagnons d’Issakh, contrairement à lui, avaient pris leur décision. Ils devaient partir au plus vite et commençaient à faire hâtivement leurs bagages. Issakh s’approcha d’eux et hésitait encore à monter dans le pickup. Ils se demandait si le coup des militaires n’était que du bluff pour s’emparer du site qui avait surement de l’or à profusion, et s’il ne fallait pas attendre un peu.
D’un coup, des voitures pleines de militaires apparurent de nulle part et on entendit des rafales de balles. La panique s’empara du camp, certains essayèrent de se cacher et d’autres se couchèrent.
Le cœur d’Issakh se mit à battre rapidement. La chaleur du soleil, combinée à la panique et à la poussière qui brulait ses poumons l’étouffaient.
Le chauffeur du groupe d’Issakh, pensant que tout le monde était à bord, démarra brusquement le véhicule pour s’échapper le plus vite de cet endroit comparable à une zone de guerre. Issakh en cet instant, était sûr qu’il ne voulait plus rester dans ces lieux. Il courut en direction de la voiture en marche pour monter à l’arrière du pickup, mais ne réussit qu’à s’agripper à la porte arrière du véhicule. Le chauffeur pris de panique essayait de rouler le plus vite possible. Issakh fut trainé plusieurs centaines de mètres, jusqu’à un virage où il lâcha prise, tomba près d’un bosquet et perdit connaissance.
****
Quand Issakh reprit connaissance, le soleil était sur le point de se coucher. La zone était très calme et Issakh n’avait rien sur lui. La faim et la soif l’ayant considérablement affaibli, il prit la direction du camp, espérant que le ciel soit plus clément avec lui là-bas.
Il ne restait plus grand-chose du camp. Les tentes étaient déchiquetées, des restes d’outils fracassés et éparpillés étaient visibles aux alentours du camp. Deux véhicules brulés et encore fumants étaient visibles à l’entrée du camp.
Au fur et à mesure qu’il avançait dans le camp, Issakh soulevait les bâches des tentes détruites pour voir si des orpailleurs n’avaient pas oublié dans leur fuite des vivres, de l’argent ou tout ce qui pourrait lui être utile pour quitter les lieux.
Issakh continuait à fouiller les tentes malgré sa fatigue jusqu’à ce qu’il trouva un petit paquet scotché. Il espérait que ce soit des dattes ou de la viande séchée car la faim le tiraillait de plus en plus. Il ouvrit avec hâte le paquet et trouva quelque chose qui ressemblait à de la terre, mais brillait légèrement sous le clair de la lune. C’était de l’or, et Issakh n’en croyait pas ses yeux. Il pleura de joie car tous ses sacrifices vont enfin payer. Il y avait bien de l’or dans la zone et l’attaque des militaires n’était pas fortuite.
Sa découverte lui ôta toute fatigue. Il mit le paquet dans sa poche, et s’éloigna en courant du camp, tout en jurant qu’il ne remettra plus jamais les pieds dans un tel endroit.
Issakh repensait toujours à son enfance paisible dans son village natal. Il repensait à ses longs trajets pour l’école Coranique, ses parties de chasse aux oiseaux improvisées avec un lance pierre, et surtout à son père. Son père tenait une boutique à N’Djaména, la capitale, et était donc absent la moitié de l’année et ne revenait que lors de la saison des pluies pour s’occuper de son champ et revoir sa famille avec un lot de présents rapportés de la ville. Issakh avait comme tout enfant de son âge, une fasciné par son père et il voulait absolument lui ressembler quand il sera grand sa propre boutique en ville.
Les années s’écoulèrent et Issakh était désormais un homme. N’ayant jamais mis les pieds dans une salle de classe, il était devenu un cultivateur assidu. Le travail de la terre lui permit d’économiser assez d’argent pour pouvoir débarquer à N’Djaména et lancer son propre commerce.
À N’Djaména, Issakh ressentait un vide dans son cœur. Bien que son commerce marchait et qu’il réussit à réaliser son rêve, sa vie était devenue fade. Il ouvrait chaque jour sa boutique et ne se déplaçait que pour aller au marché refaire le plein de marchandises...
« Tu as appris la nouvelle ? » dit une voix familière à Issakh. C’était Amine, son cousin qui venait d’arriver. Il tendit son téléphone à Issakh. « Regarde, cette pépite d’or ! elle a été découverte dans la région du Batha par un ami. Il y a de l’or à profusion là-bas. Les gens deviennent riches facilement ! ». Issakh ne laissa paraitre aucune émotion, il était méfiant car il y avait beaucoup d’histoires de ce genre qui circulaient en ville. Il préféra changer de sujet.
