Toute histoire commence un jour, quelque part. Je me nomme Luna, j’ai 19ans et je suis née d’un père ivoirien et d’une mère Angolaise. Je suis l’unique enfant de mes parents. Nous vivions ensemble à Bouaké, une ville située dans le centre de la Côte D’Ivoire. Lorsque la crise poste électorale ivoirienne de 2010 déclencha, mes deux chers géniteurs furent tués sous mes yeux par des rebelles, je n’avais que 11ans en ce temps. Je vis depuis 7ans à Yamoussoukro chez ma tante Lydie. Il n’y a pas très longtemps de cela j’ai obtenu mon baccalauréat avec la mention bien. J’attendais impatiemment les orientations pour débuter ma nouvelle vie d’étudiante. Je voulais étudier les mathématiques qui, d’ailleurs, étaient une passion pour moi. Trois mois plus tard, les orientations étaient disponibles et j’avais été orientée en mathématiques informatique en abrégé math-info à l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, à Abidjan. J’entendais parler de cette ville mais je n’avais jamais mis les pieds depuis ma naissance. Ne connaissant personne à Abidjan, ma tante avait décidé que je travaille chez sa camarade Alice qui était Pédiatre au Chu de Cocody. Ma tante m’a dit qu’elle allait m’héberger et me rémunérer à 35000F / mois, sans hésiter j’ai accepté car c’était une grâce de Dieu selon moi. Quelques jours plus tard, je pris la route pour Abidjan et quand je suis arrivé, la dame en question est venue m’accueillir à la gare routière. C’était une très belle femme mais très silencieuse. Elle résidait dans une noble demeure dans un quartier du nom de "Deux plateau les Vallons". Lorsque nous sommes arrivés chez elle, elle m’a fait savoir qu’elle vivait seule du fait que son mari travaillait en Europe et n’ayant pas d’enfant, elle passait seule sa vie dans cette grande maison. Elle disait être heureuse que je sois avec qu’elle et que si j’avais un quelconque souci, je pouvais le lui en parler. Deux semaines passèrent et tout allait bien, elle était très gentille avec moi. Un Lundi, je me suis rendue avec ma patronne Alice à l’université pour mon inscription, j’étais stupéfaite par la foule qui s’y trouvait. Tout le monde semblait être pressé, les gens allaient nombreux et venaient nombreux. Elle m’a informé que les amphithéâtres étaient occupés par au moins 1500 étudiants et qu’il fallait que je vienne vite si je voulais avoir une bonne place lors du déroulement des cours. Un Samedi au environ de 16h, j’étais en cuisine et j’ai senti qu’il y avait une personne derrière moi, je me suis donc retournée et qui je vois ? Un géant homme avec une carrure d’athlète. Il avait un teint noir caramélisé avec des yeux éblouissants. Il était très élégant, attirant et il sentait très bon. C’était un monsieur dont j’ignorais qui était-il. Il me fît un sourire éclatant et me salua, j’ai rétorqué en disant bonsoir tonton et il a commencé à ricaner et m’a signifié qu’il n’avait que 26ans et il serait loin d’être mon tonton. Il m’a ensuite interrogé sur ma personne, à savoir qui j’étais, mon nom et mon âge. Je me suis brièvement présentée, il m’a attribué un surnom " La biche " car selon lui j’avais des yeux de biche. Il disait être enchanté de faire ma connaissance et m’a fait savoir qu’il s’appelait César, il travaillait à la BAD (Banque Africaine de Développement) en tant que comptable et était un ami à madame Alice. Après notre courte conversation, il est allé rejoindre madame Alice au salon. J’étais seule dans la cuisine et j’ai commencé à ressentir quelque chose en moi que je n’avais jamais ressenti auparavant. Ça y est, je suis tombée sous le charme de Mr César. Quand il voulait s’en aller, il a fait un tour en cuisine et m’a demandé mon numéro de téléphone et je l’ai fait savoir que je n’avais pas de