Les mésaventures de deux jeunes amoureux

Toute histoire commence un jour, quelque part. Un jour de bénédiction est devenu un cauchemar pour Kaw ; un dimanche, pendant qu’il se rendait à l’église, il est heurté par une voiture dont le chauffeur prendra fuite. Il a eu un traumatisme à son genou droit, sa jambe droite a été amputée par la suite. Cette opération était possible grâce aux soutiens de ses amis et connaissances. L’handicap plongeait le jeune homme dans une situation inconfortable, sensible et invivable. Son père n’avait pas pu pousser ses études, il n’exerçait aucun travail décent.
C’était les vacances ; Kaw devrait entrer au lycée à la rentrée suivante. C’est un enfant travailleur et intelligent mais la froideur de sa maman face à la scolarisation était défavorable. De toute la famille, il était le seul qui se rendait à l’église, d’autres ne croyaient pas en l’existence d’un quelconque Dieu qui les laisserait souffrir toute leur vie. Dada Kaw n’ambitionnait aucun glorieux avenir pour ses enfants.
Ngoz était la petite amie de Kaw, elle l’avait aidé pour ses soins à l’hôpital, âgée de 18 ans et demi. Elle avait arrêté les études deux ans plutôt en raison du manque de moyen, suite au décès de ses parents survenu il y a un an avant. Les circonstances de ces décès n’étaient pas élucidées et claires, les uns les attribuaient aux activités mystiques auxquelles ceux-ci se prêteraient, certains membres de la famille évoquaient qu’une malédiction de n’avoir mis au monde que des filles les a frappé et précipité leurs morts, mais il y avait aussi une frange de personnes qui soutenait que lesdits décès avait été provoqué par la cupidité des frères et sœurs des victimes afin de s’approprier les biens de ceux-ci après la réussite de leur entreprise criminelle. Ngoz était l’aînée de 06 filles dont deux jumelles. Elle était de ce fait prise au piège de la vie, une avalanche de malheurs qui s’abattait sur elle ; un restaurant l’aidait à subvenir à ses besoins et à ceux de ses sœurs. Elle se battait pour que son bien aimé puisse réussir malgré son handicap mais elle était aussi sur le terrain des enquêtes pour mettre la lumière sur la tragédie de ses parents.
Pris entre les frustrations de la vie quotidienne, ajouté à son handicap physique et à la méchanceté de sa maman et se convaincant de l’irréversibilité de sa situation, Kaw ne trouvait plus de raison de vivre. Ngoz l’aimait énormément et était prête à tout sacrifier. Il se disait que sa foi en Dieu pouvait résoudre ses problèmes et apporter des solutions à ses désespoirs les plus sombres.
Dada Kaw croyait que son fils est maudit et indigne de mériter davantage de son amour, elle faisait subir des souffrances indicibles au jeune garçon, le chapelet de ses malheurs s’égrenait. A travers une épître adressée à Dieu, Kaw s’est désolidarisé de l’univers, Il est son seul refuge.
Lorsque Ngoz s’était rendue à la préfecture pour la constitution d’un dossier pour l’aide sociale à Kaw, le préfet l’a interpellé et lui disait qu’il avait à lui dire et disait ceci : « un nouvel élément vient d’être trouvé, il y avait un accident mais qui il n’avait été provoqué par aucune autre voiture. Les enquêtes n’ont révélé les traces d’aucune quelconque autre voiture sur les lieux de l’accident au moment où il survenait » Un autre dilemme faisait surface car elle se donnait pour mission de trouver le chauffeur qui avait causé l’accident mais maintenant elle sait qu’il n’a jamais existé, il faudrait bien qu’elle cherche maintenant d’autres causes.
La position de Baba Kaw ambigüe face à la situation de son enfant, il compatissait à son malheur mais ne s’investissait pas pour que celui-ci puisse surmonter son handicap et reconstruire sa vie. Il est allé voir le marabout une fois afin de trouver des solutions aux problèmes de son enfant mais les exigences de celui-là lui étaient inaccessibles. Certains des frères à Kaw le soutenait, il y avait aussi ceux qui suivaient le comportement de leur maman.