Le soleil commençait à se coucher. Et on entendait des appels à la prière du Maghrib provenant des mosquées de la ville. Issakh s’apprêtait à fermer sa boutique pour se rendre à la mosquée quand deux jeunes arrivèrent à la boutique pour acheter du crédit. Pendant qu’Il tapait machinalement des chiffres sur son téléphone pour effectuer le transfert d’unités, l’un des jeunes engagea la discussion.
- Issakh, on raconte que de l’or est apparu vers le Batha, il y en a tellement qu’il suffit juste de se pencher pour en ramasser.
- Hum... si l’or apparaissait comme ça du jour au lendemain, qui resterait encore en ville ? répondit Issakh, pas très convaincu.
- Tu ne me crois pas ? Tiens, regarde cette photo. C’est un de mes amis qui est là-bas depuis une semaine, regarde tout l’or qu’il a ramassé !
Il y avait effectivement des pépites d’or sur la photo, mais Issakh n’y croyait toujours pas. Il pensait toujours que ce n’était qu’une vulgaire rumeur.
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Les jours passèrent et Issakh entendait de plus en plus de personnes autour de lui parler de cet or du Batha. Des histoires de personnes ayant tenté leur chance au Batha et revenus avec des millions se multipliaient ; même lors des réunions des marchands ressortissants de sa région natale, on en parlait. L’idée était venue de la part de quelques-uns de ses cousins de s’associer, de s’organiser, de vendre leurs marchandises et ainsi investir dans un pickup et des outils pour devenir orpailleurs.
Il commençait à devenir difficile de distinguer les histoires réelles des simples fables et ragots colportés par les jeunes de la ville. Il se racontait même que les jeunes avaient désertés les écoles pour devenir orpailleurs.
Plus rien n’était impossible.
Issakh était passé du doute à l’envie. Il arrivait même que dans ses rêves, il se voie revenir victorieux du Batha avec des sacs et des poches pleines d’or. Issakh à qui il ne manquait que le courage et l’audace pour se lancer à l’aventure, trouva en la possibilité de s’associer avec d’autres personnes l’occasion inespérée pour tenter sa chance.
Issakh se débrouilla pour vendre rapidement en gros toutes les marchandises de sa boutique.
La liquidation de sa boutique lui rapporta une somme modeste. Il cotisa comme convenu et un bon matin, ils parti avec ces compagnons en direction du Batha. C’était le début de son aventure.
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Le voyage dura toute une journée. Entre les secousses et les différents sursauts de la voiture, Issakh s’était accroché tant bien que mal, et était arrivé à destination tout épuisé.
Ils atteignirent le Batha le soir. Le paysage était étrangement calme et le ciel était dégagé. On apercevait au loin un camp composé de dizaines de tentes plus ou moins éclairées autour de voitures garées grossièrement. On entendait parfois des chuchotements, de la musique qui semblait provenir de radios ou de téléphones portables, et au loin des cris de divers animaux sauvages.
La nuit fut rapide et pénible pour Issakh qui n’avait pas encore récupéré de la fatigue de la veille. Dès les premiers rayons du soleil, le paysage qui, la veille, était calme, devint plus animé. Au loin on apercevait des groupes d’hommes s’éloigner de leurs tentes avec des outils à la main, d’autres, autours d’un feu pour se réchauffer et boire des boissons chaudes.
C’était en ce début de matinée qu’un homme, la quarantaine, avec un visage tout ridé s’approcha du groupe d’Issakh. Il se présenta comme étant le chef de la localité. Il déclara d’un ton solennel, avec une voix grave : « Ici, il y a des règles à respecter ! d’abord, il est interdit de s’approcher des trous et canaux souterrains des autres orpailleurs. Restez dans votre coin, et il ne vous arrivera pas de problèmes. Chaque jour ici, des orpailleurs meurent dans les canaux souterrains. Alors mesurez bien les risques. Et surtout, le plus important, c’est qu’il faut payer 500.000 francs si vous voulez avoir le droit de devenir orpailleurs ici. Vous Payez tout de suite, ou vous partez ! ».
À l’écoute de ces paroles, le groupe fut certes vexé mais acquiesça quand même. Ils avaient tellement fait de sacrifices pour arriver ici, ce n’était pas ça qui allait les arrêter. Ils s’acquittèrent de la somme et se mirent à chercher un coin libre pour commencer à travailler.