téléphone, il a souri et a dit qu’il m’en offrira un la semaine prochaine. Après son départ, Mme Alice m’appela au salon et me demanda de quoi est-ce que j’étais entrain de discuter avec Mr César et je lui ai dit qu’il m’avait demandé qui j’étais, mon nom et a dit qu’il allait m’offrir un téléphone. Elle semblait être mécontente et m’a sorti cette phrase « Ne met pas tes pieds là où tes mains n’arrivent pas ». Je suis rentrée dans ma chambre après notre conversation pour analyser la phrase qu’elle m’avait dite. J’avais conclu qu’elle entretenait une relation avec Mr César. Le lendemain à la sortie de l’université, imaginez-vous qui j’ai vu... Eh bien, c’était Mr César, il m’a interpellé avec un air joyeux. Nous avions échangé quelques petites minutes et m’a proposé de me déposer à la maison, j’ai refusé et m’a demandé pourquoi ? Je lui ai signifié que j’avais une petite course à faire avant d’aller à la maison. Mr César m’a donné un rendez-vous devant l’université pour le jour suivant et m’a remis deux billets de 10000F que j’ai accepté par son insistance. Arrivée à la maison, je vois madame Alice en train de parler au téléphone disant à ma tante Lydie que j’entretenais des relations avec des hommes mariés, j’ai fait demi-tour, j’attendais qu’elle achève sa communication pour rentrer. Ce soir-là, j’ai eu mal et j’ai compris que je devais couper les ponts avec Mr César. Mais, cela était difficile vu que j’avais succombé à son charme. Comme prévu, monsieur César et moi sommes rencontrés devant l’université. Je lui ai posé la question de savoir ce qui le lie à Mme Alice et il m’a dit qu’ils sont des amis d’enfance. Tenez-vous bien, monsieur César m’a acheté un iPhone 6s Plus d’une capacité de 128 Giga. Jamais je n’avais vu ce téléphone en réalité et jamais je n’avais l’idée d’en avoir vu ma situation financière. C’était l’un des plus beaux jours de ma vie. Nous nous sommes directement rendus dans une agence téléphonique (Orange) pour m’acheter une puce. Après nous sommes allés dans un restaurant huppé pour déguster un délicieux repas. Quand nous avions fini, nous nous sommes dirigés vers sa voiture. Il m’a tiré par la main droite et a posé passionnément ses lèvres sur les miennes. J’étais aux anges, j’avoue. Ces lèvres étaient moelleuses, j’ai adoré, c’était magnifique. Et il me fît un sourire par la suite et me serra dans ces bras en me chuchotant dans l’oreille droit « Je t’aime princesse ». Quand je suis rentrée à la maison, j’ai présenté le téléphone à Mme Alice et elle m’a demandé qui m’a offert ce téléphone ? J’ai répondu avec un sourire que c’était Mr César. Elle a commencé à me traiter de tous les noms et m’a dit qu’elle ne voulait pas de pétasse dans sa piaule et qu’elle n’arrivait pas à comprendre que j’entretiens des relations avec ses amis sans qu’elle ne le sache. Elle m’a annoncé ce soir-là que dès le lendemain j’allais aller vivre chez monsieur César. Rassurez-vous, j’ai pleuré pendant toute la nuit. À 6h du matin, elle a frappé à la porte de ma chambre et m’a passé son téléphone, c’était ma tante Lydie. Ma tante m’a affirmé qu’elle ne m’avait pas envoyé chez sa camarade pour me prostituer et comme c’est ce que je voulais faire, la porte était grande ouverte et qu’elle ne fourrerait plus son nez dans ma vie de débauche. C’est ce vendredi 27 Août 2017 que commença ma nouvelle vie. N’ayant pas d’endroit où dormir, je me suis retrouvée à la rue. Ce même jour, je me suis rendue à la Fac avec ma valise et j’ai supplié mes amies Eunice et Rose afin qu’elles m’hébergent pour une nuit dans leur chambre. Elles m’ont questionné sur ce qui s’était passé et je leur ai relaté. Selon elles, Mme Alice était amoureuse de Mr César sinon elle n’aurait pas agi ainsi. J’ai essayé de joindre Mr César mais en vain. Deux heures plus tard, j’ai reçu un coup de fil de lui, j’ai exigé à ce qu’on se rencontre maintenant. Quelques minutes après, il était là. J’ai tout expliqué, il m’a suggéré de venir vivre avec lui. J’ai refusé catégoriquement en lui disant que ce n’est pas normal et qu’on ne sait jamais. Il m’a alors emmené à Cocody plus précisément à Angré pour me prendre un studio américain qui était facturé à 200000F le mois.
