Les étoiles sont tombées

Toute histoire commence un jour, quelque part. Celle de p’tit jean s’était arrêtée avant même d’avoir commencé...cette nuit- lá ,le petit ferma les yeux pour ne pas voir le "machin" de Ton Soifèt...ca irait vite pensât-il...ce ne sera même pas douloureux, du moins pas autant que la toute première fois quand ce dernier l’avait « puni » á cause de son entêtement en l’affalant á califourchon derrière le" galata"...Dieu !qu’il avait saigné !pendant plusieurs jours ,il se déplaçait en trainant sur ses petites jambes gringalettes...á présent ,il était si habitué á cette punition ,qu’il ne criait même plus,il avait trouvé le moyen de ne plus ressentir le poids de son "bâton moise" rabrouant le bas de son petit ventre dodu...chaque soir c’était pareil...un « calvè »...Ton Soifèt disait qu’il devait être «  puni » pour les "dezod" de la journée...il montait et descendait , sa peau couleur de charbon luisant de sueurs ..ahanant comme la grosse « milèt » de Man célimène...et chaque soir, lui ,petit jean, se laissait faire parce qu’il n’avait d’autres choix et aussi parce que ,s’il criait...il serait privé de repas pendant trois jours...alors il se laissait faire docilement ,il s’efforçait de ne pas serrer ses petites fesses...fermait les yeux ,et imaginait qu’il avait des ailes et était entrain de voler....il volait si loin !
Le petit s’est évadé si profondément dan un univers parallèle qu’il ne sentit, ni la déchirure de son petit anus, ni le filet de sang qui s’écoula entre ses ‘’ palettes ‘’maigrichonnes...il avait appris à défier la douleur. Et il n’avait que sept ans .Rien que ça .Dieu !il préférait de loin les punitions de Sò Anne qui se resumait á « rester Toutouni á genoux ,une pierre sur la tête ,pendant des heures sous le soleil du midi, quelques coups de cravaches bien assenés...c’était dur ,mais il préférait ça , et de loin !car le soleil ,bien que mordant sa peau...jouait avec lui durant ces heures d’angoisses..il avait l’impression ,qu’ils partageaient quelque chose...comme une intimité et puis, le soleil brillait...il y avait comme un truc ,il aimait ça ,oui il aimait le fixer de ses petits yeux espiègles jusqu’à ce qu’il les sentent... picoter ,alors un petit sourire éclairait son faciès anémique ,il secouait sa petite tête aux cheveux poivres -sels d’un air entendu .Le soleil était son ami ,ils s’étaient parlés «  un jour, ton calvaire prendra fin p’tit jean lui avait-il murmuré dans les yeux »...et ce jour- là était arrivé...c’était cette nuit-lá, il avait décidé dans sa petite tête ingénue de s’enfuir loin des misères de Ton Soifèt et loin du silence de Sò Anne qui le laissait faire sans réagir, elle aurait quand même pu prendre sa défense !Elle l’avait promis á Maman , juste avant qu’elle ne soit emportée ,par cette vilaine maladie qui lui avait donné tout pleins de boutons sur le corps et l’avait rendue aussi maigre qu’un épi de mais ,Sò Anne disait qu’elle l’avait attrapé dans l’exercice de son métier ,et lui, p’tit jean ,n’avait jamais compris...pourquoi un beau matin ,le ciel s’était ouvert et avait emporte sa petite maman ,Comment est-ce qu’on fait pour monter si haut ,et partir si loin sans laisser une petite échelle a son enfant pour grimper la haut quand il a envie de te voir » ?Non .p’tit jean ,alors âgé de cinq ans ,n’avait pas compris.
Mais aujourd’hui, il comprenait mieux, quand le ciel décide que tu dois partir .Tu dois partir et puis point. Lui il n’attendrait pas que le ciel décide de son sort .Lui p’tit jean .il partira cette nuit.