***
Issakh et ses compagnons n’eurent pas de grande peine à trouver un endroit à prospecter. Le soleil approchait de son Zénith et il commençait à faire de plus en plus chaud. La soif et la fatigue commençaient à se faire ressentir, mais pour leur 1ère journée, il fallait absolument qu’ils se mettent au travail.
Les coups de pioche d’Issakh et de ses compagnons sur la terre dure et aride du Batha frôlaient le désespoir. Leur première journée de travail fut stérile. Cet or du Batha dont tout le monde parlait, cet or, si abondant qu’il suffisait de « se courber pour le ramasser », paraissait désormais bien difficile à trouver. Issakh passa sa nuit calme, le regard perdu dans l’immensité de ce ciel rempli d’étoiles. Il s’endormit en espérant que le lendemain serait beaucoup plus clément pour lui et ses compagnons.
La seconde journée de travail d’Issakh et de ses compagnons ne fut guère différente de la première. Toujours la même terre stérile soulevée par leurs pelles, toujours le même désespoir qui se faisait ressentir sur leurs visages et pas un milligramme d’or en vue. Rien que 2 journées de travail suffirent à transformer l’optimisme du groupe en désespoir.
Les jours qui suivirent ne changèrent pas grand-chose. Une semaine après leur arrivée dans le Batha, ils se sentaient désabusés, et ils n’étaient pas les seuls.
Chaque jour de nouveaux groupes d’orpailleurs arrivaient avec plein d’espoir et chaque jour beaucoup quittaient les lieux désabusés et épuisés. Issakh commençait à croire qu’il était tombé dans une énorme supercherie, car, depuis son arrivée, il n’avait même pas vu une seule personne déclarer avoir trouvé de l’or.
Le mois s’écoula rapidement et la bande d’Issakh n’avait toujours rien trouvé. Leurs provisions diminuaient et si rien ne changeait, ils se trouveraient bientôt à sec. Ils n’avaient donc plus de temps à perdre...
Pendant ce temps, dans le reste du pays, les rumeurs continuaient de circuler. Chaque jour, des gens arrivaient des 4 coins du pays sur le site. Issakh qui recevait parfois des appels de ses proches et amis restés dans la capitale était obligé de mentir quand on lui demandait si tout se passait bien. Car il le savait bien, qu’il dise la vérité ou pas, des gens continueraient d’affluer. Il ne voulait pas passer pour un égoïste aux yeux de ses proches qui verraient dans toute ses réponses négatives une tentative de les décourager de venir eux aussi tenter leur chance ; « il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre » et « il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir » dit-on. Issakh venait de se rendre compte qu’il faisait dorénavant partie des propagateurs de cette vaste rumeur, qui était la cause de ses problèmes. « Que chacun vienne prendre sa part de cet or, s’il y en a, qui suis-je pour interférer avec la chance et le destin des autres ? » s’est-il dit.
Le soleil commençait à se coucher. Issakh et ses compagnons, leurs outils en mains, tous couverts de poussière et de sueur prirent la direction de leur tente. « Encore une journée sans or, à ce rythme-là on est perdu » se disait-il. Issakh commençait à apercevoir Les lueurs nocturnes du camp, quand tout à coup, il entendit des coups de feu, et des cris. Au loin, on apercevait des voitures filer à toute allure, laissant derrière elles que de la poussière. Issakh et son groupe plongèrent au sol et attendirent quelques minutes pour s’assurer que les coups de feu eurent bel et bien cessés. Puis, coururent en direction du camp pour voir ce qui venait de se passer.
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Le paysage ordinaire et habituel du camp avait laissé place à un décor tout chamboulé. On apercevait des regroupements autour de silhouettes couchées et couvertes de sang, des hommes aux visages apeurés et frissonnant de terreur, et des tentes et outils éparpillés. La vue de cette scène glaça le sang d’Issakh et de ses compagnons.
Issakh pris son courage à 2 mains et s’approcha de personnes entourant les silhouettes couvertes de sang. « Que s’est-il passé ? » dit Issakh. Un homme répondit : « c’était des militaires. Ils sont arrivés et ont pointés leurs armes sur nous, nous sommant de leur donner tout notre or... » l’homme se tut un instant, mis ses mains sur son visage. Il avait l’air dépassé par ce qui venait de se passer et se mit à pleurer : « on leur a dit qu’on n’avait pas encore trouvé de l’or, mais ils ne voulaient rien entendre. Ils ont tiré dans le tas et ont promis de revenir bientôt ».
