C'est un étang
Bordé de cils de roseaux
Qui frissonnent sous les baisers
Du vent.
Sa surface aussi calme que l'acier
Tranche ciel et terre.
Les nuages glissent sur son eau
Comme sur une toile cirée,
Opercule des fonds inconnus.
Des nèpes frisottent la peau liquide
D'un mouvement de pattes aériennes.
Une barque repose son corps de cachalot
Prisonnier de songes d'évasion
Et semble brouter la frontière
De sa prison.
Parfois saute une grenouille dans l'obscur
Silence épais qui dort
Profondément dans le placenta vaseux.
Sur les joncs hérons et martins-pêcheurs
Reposent leurs ailes
Lourdes de tempêtes,
Non loin de cannes à pêche
Dont le bambou médite
Des tentations piquantes.
Il est là, trouée immobile
Pareille à une lèpre dans la chair.
Que sent-il des profondeurs
Dormantes décomposées ?
De temps en temps des miasmes
Riches remontent à la surface, comme
Des hontes révélées
Et tout ce qui se cache dans la vase grouillante
À la fin doit se libérer pour
Se découvrir
Ainsi que l'on fait au terme de sa vie
Lorsqu'on avoue
Aux autres et à soi
Que ce qui est caché est plus vrai
Que ce qu'on a donné à voir.