Libraire le jour, la nuit …

« Maître ? Tu plaisantes ? Tu peux me cogner, comme les autres mais je ne t'appellerai pas maître.
J'en ai connu des machos. A vrai dire j'avais même pris l'habitude d'être violentée. Mais je ne pouvais ne pas réagir face à ce nouveau Amar. Je ne sais pas ce qui a bien pu se passer mais ce n'était pas l'homme que j'ai connu.
Quand il avait franchi les portes de la librairie nationale, j'ai su. Mon corps tout entier a su. Le charisme qui se dégageait de cet être était un crime. Il est venu s'asseoir à la table d'en face alors que je n'arrêtais de le dévisager pendant qu'il lisait Stéphane Bourgoin. De manière très impudique. Mon regard pesait sur lui, exactement comme je le voulais. Il posa son livre et se dirigea vers moi:
-Je suis venu ici pour me vider la tête et votre regard ne m'aide pas.
Le timbre de sa voix m'entraînait dans une transe . J'étais au bord du précipice.
-Vous êtes l'amour de ma vie . Vous lisez et vous êtes un psychopathe.
Il rougit. Un point pour moi.
-Pardon?
-Il n'y a qu'un psychopathe qui oserait le lire pour se "vider la tête".
Il sourit d'une façon si timide et ravageur qu'il me projeta dans le vide. Paix à mon âme.
-Ravi de faire ta connaissance Mrs...?
-Tu as le cul de David Beckham. J'adore.
Il sourit encore une fois. Mais de gêne. J'adore sexualiser les hommes comme ils le font avec nous.
Le trouble que j'avais provoqué en lui était agréable à voir. Rien ne me satisfaisait plus que de sentir ma victime trembler de gêne, d'admiration et de désir.
Ah les hommes et leur allure. Qu'importe l'intensité du frisson, ce à quoi ils s'attendent le moins les fait vibrer le plus.
-Alors que fais-tu dans la vie?
-Briser des cœurs. Mais j'envisage de démissionner parce que ça ne paye pas bien.
Il éclata de rire, le pauvre, croyant que c'était de l'humour. Il semblait si innocent qu'il m'épatait
- Coumba c'est sûr que tout va bien ?
- Mais pourquoi tu me cries dessus Mademoiselle ? d'où connais-tu mon nom ?
- C'est écrit sur votre blouse. Et je vous parle comme je le fais tous les jours.
Et là je compris que j'étais bien plus troublée que je ne le pensais . Et j'avais énormément de mal à me remettre dans la peau de la libraire que j'étais. Ce travail était tout ce que je savais faire de mieux malheureusement mon bureau était devenu le pire endroit pour me rappeler tout ce que j'avais vécu avec Amar. Je voyais son visage sur chaque livre que je touchais. J'entendais sa voix à travers de chaque visiteur. Au début je pensais pouvoir réussir à tourner la page. Hélas chaque soleil qui se levait était un flashback du chapitre précédent. Et c'est ainsi que je démissionnai de la librairie nationale.

Le plus beau des livres on avait écrit sans aucunes virgules, espérant ne jamais connaitre de point final. Les jours se suivaient et on apprenait à se connaitre, on prenait du plaisir à se charmer, faire monter la tension, attendre que l'autre succombe au désir et donne le premier baiser. Il avait des sentiments. Il était chou. Il m'envoyait des bouquets de fleurs et me racontait sa vie. Il parlait beaucoup mais me passionnait. Nous n'avions pas la même vision des choses, pas la même éducation pas les mêmes centres d'intérêts. Je ne m'étais pas trompé. Il était spécial et énigmatique. Je m'en réjouissais. Les lignes droites ne m'ont jamais excité. Son snobisme intellectuel le rendait insupportable par moment au point que j'avais envie de le torturer mais de plaisir. Défaire sa cravate faite d'arrogance, le débarrasser de ces habits de petit insolent devenu riche. Et j'allais le faire. Il ne quittait pas mon esprit, me hantait et le seul fait d'y penser faisait larmoyer mon vagin.