À l’écoute de cette terrible nouvelle, le cœur d’Issakh se mit à battre de plus en plus fort. Il regagna rapidement sa tente, fit sa prière et essaya de dormir. Mais malheureusement à chaque fois qu’il fermait les yeux, les images de corps ensanglantés et les paroles de l’homme apeuré repassaient en boucle dans sa tête. Il craignait auparavant de rentrer bredouille de cette expédition, ce soir-là il craignait pour sa vie, et il n’était pas le seul dans ce cas. Certains de ses compagnons, attachés à leurs vies et à leurs familles, décidèrent de quitter la région dès le matin. Le jeu n’en valait plus la chandelle.
Cette fameuse nuit, le camp perdit de son calme habituel. Issakh vit pleins d’orpailleurs charger à la va vite leurs outils sur leurs véhicules et mettre les voiles. « C’est assez pour moi ! » se dit-il, « il faut que demain, moi aussi je prenne une décision ».
Aux premières lueurs du soleil, Issakh qui n’avait pu fermer les yeux de la nuit, sortit de sa tente. Allait-il rester malgré la menace qui planait sur lui ? ou allait-il risquer sa vie pour l’or du Batha ? ces questions tracassaient Issakh, et il savait qu’il devait choisir au plus vite.
Le matin, le camp était beaucoup plus calme que la normale. Beaucoup d’orpailleurs n’eurent pas assez de patience pour attendre le matin avant de mettre les voiles. Les autres restés commençaient à faire leurs bagages. Tout le monde pensait que ces fameux militaires pouvaient revenir à la charge d’un moment à un autre.
***
La nuit, les compagnons d’Issakh, contrairement à lui, avaient pris leur décision. Ils devaient partir au plus vite et commençaient à faire hâtivement leurs bagages. Issakh s’approcha d’eux et hésitait encore à monter dans le pickup. Ils se demandait si le coup des militaires n’était que du bluff pour s’emparer du site qui avait surement de l’or à profusion, et s’il ne fallait pas attendre un peu.
D’un coup, des voitures pleines de militaires apparurent de nulle part et on entendit des rafales de balles. La panique s’empara du camp, certains essayèrent de se cacher et d’autres se couchèrent.
Le cœur d’Issakh se mit à battre rapidement. La chaleur du soleil, combinée à la panique et à la poussière qui brulait ses poumons l’étouffaient.
Le chauffeur du groupe d’Issakh, pensant que tout le monde était à bord, démarra brusquement le véhicule pour s’échapper le plus vite de cet endroit comparable à une zone de guerre. Issakh en cet instant, était sûr qu’il ne voulait plus rester dans ces lieux. Il courut en direction de la voiture en marche pour monter à l’arrière du pickup, mais ne réussit qu’à s’agripper à la porte arrière du véhicule. Le chauffeur pris de panique essayait de rouler le plus vite possible. Issakh fut trainé plusieurs centaines de mètres, jusqu’à un virage où il lâcha prise, tomba près d’un bosquet et perdit connaissance.
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Quand Issakh reprit connaissance, le soleil était sur le point de se coucher. La zone était très calme et Issakh n’avait rien sur lui. La faim et la soif l’ayant considérablement affaibli, il prit la direction du camp, espérant que le ciel soit plus clément avec lui là-bas.
Il ne restait plus grand-chose du camp. Les tentes étaient déchiquetées, des restes d’outils fracassés et éparpillés étaient visibles aux alentours du camp. Deux véhicules brulés et encore fumants étaient visibles à l’entrée du camp.
Au fur et à mesure qu’il avançait dans le camp, Issakh soulevait les bâches des tentes détruites pour voir si des orpailleurs n’avaient pas oublié dans leur fuite des vivres, de l’argent ou tout ce qui pourrait lui être utile pour quitter les lieux.
Issakh continuait à fouiller les tentes malgré sa fatigue jusqu’à ce qu’il trouva un petit paquet scotché. Il espérait que ce soit des dattes ou de la viande séchée car la faim le tiraillait de plus en plus. Il ouvrit avec hâte le paquet et trouva quelque chose qui ressemblait à de la terre, mais brillait légèrement sous le clair de la lune. C’était de l’or, et Issakh n’en croyait pas ses yeux. Il pleura de joie car tous ses sacrifices vont enfin payer. Il y avait bien de l’or dans la zone et l’attaque des militaires n’était pas fortuite.
Sa découverte lui ôta toute fatigue. Il mit le paquet dans sa poche, et s’éloigna en courant du camp, tout en jurant qu’il ne remettra plus jamais les pieds dans un tel endroit.