Perdu dans ses pensées il n’avait pas réalisé que ton soifèt avait déjà range son « machin », et s’apprêtait á passer á la seconde étape de son supplice : la fessée á coups de « rigwaz » !..p’tit jean tourna les yeux d’un air suppliant vers Ton soifèt, leurs regards se croisèrent .Il n’y vit qu’un froid glacial qui le fit frissonner .Comme les autres fois, Ce dernier le ferait compter jusqu’à vingt, et petit jean s’arrêtera á dix ,parce qu’il ne sait pas compter ,il le punira a coups de" rigwaz", on ne saurait dire s’il le punissait afin que le petit garde le silence sur les sévisses qu’il le faisait subir ou parce qu’il était un petit analphabète qui ne savait pas compter .Peu importe ,p’tit jean savait .A dix. Il partirait. Il regarda fixement la porte branlante de la petite case en terre cuite .Le cadenas n’y était pas encore passé, il pouvait courir plus vite que Ton soifèt .Foi, de p’tit jean !
Ton soifèt leva sa « rigwaz » et assena le premier coup .P’tit jean trembla, étouffa un sanglot douloureux, et courba l’échine. Les autres il ne les sentit point...5...6....á 9 il prit son élan quand vint le moment fatidique, il poussa un...diiiiiiiiix qui sortit droit de ses des trippes...se contorsionna , réussi tant bien que mal á arracher sa main des poignes de Ton Soifèt ,puis détala vers la porte...Ton Soifet poussa un juron : salopri ! .. appela Sò Anne á la rescousse et partit á sa poursuite...mais dans la nuit noire ,p’tit jean couru plus vite ,il connaissait les dédales de couloirs ,les maisons en parpaing á moitie construites laissées á l’abandon, il connaissait le chemin..... vers la délivrance.
P’tit jean couru longtemps...de toutes la force de ses petites jambes...puis quad il n’entendit plus le bruit des pas galopants de Ton Soifet derrière lui, il s’arrêta pour souffler.La nuit était noire .Il regarda le ciel ,pas une seule étoile! .Les étoiles sont tombées..... pensa-t-il dans sa petite tête d’enfant...il jeta un regard circonspect autour de lui, il connaissait bien cette « zone « ,il avait pleins d’amis dans la même situation que lui qui avait choisi ,comme lui....de fuir...d’avoir la rue pour foyer et de vivre a la merci des circonstances....
Quelqu’un le héla :,hé « zo- reken »,c’est pour ce soir le « coup » ou pas ?P’tit jean sursauta, c’est fou comme les souvenirs pouvaient affluer d’un cran !l’espace d’une seconde ,il avait oublié que depuis longtemps il, n’était plus p’tit jean ,mais Zo-reken ,le Zo-reken qui sème la terreur dans le village de Salamank, le zo-reken qu’on dit «  sans pitié » qui tue á tors et á travers en faisant pleuvoir les cartouches sur la communauté de Salamank, il était zo –reken ,chef de gang désormais. Parfois, au cours d'une operation, quand il appuyait sur une détente, et que quelqu’un le suppliait de le laisser en vie , avec dans les yeux, la même lueur de terreur qu’il avait lui, naguère enfant étant, Zo-reken cherchait le p’tit Jean en lui ,mais il ne refaisait pas surface ,Zo-reken ne trouvait aucune raison valide pour lui laisser la vie sauve ..parce que p’tit jean était mort ,ce fameux soir quand les étoiles, du ciel , sont tombées....et tout ce qu’il lui restait á lui , comme langage d’amour ,c’était...la violence !...comment pouvait-on lui demander de donner ce qu’il n’avait pas reçu ?
Lá –bas dans ce bled ,Zo-reken continue encore d’exprimer ses frustrations par la violence troublant la tranquillité quotidienne ,les gens l’appellent le "bandit" ,le « diable » certains disent que c’est le "dieu" de Salamank qu’on appelle désormais :Village de dieu....mais ceux qui regardent au delà des apparences voient en lui ,un enfant qui a envoyé un SOS á la société qui l’a vu naitre ,mais, n’a eu comme seule réponse , que le troublant silence de...l’indifférence...