Dans le cadre de son enquête, Ngoz s’était rendu au village après la nouvelle que le Préfet lui a annoncée. Me Ngan avait un grand frère aimable, l’unique frère à Me Ngan qui le soutenait d’une certaine façon, il était déjà devenu aveugle et ne marchait plus. Ngoz s’est rendue chez Oncle Pa, le petit frère à son père mais celui-là lui disait tout simplement ; « ton père était cupide et cynique, il était venu au village pour voir le marabout, il s’était entretenu pendant des heures avec lui et je ne sais pas ce qu’ils se sont dits. Il est mort parce qu’il n’a mis que des filles au monde, notre dieu n’accepte pas ça. » Elle s’est rendue après chez sa tante pour qu’elle lui explique ce qu’elle pensait de la mort de son papa. Sa tante Suzanne racontait : « il y a beaucoup de personnes aigries et jalouses qui envient la richesse de notre famille. Elles peuvent inventer des histoires pour mettre des gens en conflits et imaginer des situations pour détourner du vrai but. » Sans se décourager, elle se rendra chez une ancienne amie à son papa qui lui répondait : « Avant de repartir à Gala, ton père et ta mère étaient venus me dire que les relations entre leurs frères et eux se dégradaient et que les causeries étaient houleuses les deux jours passés ici. C’est une grande perte qu’ils soient sous terre aussi jeunes. »
Après son retour du village, elle s’est rendue à la clinique pour prendre le certificat médical de son amant afin de compléter le dossier d’aide sociale. Arrivée là-bas, elle découvrira une autre vérité. En effet, une autopsie avait été faite sur les corps des victimes après l’accident; mais les causes réelles, déterminées, elles n’ont jamais été révélées et publiées pour corruption du médecin. Les résultats de l’autopsie faisaient état d’un empoisonnement fait trois heures avant le drame. Ngoz aura connaissance de ces résultats à travers une enveloppe que la secrétaire du médecin qui a pratiqué l’autopsie avait gardée lorsque son patron lui avait demandé de bruler.
Oncle Pa n’a pas digéré qu’elle ait eu le courage de revenir vers lui. Il s’exprimait ainsi : « Je t’avais interdit de revenir me voir pour des questions relatives au décès de ton papa et de ta maman mais te voilà. Qui t’a raconté cette affaire d’autopsie ? Nous ne l’avons pas demandé et elle n’a jamais été faite. Comment oses-tu imaginer que j’ai tué mon frère ? ». Oncle Pa était surpris des informations que sa nièce avait en sa possession. Sa tante Suzanne va se contenter du grain de doute semé en elle par Oncle Pa pour l’arroser. L’amie à son papa lui dira que ses soupçons contre Oncle Pa se nourrissaient parce que les villageois en parlent désormais à longueur de journée et partout. A leurs dires, le marabout aurait été consulté afin de trouver des moyens pouvant précipiter la mort du couple Ngan, et, il n’a pas refusé l’accomplissement d’un tel service vu la contrepartie.
Après de telles révélations, elle se convainquait de l’implication de son oncle mais celui-ci n’avait pourtant pas digéré que sa nièce ait connu davantage sur la mort de son grand frère. Il décidera d’envoyer trois voyous du quartier pour lui donner une correction physique. Lesdits voyous vont accomplir leur mission avec un succès terne parce qu’ils vont oublier la photo qui leur avait été donnée par Oncle Pa pour identifier leur victime. Les passants l’ont secouru et l’ont emmené d’urgence à la clinique de Gala. Ces passants vont aussi ramener ses effets y compris la photo abandonnée par ses bourreaux mais celle-ci ne la découvrira pas vite.
