L'oiseau des forêts

Eve avait, d'aussi loin qu'elle se souvienne, toujours eu cette étrange trace sur son dos. Trop claire, et trop grosse pour être un grain de beauté, elle ne s'était pas posée de question, jusqu'à que la trace commence à grossir la semaine dernière. Étant à peine plus grand qu'un noyau d'avocat ou d'abricot, elle atteignait maintenant la taille de la paume d'Eve, et elle commençait à gonfler, tel un bourgeon avant la floraison. Elle avait essayé de la cacher, avec des chandails et des chemises bouffantes par exemple mais rien n'y faisait, on voyait toujours la trace. Quand elle s'était sentie trop angoissée par l'énorme bourgeon sur son dos, elle suivi son intuition et se rendit dans « sa » forêt. Elle avait grandi dans cet endroit, et avait l'habitude d'y venir quand elle se sentait anxieuse, triste ou en colère.
 
C'était donc naturellement que ses pieds la guidèrent là bas. Quand elle s'enfonça assez pour que plus personne ne puisse croiser son chemin, elle posa son sac à dos par terre, enleva son chandail et son débardeur, et se retrouva en brassière, afin de pouvoir laisser la trace à l'air. Eve examina la trace sur son dos à l'aide d'un miroir de poche. La trace avait grandi au point d'atteindre la taille des deux mains d'Eve, et était devenu d'une couleur ocre avec différentes nuances de jaune, rouge et orange. Son dos donnait à Eve l'impression de brûler de chaleur. Elle se rapprocha d'une rivière d'eau claire qui était à quelques mètres de là où elle se situait, elle s'agenouilla sur les cailloux plats, pris de l'eau dans le creux de ses mains et mouilla son dos avec des gestes délicats.
 
Au contact de l'eau fraîche, Eve sentit la trace grossir et grandir, jusqu'à ce que la trace s'ouvrit, tel un bourgeon. Eve attrapa son miroir et regarda son dos. Des magnifiques plumes aux différentes nuances de jaunes de partaient de son dos, là où la trace se situait avant, et s'élevait jusqu'à sa tête, tel les ailes d'un oiseau exotiques. L'émerveillement d'Eve laissa vite place à la panique. Pourquoi avait-elle des ailes collées sur le dos ? Comment allait-elle faire pour continuer sa vie ? Qu'est-ce qui va se passer quand le monde découvrira la vérité ? Serait-elle mis en cage, tel un rat de laboratoire, avec une batterie de machines reliées à elle ? Tandis qu'Eve se laissait aller à la panique, ses ailes se repliaient sur elles-mêmes, comme si elles réagissaient à ses sentiments, ou ses pensées.
 
Eve se calma, et décida de faire une expérience. Elle attrapa ses vêtements, et marcha quelques minutes Quand elle atteignit une falaise peu haute, qui donnait sur un lac. Eve se positionna le plus près de la falaise et essaya de se souvenir de tout les moments heureux qu'elle avait vécu depuis son enfance. Les journées chez ses grands-parents, passées à observer des babioles de passé. Les mercredi après-midi au cinéma avec ses amis. Tandis qu'Eve se concentrait sur la sensation de bonheur qui enflait doucement dans sa poitrine, ses ailes s'étendirent derrière elle. Eve essaya de battre des ailes. Ses plumes s'agitèrent en faisait des mouvements gracieux, d'abord lents puis de plus en plus vite. La sensation était plus qu'étrange, néanmoins Eve avait l'impression d'être puissante. Ses pieds décollèrent du sol, d'abord doucement, puis de plus en plus vite. Ses ailes la menèrent vers l'avant, si bien qu'elle se retrouva quelques mètres au dessus du lac. La sensation de liberté qui affluait dans les veines d'Eve était presque irréelle, c'était comme si Eve était née pour ça. Pour voler entres les arbres, au dessus du lac et sous le soleil. Eve contrôlait chaque plume de ses ailes, comme elle contrôlait chaque membre de son corps. C'était naturel. Eve souri, puis éclata de rire. Elle se sentait heureuse. Elle monta en hauteur, jusqu'à atteindre la cime des conifères. La vue était inestimable. Certains arbres, plus hauts de le reste se détachaient du ciel bleu sans aucun nuage où le soleil brillait. La sensation de l'adrénaline était grisante. Eve se sentait tel un oiseau, un oiseau des forêts. 
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