Mallory pénétra dans la pièce. Un air rance lui emplit les narines. A part elle, personne ne venait dans cette chambre. Comme à chaque fois, elle se dirigea vers la commode dans un coin de la pièce et ouvrit un des petits tiroirs. A l'intérieur, il y avait une boîte en bois, peinte en vert. En soulevant le couvercle, Mallory fronça les sourcils. Cette boîte, elle l'ouvrait à chaque fois qu'elle venait, même si le contenu ne changeait jamais. Elle avait appartenu à sa grand-mère, qui y avait rangé ses bijoux. La jeune fille avait vite découvert que la boîte contenait autre chose : des lettres, cachées dans un double fond. Elle les avait lues, un jour. Sa grand-mère y racontait tout ce qui se passait chez elle, ses aventures, ses rencontres,... Mallory s'était toujours demandée pourquoi les lettres n'avaient jamais été envoyées. Elles étaient toutes au nom de Margaret Dean, avec son adresse et un timbre. Mais aujourd'hui, les lettres étaient froissées, non pas dans le double fond mais dans la grande partie réservée au bijoux. Inquiète, elle balaya la chambre du regard. Les seules traces de pas dans la fine couche de poussière étaient les siennes. Posant la boîte sur le lit, elle rejoignit sa tante dans la cuisine pour lui demander si quelqu'un était venu récemment. Elle lui répondit que non, la dernière visite de la vieille demeure était la leur, deux mois plus tôt.
Intriguée, Mallory retourna dans la chambre pour inspecter la boîte. Les lettres ne semblaient pas avoir changé, aucun bijou ne manquait. Une brise lui frôla la nuque, la faisant sursauter. Elle se retourna vivement. Sûrement un courant d'air. Toutefois, elle n'en était pas si sûre. La fenêtre était fermée. Un cliquetis dans l'armoire la fit frémir. Elle aperçut un mouvement du coin de l'œil. C'était un vieux cadre, qui, sans raison apparente, se balançait légèrement. Il représentait sa grand-mère, adolescente, accompagnée d'une autre fille et d'un petit garçon. Elle souriait, tout comme les deux autres.
Mue par une intuition, elle pris le cadre entre ses mains et entreprit de le décrocher du mur. Un bruit de chute la fit sursauter une nouvelle fois. C'était une enveloppe. Elle était coincée derrière le cadre, et en le manipulant, Mallory l'avait faite tomber. Elle la ramassa délicatement et l'ouvrit. Elle contenait deux feuilles. Sur l'une d'entre elles, il était écrit « Pour Élisa ». C'était le nom de sa grand-mère. Mallory décida de lire celle-ci en premier.
« Élisa, que s'est-il passé ? Mes parents ne veulent pas que je te voie, et nous n'avons pas eu le temps de parler une seule fois. Mon frère Thomas me manque, et je suis sûre qu'il te manque aussi. Malgré ce que pense ma mère, je ne te crois pas capable de lui avoir volontairement fait du mal. Nous allons déménager, et je n'aurai plus aucune chance de te parler en face, alors j'aimerais qu'on puisse se voir au moins une fois. Réponds moi, s'il te plaît, je voudrais des réponses,... »
Margaret
Qui était Thomas ? Peut être le garçon sur la photo. Si on suivait cette logique, Margaret était donc la deuxième fille. Mallory brûlait d'envie de savoir ce qui s'était passé. Qu'était-il arrivé à Thomas ? Et surtout, qu'est-ce que sa grand-mère avait fait ? Impatiente, elle ouvrit la deuxième lettre.
« Ma chère Margaret. Je ne sais pas si j'aurais un jour le courage de t'envoyer cette lettre. En réalité, tu as tout à me reprocher. Ce jour là, je me suis emportée, j'ai convaincu Thomas de franchir les barrières et de m'accompagner à la falaise. Au début, Il n'était pas d'accord, mais j'avais tellement envie de vivre cette aventure que j'ai tout fait pour le motiver. Il a fini par me suivre. Malheureusement, les barrières n'étaient pas là pour rien. Le rebord de la falaise s'est écroulé quand il s'en est rapproché. Moi, j'étais assez loin et j'ai évité la chute. Il faut que tu saches que je m'en veux énormément, je n'ai jamais souhaité cet accident. »
Élisa
Alors elle comprit. Pourquoi sa grand-mère n'avait jamais envoyé ces lettres, pourquoi son amie n'avait jamais eu de réponse. Par la faute d'Élisa, le garçon était tombé d'une falaise. Sa sœur Margaret et ses parents avaient ensuite déménagé et volontairement coupé tout contact avec Élisa. N'assumant pas son acte, cette dernière avait écrit toutes ces lettres comme si elle parlait encore avec Margaret, mais ne les avaient jamais envoyées. Mallory fut triste pour les trois enfants. Margaret n'aura donc jamais eu de nouvelles de son amie, croyant peut-être qu'elle avait volontairement tué Thomas, et Élisa vivra toute sa vie avec cet énorme regret, sans jamais en parler à quiconque.
Plus tard, Mallory se posera d'autres questions, notamment sur le cadre, les lettres froissées ou le coup de vent, sans jamais trouver de réponses. Peut être l'âme de Margaret avait finalement tout découvert de l'histoire par le biais des lettres,...