Les mots de ma mère
J’ai mal.
Je n’ai jamais été aussi mal.
Je suis assise à l'arrière de la voiture avec mes grands frères jumaux. Notre ainé est assis dans le siège passager à côté de papa qui conduit.
J’ai envie de pleurer.
Je retiens une grimace, et tourne la tête vers la vitre comme pour regarder dehors.
J'évite qu’ils voient mon visage. Ils pourraient deviner et me poser des questions. Et j’aime pas parler de mes problèmes avec les garçons.
Ils ne comprendraient pas.
Tout ce qui les intéresse, c'est de faire du bruit et de prendre beaucoup de place.
Les garçons de l’école se sont acharnés sur moi aujourd’hui. Il en avaient déjà l’habitude mais cette journée a été la pire de ma vie.
Je veux intégrer l'équipe de foot pour le championnat interscolaire. Et les garçons me rendent la tâche impossible. Ils ne ratent jamais une occasion de me rappeler que je suis une fille et donc faible. Je suis pas apte faire certaine activité comme ils disent et ils n'ont pas cessé de vouloir me le démontrer sur le terrain aujourd’hui.
Ca a deja ete si dur de m’inscrire. Quand on est venu nous annoncer qu’on pouvait écrire son nom dans la liste pour faire parti de l'équipe de foot de la section fondamentale pour l'école, j'étais super excitée. J’allais pouvoir leur montrer ce que je peux faire.
Avec les grands frères que j’ai, j’ai d’abord su comment shooter avant de marcher. Ils sont plus grands que moi, et donc plus grand qu’eux aussi. Et s’ils m’ont tout appris, je dois surement être plus douée qu’eux.
Mais les choses ne sont jamais aussi simples. Déjà en annonçant que j’allais m’inscrire, je suis devenu l’objet de tous leurs railleries. Meme les filles s’y mettaient. Les plus gentilles me demandaient pourquoi je ne faisais pas plutôt partie de l'équipe féminine de la fondamentale, mais c'était une pseudo équipe. N'était ce parce que l'école avait “sport” comme matière, elles ne montraient même pas sur le terrain pour faire semblant de courir (parfois elles s'asseyaient en groupe sur le gazon pour papoter), ou d’envoyer les ballons dans n’importe quelle direction (souvent avec les mains). Elles ne sont pas des joueuses sérieuses.
Je ne comptais pas abandonner même face à leurs moqueries. D’ailleurs j’y étais déjà habitué. Certains se sont même inscrit pour passer les épreuves avec moi “pour me montrer que je ne suis pas de taille”. Ils, ne s'intéressent même pas à l'équipe, voulaient juste me mettre des bâtons dans les roues.
Et ils ont réussi.
Ils ont foutu ma journée en l’air. Bousculades, tacles, moqueries, cris, rires ou mépris de la part de mes équipiers, a chaque fois que j’avais le ballon et que je me démarque par une feinte ou une rapide montée ou même en coupant au court, quelque chose me la coupait court. Ils me brutalisaient tellement que le coach a dû en expulser plusieurs, mais trop tard. J’avais déjà perdu pleins d’opportunités de marquer des buts et d'égaliser l'équipe adverse qui a gagné 1-0. A la fin du match, le coach responsable de lister les joueurs qui feraient parti de l'équipe me regardait même pas. Il nous a juste dit que nous pourrions nous représenter demain parce qu’il n’a pas fini sa sélection.
Après dîner, je monte directement me coucher pour me couvrir sous les draps et pleurer le plus silencieusement possible jusqu'à ce que je m’endors. Je ne crois pas avoir dormi longtemps avant de sentir une main me caresser le dos.
Je sais déjà qui c’est.
Je me retourne et me découvre pour voir le visage de ma mère assise a côté de moi. A voir comment elle est habillé, on dirait qu’elle vient juste de rentrer.
Les jumeaux dorment déjà dans leurs lits (on partage notre chambre).
J’entend notre plus grand frere qui dit bonne nuit a papa en bas, dans le salon.
Ma mere est la seule à qui je peux vraiment tout dire.
