Lettre à une jeune handballeuse.

Ma chère Louise,
Merci pour ton enthousiasme et ton regard heureux et passionné à mon égard. Au lendemain de cette finale et le cou orné d’or, c’est avec plaisir que je vais essayer de répondre à ta question : Comment devient-on championne du Monde ?
Je ne te cache qu’il m’est difficile de répondre précisément à cette question, alors je me permets de te raconter mon histoire.
J’ai longtemps été malheureuse, car j’étais très grande pour mon âge et je ne ressemblais pas du tout aux filles de mon collège. J’étais en zone prioritaire et bons nombres d’élèves se moquaient de moi et de mon allure pataude et empotée. Un jour où les moqueries se faisaient plus insistantes, je me mis à frapper une fille qui m’insultait. Elle prit peur devant ma fureur et ma force. J’ai eu, à cet instant, le sentiment que j’avais gagné le respect de tous puisque plus jamais on ne m’ennuya. Pour survivre, j’étais devenue indisciplinée, impertinente et irrespectueuse. Non pas, que ce soit dans ma nature profonde, mais il est des endroits où combattre semble la seule issue.
En troisième, je suis entrée en SEGPA, comme de nombreux adolescents en colère contre le « n’insiste pas ce n’est pas pour toi ».
J’ai volé, frappé et bravé la loi. Je ne côtoyais que des personnes, qui comme moi, ne savait rien faire d’autres que d’être en colère. Ma colère me destinait à une vie de rageuse et de tristesse.
Malgré mon indiscutable auto-sabotage, ma prof de sport, ne m’a pas lâché. J’avais quatorze ans, quand elle m’obligea à m’inscrire dans un club de hand. Sinon, m’avait-elle dit, elle irait voir la police pour témoigner de mes méfaits : « au lieu de lancer des Cocktails Molotov sur les voitures, tu vas aller marquer des buts »
Elle m’a accompagné à l’entrainement, et, ma chère Louise, au moment où je suis entrée dans le gymnase, où j’ai entendu le crissement des chaussures sur le parquet, ma colère s’est tut. Durant quatre-vingt-dix minutes, je n’ai plus combattu, j’ai coopéré, j’ai réfléchi et j’ai trouvé des solutions (chose qui m’étaient totalement impossible aux dires de certains enseignants).
Comme je te l’ai dit plus haut, je n’ai jamais aimé mon corps, j’étais trop grande, mes bras étaient trop longs et je chaussais du 42 à treize ans. Ce corps qui avait toujours été un fardeau devenait un atout redoutable sur le terrain de hand. Mon corps n’était plus mon ennemi, mais mon partenaire, mon ami. Durant quatre-vingt-dix minutes, mon corps jubilait et acceptait tous ce que ma tête lui demandait. Durant quatre-vingt-dix minutes, mon corps s’est exécuté avec grâce et gratitude.
Malheureusement, lorsque j’ai quitté le gymnase, ma colère m’attendait sagement dehors et tel un virus, elle réintégra mon habitat qu’elle avait fait sien. Je compris alors, que tant que j’étais dans le gymnase, ma funeste colère resterait à la porte.
Dès lors, j’y suis allée tous les jours. Plus j’investissais le gymnase et plus mon corps devenait fort. Plus mon corps devenait fort, plus mon esprit commandait. Plus les jours passés, et plus cette colère aux sourcils froncés rapetissait.
Mon entrée en pôle espoir, mon acharnement au travail, mes sélections m’ont mené vers cette médaille. Mais ce que j’ai fait de plus important dans ma vie, n’est pas de gagner ce titre de championne du monde, c’est de choisir un chemin lumineux et fuir les ténèbres.
Mon chemin à moi est sur le 40x20 et grâce à une prof d’EPS, je l’ai trouvé et je m’y suis accrochée. Devenir championne du Monde n’est que la cerise sur le gâteau.
Ne cherche pas à devenir championne du monde comme moi, mais pars à la recherche de ta voie. Le seul conseil que je peux te donner c’est de plonger en toi et trouver le chemin qui te permettra de devenir toi-même. Ne cherche pas à devenir une autre, « deviens ce que tu es ».
Affectueusement,