Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Il n'aura fallu qu'une soixantaine de secondes pour que nos regards s'accrochent, et que le mien ne lâche plus jamais le tien.
Je t'ai rencontré par hasard, au grand hasard. Tu n'étais pas quelqu'un que j'attendais dans ma vie. En réalité, je n'attendais personne. Mais tu t'es imposé sans même le vouloir, et c'est moi qui me suis retrouvée fascinée par toi. Tu étais l'aimant, j'étais le métal. Un brin de toi a suffit à devenir mon tout.
Tu as basculé mon monde. Tu sais, comme un camion pourrait faire basculer une bicyclette. Ou comme un tremblement de terre pourrait faire tomber un immeuble. Tu as bousculé mon cœur avec force et en as imprégné chaque morceau de toi. C'est une évidence, chaque battement de mon organe vital criait ton prénom.
Je voulais que tu me parles de toi, je voulais tout savoir. Je voulais connaître tes plus grandes joies, ces choses insignifiantes qui faisaient ton bonheur. Je voulais connaître tes plus grandes peurs. Je voulais que tu me parles de chaque parcelle de toi, je voulais pouvoir dire que je te connaissais comme ma poche. Mais, en même temps, je ne voulais pas savoir ce qui pouvait te rendre triste. Parce que je savais que je ne le supporterais pas. Ça aurait été un bien trop lourd poids pour mes frêles épaules que de savoir qu'il existait des choses dans ce bas monde qui pouvaient interférer à ton bonheur. Et que, malheureusement, je ne pouvais rien y faire.
Tu étais si jeune. Pourtant chaque mot qui sortait de ta bouche était d'une telle maturité que j'osais parfois croire que tu avais vécu plusieurs vies avant d'être là. J'aimais t'entendre me raconter l'origine de l'amour, ou supposer sur la vie de telle ou telle bestiole. Tu ne parlais pas beaucoup mais tu avais toujours quelque chose à raconter.
C'est ce que j'aimais chez toi. C'est pourquoi je t'aimais, toi.
Mais tout s'est fini si brusquement que j'en ai encore aujourd'hui le souffle coupé rien que d'y penser. Et j'ai toujours le souffle coupé, parce que j'y pense toujours. Mon cœur s'emballe à chaque fois. La culpabilité refait surface. Elle me colle à la peau, s'immisce dans mes pores et me rend mal.
Bon sang.
Les souvenirs ne sont jamais partis. Depuis ce soir-là, ils sont présents dans tous mes rêves. Rêves ou cauchemars ? Je me le demande toujours. Encore et encore.
J'ai essayé de les faire partir. De les chasser. De les oublier, à jamais. Mais je n'en ai jamais été capable. Parce que parmi eux en figurait un d'énormément précieux. Toi. Il y a ton regard. Ce même regard qui a accroché le mien la première fois et qui, jusqu'au bout, aura su me faire perdre mes repères. Il y a ton sourire, celui-là même que tu m'as affiché quand tu m'as dit que tu rentrerais juste après m'avoir déposée, et que ça ne te dérangeait absolument pas de faire tout le trajet. Et il y a ta voix.
Cette voix qui m'a murmuré tant de choses. Celle qui m'a dit « je t'aime », comme pour me dire « ne pars pas, Jamais. » Celle-là même qui a abdiqué face à mes caprices et qui m'a dit que tu m'accompagnerais. Ta voix. Celle avec laquelle je parlais au téléphone pendant ton trajet retour, celle qui a hurlé d'effroi en voyant surgir ce gros camion de nulle part, et celle que je n'entendrai plus jamais.
Pardonne-moi. Ils ont beau m'assurer le contraire, je sais que c'est faux. Je suis la seule et unique responsable de ta disparition. Tu ne méritais pas un tel sort. Tu étais destiné à mieux. Une vie pleine de bonheur. Entouré de ceux que tu aimes et qui t'aiment. Et, de surcroît, accompagné de quelqu'un de mieux que moi. Jusqu'à la fin, je ne t'aurai causé que du malheur.
J'ai été ton ange de la mort sans le vouloir, la dernière personne que tu aies vu, celle qui t'aura jeté dans les bras de la grande faucheuse. Je le sais, c'est atrocement culotté de te demander ça, mais pardonne-moi. Ne me déteste pas. Garde de moi l'image de celle que tu aimais, pas celle qui a été affreusement capricieuse, qui t'a embarqué dans une virée dangereuse et qui t'a poussé vers les portes de la mort.
Parce que moi, je garderai de toi l'image de quelqu'un qui a su apporter de la joie et de la lumière dans mon monde. Et je garde en cœur l'espoir qu'un jour, qu'importe qu'il soit lointain ou proche, nous nous retrouverons. Toi et moi.
Je sais que tu m'attends malgré tout. Je le sens. Alors, je te demanderai pardon de tout mon être et nous laisserons derrière nous toutes les atrocités de la vie. Nous ne serons plus ce que la vie a fait de nous, non. Nous ne serons que lui et elle, deux amants s'aimant passionnément, assis côte à côte sous l'ombre de ce grand arbre du jardin.
D'ici là, je garde ton image intacte sous mes paupières afin de te voir à chaque fois que je ferme les yeux. Tu es cette infection dont je refuse de guérir, celle qui me ronge de l'intérieur et que je m'évertue à préserver. Celle qui me fait souffrir mais dont je ne peux me détacher de la douleur.
Je me parlerai de toi tous les soirs, je me raconterai encore et encore combien je t'ai aimé. J'apprendrai à ne plus m'en vouloir, et je prendrai éternellement soin de toi.
Je me parlerai de toi tous les soirs, je me raconterai encore et encore combien je t'ai aimé. J'apprendrai à ne plus m'en vouloir, et je prendrai éternellement soin de toi.
Parce que tu n'es pas mort pour moi, loin de là. Tu es encore plus vivant que jamais. Dans mon esprit, tu es toujours ce garçon silencieux mais avec tant de choses à dire, jeune mais si mature, discret mais si fascinant. Tu es toujours le il qui accompagne mon elle. Tu l'étais hier, tu l'es aujourd'hui et tu le seras demain. Pour toujours.
À jamais, M.