Je vivais paisiblement sous mon nouveau toit. Un Samedi mon téléphone sonna, c’était monsieur César, il m’avait appelé pour m’inviter à une cérémonie d’honneur. Je me suis faite toute belle, il est venu me chercher et nous sommes allés à la cérémonie. C’était dans un grand hôtel du nom d’Azalaï situé dans la commune de Marcory, à Abidjan. J’avoue que jamais je ne suis venue dans un endroit pareil. Au cours de la cérémonie, Mr César fût appelé sur le podium pour être décoré, il prît le micro me priant de le rejoindre. Devinez quoi, Mr César a affirmé devant ce monde de modestes personnes que j’étais sa source d’inspiration, en tant que femme vous savez ce que cela produit comme effet. J’ai pleuré de joie, jamais je n’avais été aussi respectée. La soirée terminée, il était 1h et César m’a suggéré qu’on dorme dans cet hôtel vu qu’Abidjan est dangereux à cette heure. J’ai accepté à condition qu’on ait des chambres différentes. Il était d’accord mais il ne restait plus qu’une chambre. Nous étions donc obligés de partager la même chambre, il m’a promis qu’il ne me touchera point. Lorsque nous sommes rentrés dans la chambre, il m’a proposé de boire du champagne avec lui, j’ai consenti et j’ai dit que j’allais prendre une bonne douche avant. Après mon bain, il m’avait servi. J’ai commencé à boire avec lui. Quelques minutes plus tard, je me sentais faible, j’avais le vertige. Le lendemain, à mon réveil, j’étais mouillée, il y avait du sang partout sur les draps. César avait abusé de moi et s’en est allé. J’ai tout de suite compris que monsieur César avait mis du stupéfiant dans mon verre pour coucher avec moi. Le maudit m’avait arraché ma tendre virginité. Je me sentais impudique, j’ai éclaté en sanglots pendant des heures et des heures. L’hôtelier a frappé à ma porte et m’a tendu une facture (150mille), l’imbécile n’avait pas réglé la facture de surcroît. Ce jour-là, c’était la plus grosse honte de ma vie. Je n’avais que 25mille sur moi. J’ai proposé à l’hôtelier de vendre mon téléphone pour régler la facture, il m’a dit non d’un air furieux et il fît appelle à son patron. Quand ce dernier est arrivé, il m’a injurié, et m’a conduit dans un commissariat. J’ai séjourné dans ce pénible endroit pendant deux bonnes semaines. À ma sortie, je me suis rendue à Angré où je logeais. Malheureusement, c’était la fin du mois et je n’avais pas d’argent pour payer le loyer. Le propriétaire m’a donc ordonné de libérer son studio. Je haïssais les hommes après ce que m’avait fait vivre Mr César. J’ai réalisé combien de fois les gens sont inhumains. Je suis allée à la Fac et encore supplié mes copines Eunice et Rose de m’héberger. J’ai tenté de joindre monsieur César mais sans aucune réponse ! Quelques jours après, je vomissais sans cesse. Ce que je craignais est arrivé, je suis tombée enceinte de cet imbécile. Je passais toutes mes journées à pleurer, je perdais du poids, j’avais perdu goût à la vie. Mes copines ont décidé de me conduire à l’hôpital pour me faire consulter. Le médecin m’a fait faire des examens sanguins et je devais passer le lendemain pour prendre mes résultats. La nuit passa, le jour se leva. C’était un Jeudi matin, disons à 11h, je n’oublierai jamais ce jour. Le médecin m’a reçu dans son bureau et débutait par des conseils, j’ai toute suite compris qu’il