Elle me regarde avec a un petit sourire tellement réconfortant. Je lui raconte toute l’histoire. Je lui explique que ce que j’ai subi dans la journée m’a démoli et que je vais laisser tomber. J’eclate en sanglot quand je lui dit que je voulais vraiment le faire: “je voulais vraiment leur prouver que je suis meilleure...”
Elle me prend dans ses bras et me serre fort. Elle est chaude, pas d’une douce chaleur, non, plutôt rageuse. Et comme si elle était effectivement en colère, elle me parle d’un ton ferme: “tu peux être douée et avoir du talent pour quelque chose mais ne jamais pouvoir réussir. Parce que tu ne t’applique pas pour les bonne raisons. Ne fais jamais rien pour prouver aux autres tes capacités. Saches que quand certains te disent que tu ne peux faire une chose, c’est que la chose est trop grande pour qu’ils le conçoivent eux même, et si certains te bousculent, ils le font pour t'empêcher de le faire avant eux parce que s’ils pouvaient le faire mieux que toi, ils n'auraient pas besoin de te ralentir.”
Elle me relâche, prend un recul et me regarde droit dans les yeux avec son air le plus sérieux avant de continuer: “Ne le fais même pas pour te le prouver a toi-meme parce que le fait de vouloir le prouver sous entend qu’il y ait un quelconque doute. Agis, non parce que tu le peux, parfois parce que tu le dois, mais le plus important fais le parce que, toi, tu le veux! Seul compte ta volonté! Et que ta volonté ne dépende jamais d’un élément externe à toi même! Si tu n’es pas maître de ta volonté, tu ne sera pas maître de tes actions! Sois seul maître de tes raisons de réussir! Et tu seras seul maître ta volonté de réussir!”
Elle me reprend dans ses bras.
Je ne pleure plus.
J'ai la rage.
J’ai un sentiment de motivation assez particulière, presqu’egoiste.
Seule compte ma volonté.
Maman me fait un gros câlin et un gros bisou avant de me demander de me recoucher.
Elle me borde.
Je plonge ma tête sous les draps et me rendort en moins de deux...
Je sais qu’il fait nuit noir mais je sais aussi que demain le soleil va se lever et je me lèverai avec lui...
J’ai mal.
Je n’ai jamais été aussi mal.
Je suis assise à l'arrière de la voiture avec mes grands frères jumaux. Notre ainé est assis dans le siège passager à côté de papa qui conduit.
J’ai envie de pleurer.
Je retiens une grimace, et tourne la tête vers la vitre comme pour regarder dehors.
J'évite qu’ils voient mon visage. Ils pourraient deviner et me poser des questions. Et j’aime pas parler de mes problèmes avec les garçons.
Ils ne comprendraient pas.
Tout ce qui les intéresse, c'est de faire du bruit et de prendre beaucoup de place.
Les garçons de l’école se sont acharnés sur moi aujourd’hui. Il en avaient déjà l’habitude mais cette journée a été la pire de ma vie.
Je veux intégrer l'équipe de foot pour le championnat interscolaire. Et les garçons me rendent la tâche impossible. Ils ne ratent jamais une occasion de me rappeler que je suis une fille et donc faible. Je suis pas apte faire certaine activité comme ils disent et ils n'ont pas cessé de vouloir me le démontrer sur le terrain aujourd’hui.
Ca a deja ete si dur de m’inscrire. Quand on est venu nous annoncer qu’on pouvait écrire son nom dans la liste pour faire parti de l'équipe de foot de la section fondamentale pour l'école, j'étais super excitée. J’allais pouvoir leur montrer ce que je peux faire.
Avec les grands frères que j’ai, j’ai d’abord su comment shooter avant de marcher. Ils sont plus grands que moi, et donc plus grand qu’eux aussi. Et s’ils m’ont tout appris, je dois surement être plus douée qu’eux.
Mais les choses ne sont jamais aussi simples. Déjà en annonçant que j’allais m’inscrire, je suis devenu l’objet de tous leurs railleries. Meme les filles s’y mettaient. Les plus gentilles me demandaient pourquoi je ne faisais pas plutôt partie de l'équipe féminine de la fondamentale, mais c'était une pseudo équipe. N'était ce parce que l'école avait “sport” comme matière, elles ne montraient même pas sur le terrain pour faire semblant de courir (parfois elles s'asseyaient en groupe sur le gazon pour papoter), ou d’envoyer les ballons dans n’importe quelle direction (souvent avec les mains). Elles ne sont pas des joueuses sérieuses.
