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Histoires Jeunesse - 11-14 Ans (Cycle 4)
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— C'est bien ma belle.
Ralentissant le pas, Rita gratifia sa jument d'une caresse sur l'encolure. Après avoir fait galoper Airelle pendant deux heures dans la Forêt des Ombres, le soleil avait commencé à décliner et la fatigue à prendre le dessus. Il était plus prudent de s'arrêter pour la nuit. Comme tous les autres elfes, elle évitait d'ordinaire cette région ; mieux valait donc passer les heures qui la séparaient du lever de soleil à l'abri. Elle aperçut au loin une ruine couverte de végétation et guida Airelle dans cette direction.
Rita posa pied à terre et déchargea sa jument une centaine de mètres derrière l'édifice, près d'un lac. Les derniers jours avaient été éprouvants, mais Rita avait récolté suffisamment de cerises des hauteurs pour mettre sa famille hors du besoin pendant quelques semaines.
Perdue dans ses pensées, elle sursauta lorsqu'Airelle libéra son souffle chaud sur ses oreilles pointues. Elle sourit avant de fouiller dans sa sacoche et d'en sortir une pomme rouge rayée de blanc.
— Tu l'as bien méritée ! dit-elle, laissant l'animal croquer le fruit.
Après avoir pansé sa jument, elle chercha un arbre en haut duquel passer la nuit. De manière générale, les elfes souffraient de vertige maladif. Pas Rita et sa famille. Depuis toujours, ils étaient cueilleurs des hauteurs, ce qui faisait d'eux l'une des fratries les plus respectées du royaume. Situation assez risible lorsque l'on savait que cette famille si respectée n'était en réalité composée que d'orphelins abandonnés dans les hauteurs. On avait essayé de les oublier, ils avaient conquis les canopées et s'étaient rendus indispensables. Cependant, malgré tout le respect que leur montraient les elfes d'en bas, Rita ne se sentait jamais plus en sécurité que vingt mètres au-dessus du sol.
Elle opta pour un vieux chêne de la lune qui lui permettait d'admirer la ruine tout en gardant un œil sur Airelle. Elle commença son ascension agile, sa précieuse récolte bien attachée dans son dos. Une fois les premières branches atteintes, elle se mit en quête de deux rameaux suffisamment proches et solides pour accueillir son hamac. Elle trouva rapidement son bonheur.
Le hamac installé et le sac de cerises sécurisé, elle se lova au centre de la toile, dénoua le foulard bleu roi qui retenait ses cheveux bouclés et soupira d'aise. Elle porta son regard sur le monument ancien. D'en bas ce dernier ne payait pas de mine, mais en prenant de la hauteur, on ne pouvait que constater sa démesure. La personne habitant ces lieux avait dû être quelqu'un de très riche ou de très important.
***
Les premiers rayons du soleil se faufilaient entre les feuilles argentées de l'arbre centenaire et réveillèrent Rita. Elle aurait bien dormi quelques heures de plus, mais il lui restait encore de la route. Toujours somnolente, elle voulut s'étirer, mais un poids inhabituel sur son torse arrêta son mouvement.
Elle ouvrit les yeux et découvrit un petit garçon – les oreilles aussi pointues que les siennes et habillé d'une simple salopette – couché sur elle. Comment était-il arrivé là ? Elle avança ses mains tremblantes et sursauta lorsqu'elle sentit sa peau. Elle ne rêvait pas, il y avait bien un jeune elfe endormi sur elle !
Sa surprise avait réveillé l'enfant qui se releva et s'assit sans plus de cérémonie. Il bâilla avant de dévoiler des yeux vairons, l'un doré et l'autre argenté. Rita restait silencieuse, son regard plongé dans celui de l'inconnu. L'enfant s'approcha d'elle, l'enlaça et déposa un baiser sur sa joue. Un frisson étrange la parcourut, à la fois frais et chaud.
— Aaaaaahhhh ! hurla-t-il soudainement.
L'enfant resserra son étreinte, cachant son visage dans sa poitrine. Elle comprit vite : il avait le vertige. Rita avait l'habitude des hauteurs ; elle avait intégré sa famille seulement quelques heures après sa naissance. Si elle n'avait jamais éprouvé le vertige, elle savait que certains elfes avaient du mal à contrôler leur peur du vide. Ses frères et sœurs arrivés chez les Oubliés à un âge plus avancé mettaient plusieurs mois à se maitriser totalement. Une question demeurait cependant : s'il avait le vertige, comment ce jeune elfe était-il arrivé là ? Un vrai mystère qu'elle se promit d'élucider une fois en bas.