Près de six mois après l’accident de Kaw, Ngoz réussira à adresser une demande d’aide sociale au gouvernement. Kaw est entrain de se battre de son côté pour s’en sortir mais ça se complique davantage pour lui car il vient d’avoir un malaise, le médecin lui interdit de faire n’importe quel mouvement que ce soit avec sa jambe. C’est un coup dur pour une personne qui ne se fait ni aider ni assister par sa famille. Il pensait trouver refuge auprès de Dieu mais son Dieu ne veut plus de lui, sa situation se dégrade, ses détracteurs sont confortés dans leurs positions et leurs actions sont plus que jamais nocives pour sa survie.
Les défis de Ngoz sont énormes, elle doit déterminer les auteurs de l’empoisonnement et des violences faites sur elle. Kaw a aussi des défis à relever mais il préfère dorénavant les réduire à sa disparition. Il nourrit le projet d’écrire une autre épître à Dieu pour lui dire de se presser à lui ôter la vie car ses souffrances sont enfériques, il a hâte de son paradis. Le service d’aide sociale vient pourtant de leur envoyer un avis de visite. Les agents d’aide sociale se rendront chez Baba Kaw pour s’entretenir avec sa famille et faire des constats. Mais le comble était qu’ils ont réclamé les frais de déplacement et des pourboires parce que le déplacement n’est pas gratuit disaient-ils. La famille n’accèdera pas et les agents d’aide sociale ne vont pas facilement gérer cet affront ; pour Kaw, les conséquences seront comme des bouteilles de gaz qu’un incendie rencontre sur son passage.
Un jour, Ngoz ouvrait l’enveloppe pour revoir les résultats et elle découvrit la photo que ses bourreaux avaient abandonnée après la commission de leur forfait. En effet, elle avait été mise dans l’enveloppe par les personnes qui étaient venues à son secours. Elle se trouvait entre les mains de l’Oncle Pa ; mais alors, elle se demandait comment cette photo a pu se retrouver dans l’enveloppe qui lui a été remise par la secrétaire. Après des jours, elle finira par constater qu’elle avait été oubliée par les voyous qui lui avaient fait du mal quand elle rentrait du village et que les passants qui l’avaient secouru l’ont mise dans l’enveloppe.
Face aux difficultés de Ngoz, Kaw va proposer des solutions efficientes pour qu’elle découvre les vérités qu’elle cherchait. Il proposera à Ngoz de repartir au village afin de chercher les auteurs des violences dont elle a été victime. Elle trouvera l’homme qui l’avait transporté et se mettra à l’interroger mais il résistera jusqu’à la proposition d’une certaine somme d’argent. Il disait : « Mes amis et moi avions été contacté par Oncle Pa pour te faire du mal et en contrepartie il avait proposé une grosse somme pour nous faire oublier le chômage. Il nous a par la suite remis la photo et nous avons exécuté la mission. Il redoutait que tu puisses te rendre en justice porter plainte contre lui d’avoir pris vos héritages.». Ces aveux, bien que révélateurs du vrai auteur des coups de violence que Ngoz a reçus ne correspondent pas à ses attentes. Elle connait le commanditaire des violences qui lui ont valu des jours d’hospitalisation mais l’auteur des décès de ses parents reste introuvable. Kaw proposera aussi à Ngoz d’aller supplier le médecin qui avait fait l’autopsie de lui dire la vérité sur la personne corruptrice et si celui-ci résistait à dire la vérité, il lui a dit de proposer à la secrétaire de l’accompagner voir les personnes qu’elle soupçonnait.
Ngoz se rendra au bureau du médecin, elle va lui expliquer toutes les situations qu’elle et ses sœurs ont traversées depuis la perte de leurs parents. Le médecin était surpris d’entendre que celle-ci était au courant des résultats de l’autopsie. Le médecin lui disait « C’était une grande dame, brune et très éloquente. Je te conseille de garder ces résultats pour toi parce que tu n’en sauras pas plus, oublies ce douloureux passé ». Insatisfaite, Ngoz demandera à la secrétaire de l’accompagner voir les personnes qu’elle soupçonnait. Les méchants préparent leurs actes dans l’ombre et lorsqu’ils apparaissent à la lumière, elles font abonder nos vies de ténèbres.
