les pieds chaussés de raquettes

« Jouir de ce qui s’offre. »
Sylvain Tesson, La panthère des neiges




les pieds chaussés de raquettes avancent avec assurance le pied droit d’abord s’extirper de la couche de neige dense épaisse et lourde s’appuyer sur le bâton gauche tirer pousser plus avant poser la raquette au loin reposer le pied le pied gauche ensuite extirper le pied de la couche de neige dense épaisse et lourde s’aider du bâton droit tirer pousser plus avant poser la raquette au loin reposer le pied et recommencer avec le pied droit de nouveau tirant poussant avec le bâton gauche tirant poussant avec le bâton droit toute l’attention portée à l’avancement de la marche lente dans la neige vierge immaculée et bleue les lèvres bleuies par un froid mordant extirper le pied droit de la couche de neige dense épaisse et lourde s’appuyer sur le bâton gauche tirer pousser plus avant poser la raquette au loin reposer le pied extirper le pied gauche de la couche de neige dense épaisse et lourde s’aider du bâton droit tirer pousser plus avant poser la raquette au loin reposer le pied mythe les doigts souffrent du gel et légende continuer d’avancer ne pas s’arrêter extirper le pied droit de la couche de neige dense épaisse et lourde s’appuyer sur le bâton gauche tirer pousser plus avant poser la raquette au loin reposer le pied extirper le pied gauche de la couche de neige dense épaisse et lourde s’aider du bâton droit tirer pousser plus avant poser la raquette au loin reposer le pied l’inviter il faudrait l’inviter le visage grimaçant sous l’effort de la marche à présent ralentie par la neige qui s’est remise à tomber avancer les pieds chaussés de raquettes pied droit raquette bâton gauche pied gauche raquette bâton droit l’air se raréfie le rythme cardiaque augmente des glaçons se forment au niveau du nez l’inviter c’est-à-dire la faire entrer dans le texte pied droit raquette bâton gauche pied gauche raquette bâton droit le buste penché en avant les bras tirent sur les bâtons peut-être ici tout a disparu peut-être là une telle neige gomme les directions et jusqu’au paysage on ne la verrait pas plus que reste-t-il du paysage quand il s’efface se soustrait au regard rien rien qu’une immensité blanche carré blanc sur fond blanc rien où poser mes yeux noirs aucune lisière aucune frontière sur la toile aucun horizon tangible que la neige qui tombe effaçant entièrement le paysage et jusqu’à son pelage aucun repère rassurant le pied droit d’abord s’extirper de la couche de neige dense épaisse et lourde s’appuyer sur le bâton gauche tirer pousser plus avant poser la raquette au loin reposer le pied et recommencer avec le pied gauche ensuite extirper le pied de la couche de neige dense épaisse et lourde s’aider du bâton droit tirer pousser plus avant poser la raquette au loin reposer le pied et recommencer encore le souffle court quand soudain stupeur une tchango (1) s’arrêter respirer écarquiller les yeux oui c’est elle la panthère des neiges son corps d’un blanc pur vire au vif argent ombre la page et m’indique à poursuivre les pieds chaussés de raquettes avancent
(1) appellation himalayenne de la panthère des neiges