Rita inspira un grand coup et tenta, tant bien que mal, d'ignorer les cris de l'enfant et de faire le vide dans sa tête. Il était évident qu'il ne pourrait pas descendre seul ; elle allait devoir le porter. Elle attrapa son foulard et le noua autour de sa taille pour maintenir le petit. Ce n'était pas parfait, mais vu comme il s'accrochait à elle, il y avait peu de chance qu'il tombe. Elle rassembla rapidement ses affaires, veillant à ne pas abîmer ses cerises, et descendit aussi vite que possible.
Une fois à terre, elle s'empressa de poser le garçonnet au sol. Il arrêta instantanément de pleurer et resta silencieux, caressant l'herbe fraîche de ses pieds nus. Il s'approcha d'une fleur aux pétales bleus dans laquelle un papillon avait élu domicile et essaya d'attraper l'insecte qui s'enfuit rapidement sous ses éclats de rire.
Il s'approcha de nouveau de Rita et lui prit la main en souriant. Elle se mit à sa hauteur et demanda :
— Comment t'appelles-tu ?
L'inconnu ne lui répondit pas, la dévorant de ses yeux vairons, un sourire tiré jusqu'aux oreilles.
— Comment es-tu monté là-haut ? ajouta-t-elle.
L'enfant ne répondait toujours pas.
— Tu comprends ce que je dis au moins ?
Il restait toujours silencieux, continuant de lui offrir sa bouille d'ange comme seule réponse.
— Tes parents, ils sont dans le coin ?
À ces mots, il réagit vivement, sautant dans ses bras. Il posa de nouveau un étrange baiser sur sa joue et lui murmura un nom : « Rita ». Perturbée, elle chercha son regard ; mais il était déjà passé à autre chose : Airelle arrivait, accaparant toute son attention.
Il n'y avait pas le moindre signe de vie à des kilomètres à la ronde ; s'il s'était perdu, elle aurait plus de chance de retrouver ses parents une fois arrivée dans la capitale.
Rita caressa sa jument et l'enfant l'imita en riant.
— On va être plus chargées que prévu, j'espère que tu ne m'en veux pas.
***
Après une heure d'un voyage rythmé par les rires du jeune elfe, Rita arriva en bas de chez elle. Alors qu'elle était en train de panser sa jument et de surveiller le garçon qui s'émerveillait de tout ce qui l'entourait, André entra dans l'écurie.
— La récolte a été bonne ?
— Excellente ! J'ai même eu droit à un bonus ! dit-elle en désignant l'enfant.
— Où l'as-tu trouvé ?
— Il dormait sur moi quand je me suis réveillée, dans la Forêt des Ombres, tu sais, à côté des ruines.
— Rita... Sais-tu pourquoi on nous appelle les Oubliés ? demanda-t-il pensif.
Elle secoua la tête. Ces histoires ne l'avaient jamais intéressée ; les vieilles légendes, c'était bon pour soulager la conscience de ceux d'en bas.
— Au temps où les elfes s'entretuaient pour un mètre de terre supplémentaire, une reine réussit à construire une paix fragile entre quelques peuples. Pour la remercier de son travail, la déesse du jour lui offrit un héritier, un elfe aux yeux d'or, signe de son origine solaire. Au début, tout se passait pour le mieux, mais très vite la reine comprit qu'elle n'aurait jamais la patience de s'occuper d'un enfant. Après quelque temps, le dieu de la nuit la prit de pitié et lui proposa un marché : si elle était capable de surmonter sa peur du vide, il lui reprendrait son fils et ferait en sorte qu'il soit oublié de tous. La reine gravit l'arbre le plus haut de son royaume et demanda au dieu de la nuit de prendre soin de son enfant. Depuis ce jour, les parents incapables de s'occuper de leurs enfants affrontent leur peur du vide, pour les confier au dieu de la nuit et à ses Oubliés.
— Mais il n'a pourtant qu'un œil doré, se contenta de répondre Rita, voyant très bien où voulait en venir André.
— Oui, un œil doré, brillant et chaleureux comme le soleil au zénith.
— L'autre argenté, hypnotique comme une pleine lune, dit-elle en soupirant.
Rita prit l'enfant dans ses bras. « Descendant des astres, prince ou pas prince, tout enfant a besoin d'une famille », pensa-t-elle. « Et d'un nom. »
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Pourquoi on a aimé ?
Cette histoire est empreinte d’une certaine simplicité, le style est convaincant et ne tombe pas dans la surenchère. L’autrice a pris le temps
Pourquoi on a aimé ?
Cette histoire est empreinte d’une certaine simplicité, le style est convaincant et ne tombe pas dans la surenchère. L’autrice a pris le temps