Il était une fois un loup magnifique au poil charbonneux. C'était un mâle, un loup gris. La meute qu'il dirigeait était immense. Un jour, deux scientifiques décidèrent de suivre ses traces. Elles menaient droit vers le grand rocher. A la pleine lune, la meute se rassemblait au pied de ce rocher et le mâle Alpha montait dessus.
Les deux scientifiques mirent donc en place leur campement et attendirent. Une semaine plus tard, cachés derrière des arbres, ils observèrent le déroulement des événements. Ils virent le mâle Alpha monter sur le rocher, puis les loups échanger entre eux. Quelques minutes plus tard, le mâle Alpha réclama le silence d'un long hurlement dirigé vers la pleine lune. Puis les loups reprirent en chœur cet appel, pour un concert qui dura de longues minutes. À la fin, le mâle Alpha ordonna le silence, simplement en se taisant et en se détournant de la lune pour redescendre du rocher. Alors les loups se dispersèrent.
Les scientifiques, ébahis par ce spectacle, décidèrent de suivre la meute jusqu'à son territoire. Ils la filèrent trois jours et trois nuits. À pied dans la forêt, ils pistaient les multiples traces de la meute, en observant les empreintes et les branches gisant à terre. Ils arrivèrent enfin au territoire de la meute. Ils le savaient car ils voyaient que les empreintes se multipliaient et étaient rejointes par de plus petites, accompagnées d'autres de taille moyenne, signalant la présence d'une louve et de plusieurs louveteaux.
Soudain, ils entendirent un cri modulé, ponctué par un cri bref. Sous leurs yeux, la meute qu'ils suivaient à la trace se mit en position de défense. D'autres loups jaillirent d'un coup du sous-bois, pour se jeter dans un incroyable corps-à-corps avec la meute. Les deux scientifiques, pétrifiés, observaient la scène, cachés derrière des troncs. D'un coup, le cri reprit, et les loups qui avaient attaqué la meute battirent en retraite, le poil en sang. Alors, le mâle Alpha poussa un long cri de victoire. Les loups rentrèrent doucement dans leurs tanières, vigilants. Les scientifiques entendirent soudainement un grondement menaçant dans leur dos. Se retournant, ils se trouvèrent face-à-face avec un mâle au pelage incroyablement hérissé. Les scientifiques reculèrent prudemment, puis, après avoir parcouru une cinquantaine de mètres de distance, ils firent volte-face et s'enfuirent sans un mot. Le loup ne chercha pas à les poursuivre mais resta avec le pelage hérissé en rentrant dans sa tanière.
Quelques temps plus tard, le mâle Alpha prononça le lancement de la chasse. Tous les loups partirent en quête de nourriture. La femelle Alpha, avec des cris brefs, annonça à la meute qu'ils emmèneraient des jeunes. Ils se diviseraient en deux groupes, l'un composé de chasseurs confirmés pour traquer l'orignal et l'autre, intégrant des apprentis, chasserait le lièvre. Les premiers iraient vers le nord, où la femelle avait repéré un troupeaux d'orignaux, tandis que les seconds iraient au sud-est, où elle avait repéré des lièvres en abondance. Le mâle Alpha dirigerait la grande chasse, la femelle guiderait les apprentis. Quelques heures plus tard, les deux groupes revinrent au camp, l'un traînant un gros orignal, tandis que la femelle secouait la tête avec fierté tout en désignant un apprenti qui avait rapporté un lièvre bien dodu.
Arrivés au camp, les loups eurent la surprise de trouver au centre de celui-ci les deux scientifiques cachés derrière une pierre. La femelle gronda doucement, sans attaquer, tandis que le poil du mâle se hérissait et qu'il scrutait les deux hommes d'un air méfiant. Finalement, la femelle se détourna pour rentrer dans sa tanière avec les apprentis et les autres chasseurs tandis que le mâle s'asseyait sur une corniche pour jauger les deux hommes.
Il les scruta longtemps, puis, estimant qu'il n'y avait pas de danger, il retourna dans sa tanière.
Les deux hommes attendirent que le loup eut complètement disparu à l'intérieur de son antre, puis dressèrent leur tente. Ils étaient fiers d'avoir pu s'approcher si près sans être attaqués et que la meute les accepte, du moins le pensaient-ils.
En effet, certains loups, les avaient acceptés. Mais pas tous. Cela se ressentait à travers l'odeur qui émanait de leur pelage, mais également à travers leur attitude envers les deux humains. Certains, passant près de la tente, grognaient et grondaient sourdement, manifestant colère ou peur, tandis que d'autres se montraient curieux. Tard dans la nuit, les loups tinrent conseil et convainquirent leur chef des multiples raisons pour lesquelles les humains représentaient une menace. Ils décidèrent ensemble d'emmener les humains endormis au cœur de la forêt, en tirant avec délicatesse leurs sacs de couchage.
Mais la meute n'avait pas prévu que des filous l'espionnait. Les louveteaux, réveillés par les faibles cris du conseil mais surtout parce qu'ils avaient faim, choisirent de suivre la meute dans les bois. Après avoir chipé un lemming dans les provisions, ils filèrent furtivement les adultes. Une petite heure de course plus tard, les louveteaux virent que la piste s'arrêtait. Se cachant derrière des épicéas géants, ils observèrent les adultes déposer les sacs et repartir dans une grande cavalcade. Les louveteaux se mirent à fouiner dans les sacs de couchage à la recherche de nourriture, réveillant les scientifiques en sursaut. Ne trouvant que des gâteaux de céréales, les louveteaux allaient repartir à regret quand ils s'aperçurent que les hommes les regardaient. Ils les forcèrent à se lever à grands renforts de coups de pattes amicaux et les guidèrent jusqu'au camp, grâce aux traces pourtant dissimulées.
Quand ils arrivèrent, les loups poussèrent des petits cris soulagés. Croyant que les scientifiques avaient ramené les louveteaux et non l'inverse, les loups leur firent la fête et les conduisirent à leur chef qui poussa un long hurlement de reconnaissance. Alors les deux hommes furent à jamais acceptés dans les cœurs de tous les loups.