y avait une mauvaise nouvelle. Mon cœur battait à un rythme très accéléré. Après discussion, le médecin m’a annoncé que j’étais séropositive et que l’enfant que je portais a également été infecté. J’étais abasourdie, je n’ai pas pu me retenir, j’ai hurlé en versant des millions de larmes. Moi Luna, j’avais le SIDA. Je n’arrivais pas à concevoir une telle absurdité ! Savez-vous ce que ça fait d’être séropositif ? Savoir que vous pouvez passer de vie à trépas. Cela ne s’explique pas, ça se vit. César avait fait de ma vie un véritable enfer, ce maudit avait brisé tous mes rêves. Je savais que les gens étaient méchants mais je ne savais pas qu’il existait une si cruelle personne comme César. Désormais, je devais vivre en tant que sidéenne. Je n’avais pas d’autres choix, je ne pouvais que l’assumer. Le médecin avait promis de m’appeler dans les jours à venir afin que je puisse obtenir des soins pour ma survie. À la sortie de l’hôpital, j’avais comme l’impression d’être une nouvelle personne, et oui je n’étais plus la même Luna que certaines personnes avaient connus. Lorsque je suis arrivée au campus, mes copines m’ont demandé ce qu’avait dit le médecin. Entre nous, seriez-vous capable de dire à tout le monde que vous êtes séropositif ? Pour être la risée des gens? Évidemment que non ! Je ne pouvais que leur mentir. Mais mon amie Eunice m’a dit qu’elle savait que tout s’était mal passé et que je pouvais me confier à elle, les amis sont fait pour ça disait-elle. Malgré ces belles paroles qu’elles me prononçaient, je n’osais pas dévoiler mon statut de séropositivité à un tiers. C’était mon secret, je m’étais juré de ne le dire à qui que ce soit. Je passais des nuits blanches, je n’arrivais pas à dormir à force d’être pensive. Une semaine passa, la vie avait repris son cours normal, je me remettais petit à petit. Le médecin m’avait appelé pour fixer un rendez-vous, qui selon lui était très profitable pour moi. Le lendemain après les cours, je me suis donc rendu à l’hôpital. Dieu faisant bien les choses, une ONG avait pris l’initiative de nous offrir (mon enfant et moi) gracieusement des soins contre le SIDA. Sincèrement, leur humanisme m’avait procuré de la vitalité, je me disais qu’il existait encore des gens aux cœurs d’anges même s’il y avait une pléthore de diables déguisés en anges. Les jours se succédaient et les choses semblaient aller. Le jour suivant, lorsque je suis allée au cours, les étudiants de l’amphithéâtre me regardaient avec dédain. J’ai alors demandé à mon ami Aboubacar pourquoi les autres me regardaient ainsi. Sans scrupule, il m’a dit : « Arrêtes de jouer les innocentes, tu es une sidéenne et tu nous le cache. Nous étudions avec un poison à nos côtés sans le savoir», il s’est ensuite éloigné de moi. Savez-vous ce que ça fait d’être rejeté par son entourage? Lorsqu’on est marginalisé, savez-vous ce qu’on ressent dans le cœur ? J’étais tellement attristée que je n’ai pas pu faire le cours. En sortant de la salle d’amphithéâtre, mes amis répétaient ensemble " SIDA dans la cité" telle une chorale. Je suis directement dirigée vers la mosquée de l’université pour faire une unité de prière. J’ai demandé au bon Dieu de m’aider à surmonter cette épreuve et qu’il pardonne la personne qui avait dévoilé mon statut de séropositivité à toute l’université. Je me disais que cette personne ne savait pas ce que ça faisait de vivre une telle situation. Après cela, je suis rentrée en chambre. Figurez-vous, j’ai vu l’enveloppe qui contenait mon test de VIH SIDA sur notre table d’étude. Mes amies que je considérais comme mes sœurs sont celles-là même qui avaient ternis mon image dans cette grande université. Je ne pouvais plus supporter un telle honte, j’ai donc décidé de rentrer au village.