Je ne comptais pas abandonner même face à leurs moqueries. D’ailleurs j’y étais déjà habitué. Certains se sont même inscrit pour passer les épreuves avec moi “pour me montrer que je ne suis pas de taille”. Ils, ne s'intéressent même pas à l'équipe, voulaient juste me mettre des bâtons dans les roues.
Et ils ont réussi.
Ils ont foutu ma journée en l’air. Bousculades, tacles, moqueries, cris, rires ou mépris de la part de mes équipiers, a chaque fois que j’avais le ballon et que je me démarque par une feinte ou une rapide montée ou même en coupant au court, quelque chose me la coupait court. Ils me brutalisaient tellement que le coach a dû en expulser plusieurs, mais trop tard. J’avais déjà perdu pleins d’opportunités de marquer des buts et d'égaliser l'équipe adverse qui a gagné 1-0. A la fin du match, le coach responsable de lister les joueurs qui feraient parti de l'équipe me regardait même pas. Il nous a juste dit que nous pourrions nous représenter demain parce qu’il n’a pas fini sa sélection.
Après dîner, je monte directement me coucher pour me couvrir sous les draps et pleurer le plus silencieusement possible jusqu'à ce que je m’endors. Je ne crois pas avoir dormi longtemps avant de sentir une main me caresser le dos.
Je sais déjà qui c’est.
Je me retourne et me découvre pour voir le visage de ma mère assise a côté de moi. A voir comment elle est habillé, on dirait qu’elle vient juste de rentrer.
Les jumeaux dorment déjà dans leurs lits (on partage notre chambre).
J’entend notre plus grand frere qui dit bonne nuit a papa en bas, dans le salon.
Ma mere est la seule à qui je peux vraiment tout dire.
Elle me regarde avec a un petit sourire tellement réconfortant. Je lui raconte toute l’histoire. Je lui explique que ce que j’ai subi dans la journée m’a démoli et que je vais laisser tomber. J’eclate en sanglot quand je lui dit que je voulais vraiment le faire: “je voulais vraiment leur prouver que je suis meilleure...”
Elle me prend dans ses bras et me serre fort. Elle est chaude, pas d’une douce chaleur, non, plutôt rageuse. Et comme si elle était effectivement en colère, elle me parle d’un ton ferme: “tu peux être douée et avoir du talent pour quelque chose mais ne jamais pouvoir réussir. Parce que tu ne t’applique pas pour les bonne raisons. Ne fais jamais rien pour prouver aux autres tes capacités. Saches que quand certains te disent que tu ne peux faire une chose, c’est que la chose est trop grande pour qu’ils le conçoivent eux même, et si certains te bousculent, ils le font pour t'empêcher de le faire avant eux parce que s’ils pouvaient le faire mieux que toi, ils n'auraient pas besoin de te ralentir.”
Elle me relâche, prend un recul et me regarde droit dans les yeux avec son air le plus sérieux avant de continuer: “Ne le fais même pas pour te le prouver a toi-meme parce que le fait de vouloir le prouver sous entend qu’il y ait un quelconque doute. Agis, non parce que tu le peux, parfois parce que tu le dois, mais le plus important fais le parce que, toi, tu le veux! Seul compte ta volonté! Et que ta volonté ne dépende jamais d’un élément externe à toi même! Si tu n’es pas maître de ta volonté, tu ne sera pas maître de tes actions! Sois seul maître de tes raisons de réussir! Et tu seras seul maître ta volonté de réussir!”
Elle me reprend dans ses bras.
Je ne pleure plus.
J'ai la rage.
J’ai un sentiment de motivation assez particulière, presqu’egoiste.
Seule compte ma volonté.
Maman me fait un gros câlin et un gros bisou avant de me demander de me recoucher.
Elle me borde.
Je plonge ma tête sous les draps et me rendort en moins de deux...
Je sais qu’il fait nuit noir mais je sais aussi que demain le soleil va se lever et je me lèverai avec lui...