Kaw attend l’aide sociale sans y croire, l’environnement dans lequel il est condamné alors qu’il est victime est un cachot. Dieu ne lui a pas répondu depuis qu’il Lui a écrit, il croyait que c’était possible mais il constate que croire à la providence, c’est du leurre. Quelques temps après, le service d’aide sociale a adressé une missive à Kaw, dans celle-ci, il lui informait que l’aide sociale lui est refusée pour défaut d’informations sur son handicap. Cette motivation est curieuse parce que les agents d’aide sociale étaient venus le rencontrer.
Alors que Ngoz ne s’attendait plus à un dénouement au sujet de la vérité sur les décès de ses parents, la secrétaire du médecin viendra dans son restaurant avec une grande révélation. La secrétaire lui apportait une photo qu’elle avait prise discrètement, c’était celle de Mme Ngueha qui avait visité son patron. La femme était venue parce qu’elle avait entendu à travers Suzanne que Ngoz parlait d’une certaine autopsie faite sur les corps du couple Ngan. Sur la photo, c’est sa tante, une femme d’affaires ; Ngoz ne l’avait vue qu’une seule fois de sa vie à part les photos. Celle-là avait toujours refusé de leur venir en aide malgré leurs cris de détresse. Elle était la petite amie de son papa dans leurs jeunesses. Depuis lors, elle s’est donnée pour mission de ruiner la famille qui s’est injustement formée à ses dépens.
Connaissant que les causes des décès étaient l’empoisonnement, Ngoz s’est dite que c’était possible mais pas probable. Elle ne savait pas que sa maman était mariée à l’ex fiancé Mme Ngueha. Le crime avait réussi avec la complicité de Suzanne.
Un jour, Kaw était seul à la maison, il décida d’en finir avec les moqueries et les souffrances de la vie sur terre, il consomma un pesticide et quelques heures après, il en est mort. Ngoz n’y croyait pas, elle s’affolait, on ne pouvait la calmer.
Quelques temps après le deuil de Kaw, Ngoz connaissait déjà une bonne partie de la vérité sur la mort de ses parents. Pour le reste c’est la vieille amie à son papa qui lui dira. A la demande de cette dernière qui voulait l’aider dans sa recherche de la vérité, Ngoz est allée au village. La vieille s’était rendue chez le marabout pour que ce dernier lui dise les meurtriers. Il lui dira que Suzanne est l’auteure de l’empoisonnement duquel sont morts Me Ngan et sa femme, mais qu’elle agissait sous les ordres de Mme Ngueha. La vieille dame lui a par la suite dit qui était Mme Ngueha pour son papa. Elle comprenait que cette dernière commanditait les assassinats par jalousie. Elle concluait que Mme Ngueha et Suzanne étaient toutes deux dans le coup, que l’une était chargée de commettre le crime et que l’autre était chargée de nettoyer les tâches que laisseraient la précédente.
Mme Ngueha avait donc réussi à ruiner son bien aimé d’antan et sa petite sœur « voleuse de mari » mais pas leurs sangs. Kaw ne vivait plus, son handicap l’a entraîné dans son ciel, son désespoir et sa croyance en Dieu ont été des facteurs qu’il ne faudrait peut-être pas oublier. Ngoz a perdu l’amour de sa vie, elle a découvert plusieurs vérités sur la mort de ses parents, mais doit-elle en rester là ? Pas vraiment « La vie mérite d’être vécue avec ou sans amour » s’est-elle dite. Kaw ne sortait cependant pas de sa mémoire car elle veillera toujours à jeter des fleurs sur sa tombe à chaque anniversaire de son décès.