L'expérience

  Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Et puis il s'est éloigné. À jamais. Je ne le reverrai pas pour le reste de ma vie.
  Tout a commencé quand nous étions encore très jeunes et n'avions pas d'expérience pour prévenir ce que nous attendait. Les turbulences de la vie nous ont fait rencontrer à l'âge de 24 ans. À cette epoque – là je travaillais dans un petit bureau d'affaires à côté de Montparnasse. Un jour on m'a dit qu'on avait un nouveau patron. L'ancien a été licencié. Et là il est entré dans l'office. Sa démarche était lente, au pas détérminé. Une certitude impeccable se giflait de lui. Un homme grand, aux cheveux bruns et yeux bleu. Parfois j'ai l'impression qu'ils sont plus bleu et plus profonds que l'océan. Sauf que moi je n'avais jamais maîtrisé la natation. Et je me noie terriblement.
Au début c'était juste une attraction stupide. L'une de celles de l'adolescence. On passait beaucoup de temps tous les deux en travaillant. Souvent jusqu'au minuit. Avec le temps qui s'envolait je l'ai connue comme jamais je n'avais connue personne. Une fois il m'avait demandé d'aller boir un verre. J'ai réfusé immédiatement, même si ça me tuait misérablement; je lui ai répondue que je n'avais qu'un règle: ne pas s'impliquer avec des collègues. Ça rends la vie trop compliqué. Il était évident, ma réponse l'a fait du mal. 
Les années se déroulaient comme ça: en le voyant chaque jour, tous les jours, en faisant des blagues et en riant, simultanément sachant qu'il est impossible d'être ensemble. Je tombais de plus en plus amoureuse chaque jour et je ne pouvais rien faire. Tout ce que je voulais, c'était lui. Je ne voyais que lui. Je n'entendais que sa voix. Je ne pensais qu'à lui et ça, tout le temps. En me réveillant. En m'endormissant. Il n'y avait aucun issue.
Il est 23h 47. Je reçois un message. Il est écrit:  "Jsuis devant ta porte. Allez viens''. C'est lui. C'est toujours lui.
„Mais qu'est-ce que tu fais là??? T'es fou ou quoi???" – dis-je.
„Si je suis fou, c'est à cause de toi. Ne me blâme surtout pas" – il réponds.
Ça se voit, à ce point – là c'est insupportable. Mais après l'alcool on a toujours la gueule de bois le lendemain.  
„Certainement tu es trop ivre pour parler maintenant. Il faut que tu ailles chez toi. On parlera demain" – ce sont mes dernières paroles.
Il s'approche tout prés de moi. Il me prends dans ses bras et m'embrasse avec une passion collectée, enterrée et puis encore une fois ravivée après tous ces années. Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Et puis il s'est éloigné. À jamais. Je ne le reverrai pas pour le reste de ma vie.
Il est 07h 23 le matin. Mon téléphone sonne. Le numéro est inconnu. Je décroche. Il s'agit d'un appel de l'hôpital. Il y a eu un accident la nuit dèrniere. Une catastrophe. Il y a un homme mort. C'est le dernier contact auquel il a envoyé un message.  
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