Ce soir, invitée dans son appartement, prête à achever ma proie, je mettais une robe très moulante au-dessus de ma lingerie en dentelle rouge.
Il était là. Il était beau. Et il cuisinait. Il avait le charme des questions sans réponse et je ne voulais même pas en trouver. Je ne sais pas si je rejoignais l'extase ou l'agonie quand je le voyais. C'est l'effet qu'il avait sur moi. Il provoquait en moi une totale rupture de lucidité. Il me dépouillait de tous mes sens et discernements .
J'essayais de trouver en moi la force d'endurer sa patience sans l'insulter. Il faisait durer le moment du dîner et me faisait mariner comme Mor LAM avec son os. Il racontait des histoires dont je n'avais strictement rien à foutre. Il buvait son verre de gingembre en me jetant un regard que j'avais du mal à interpréter: Menace? Désir? Les deux? Certainement. Il avait une manière de me regarder qui me foudroyait le corps de manière extrêmement douloureuse. J'avais mal tant je brûlais de le renverser sur un lit et de déboutonner son pantalon et d'approcher ma bouche de son...
Nous nous étions regardés longuement. Ce fût un échange soutenu d'émotions silencieuses dont la violence qui en résultait créait un cocktail unique: mauditement alambiqué, intense et dévorant. Un cocktail qui n'enivrait pas mais transcendait .
Je renonçai à ma dignité. Je quittais mon siège et le tira vers moi. Je l'ai embrassé fougueusement. A cet instant, la limite entre le bien et le mal disparaissait pour laisser place au désir. D'abord on a baisé. C'était intense. Et Violent. Puis on a fait l'amour. Je lui ai fait l'amour. Insolente dans mes formes pulpeuses, je disposais d'une grâce impétueuse sauvage et libre dans mes gestes. J'adore quand je baise. Mais c'est l'amour que je sais faire.

-Décidément tu es parfaite.
-A qui le dis-tu. Je suis belle, drôle, intelligente et experte en kamasutra
-Je crois que je t'aime. Enfin, je t'aime éperdument. Après ce qui vient de se passer, être loin de toi serait un sacrilège, une aberration.
Je l'aimais bien moi aussi, anormalement d'ailleurs. Mais je choisis de ne pas répondre et de juste me blottir dans ses bras tellement c'était paisible d'y être.
J'avais convoqué une réunion d'urgence avec mes démons. Il était plus que crucial que nous ayons une discussion au sujet de cet homme qui était une évidence. Après de longues heures d'argumentation, l'assemblée a voté à l'unanimité qu'il était passible d'une peine de mort de laisser filer cet homme. Le verdict était tombé. J'étais condamné à l'aimer éperdument et à ne jamais l'oublier quoiqu'il advienne.
Notre histoire était magique. Beaucoup trop d'ailleurs pour être vraie. Pourtant tout l'était du début à la fin.

Il donnait à mon cerveau des orgasmes d'une intensité qu'il n'avait jamais expérimenté jusque-là. Cet homme était un Wikipédia sur patte, il m'élevait intellectuellement.
Et puis on avait de ces moments qui ne s'écrivaient pas ni ne s'expliquaient. Ceux magiques. N'importe quels mots apposés à eux seraient sacrilège et disgrâce. Des moments qu'on se devait juste de vivre. C'était devenue une routine. On faisait des choses qui réjouissaient les enfers, des choses que même Morphée n'osait regarder, des choses scandaleuses qui faisaient rougir la lune et créaient des étoiles filantes. Des fessées divines retentissaient jusqu'au ciel qui se déchirait d'éclair et grondait de rage. Ou de jalousie. Un court instant et le monde s'arrêta. Je cru mourir de plaisir, mais non. Quand l'être qui nous fait l'amour nous aime, on a le monde à nos pieds...
- Je t'aime Coumba !
Je décidai de sourire et de ne pas répondre
- Tu es devenue chiante à la fin. Je me bats contre moi-même depuis mais là mon mal a atteint l'extase. Tout ce que je veux entendre c'est je t'aime maître.
- Qu'est-ce qui te prend Amar juste pour 6 lettres tu me violentes comme ça. Tu me fais mal. Je n'arrive plus à respirer normalement. S'il te plait Amar !
Il ne voulait rien entendre. Il n'arrêtait de me battre. Je continuais de refuser. Lorsqu'il m'a enfin relâché avant que je ne puisse piper mot il a sorti un couteau du tiroir pour se diriger vers moi. Mon instinct de survie a pris le dessus je l'ai poussé par-dessus le balcon
Monsieur le juge ! c'est ainsi que j'ai tué l'homme que j'ai aimé plus que tout au monde. »