Croyez-le ou non, son territoire, son pays, sa région, c’était un vieux bouquin tout poussiéreux, que sans doute personne n’avait lu, qui avait été oublié là pour toujours, et qui s’était recroquevillé sur lui comme une feuille morte, comme un parchemin sans rien dire – chez les amateurs de livre ancien, cela s’appelle un merle blanc. C’était sa maison, à elle, le seul lieu au monde qui avait carte blanche comme unique plan.
Quand on est une fourmi, avoir un livre comme logis c’est avoir un palace. Sa vie était écrite noir sur blanc. Quand elle avait des idées noires, elle passait des nuits blanches et éternelles ; des nuits noires qu’elle marquait d’une pierre blanche. Mais comme elle était une fourmi, elle pouvait soulever les pages. La fourmi, noire comme le ciel triste, avait appris à lire, ce qui lui permettait de manger du pain blanc quand elle broyait du noir. Ah, les fourmis, pauvres bêtes, elles voient en noir et blanc ! Comme elle avait l’allure d’un mot imprimé, parfois elle faisait patte blanche en s’allongeant entre les mots, et le résultat, ma foi, était assez convaincant ; c’était bonnet blanc ou blanc bonnet, elle était la virgule ou le point d’exclamation. C’était son passe-temps principal.
Un jour, une araignée voulut tisser sa toile. Cela mit la fourmi dans une colère... noire. L’araignée avait du sang bleu, ce qui donna à la fourmi une peur bleue, car vous le savez bien, la fourmi n’est guère prêteuse quand il s’agit des bas-bleus, mais devant une reine... bref, elle fit la fleur bleue et se résigna. Malgré ses bleus au cœur, elle ne perdit pas son sang-froid, et comme elle était forte, elle referma le livre sur l’araignée, comme en 89. L’impératrice n’y vit... que du bleu. Il faut dire que, quand elle veut, la fourmi s’avère cordon bleu !!!
Par un courant d’air, une coccinelle vint se poser sur la couverture du livre où la fourmi savourait sa victoire. La fourmi était la bête noire de la coccinelle ; la coccinelle était sur la liste rouge de la fourmi. On devine aisément que l’alerte rouge provoqua un choc entre les deux insectes, chacune accusant l’autre d’avoir franchi la ligne rouge. Comme les deux voyaient rouge, elles ne voyaient plus rien, se contentant de tirer à boulets rouges sur l’adversaire. (J’espère que vous suivre le fil rouge...). Finalement un coup de vent emporta la coccinelle avant qu’elle n’eût le temps d’agiter le chiffon rouge.
Encore aveuglée par sa colère, on peut dire qu’elle était verte de rage, elle conclut son discours en envoyant la coccinelle au diable vert. Hélas, son vocabulaire employant volontiers la langue verte, elle finit par se taire car elle voulait paraître aimable. La pauvre fourmi qu’on avait laissé tranquille toute sa vie, en quelques minutes en vit des vertes et des pas mûres. En effet, un moustique arriva en hâte pour lui faire la piqûre. C’était son médecin. Il lui conseilla naturellement de se mettre au vert, et lui parla de son cousin (évidemment !) qui avait les pouces verts. La fourmi, terrifiée à l’idée de s’en aller, rouspéta qu’elle était encore verte, mais sa langue verte trahit sa bonne santé et elle devint verte de peur, à moi que ça ne soit d’indigestion. (Elle avait essayé, juste avant, de faire le point d’interrogation, ce qui, pour l’estomac, était un calvaire). Le médecin remarqua tout cela et prescrivit de l’air frais à la fourmi réfractaire.
Mais la fourmi est habile, elle feignit de voir des éléphants roses, elle fit grise mine et pour paraître folle s’étouffa dans des rires jaunes. Toutes les maladies, varicelle, scarlatine, jaunisse, toutes s’invitèrent chez elle. Elle devenait jolie, elle s’arc-en-cielisait au fur et à mesure. Le moustique, sonné par toutes ces couleurs, soudain devint blanc comme un linge. Quand la fourmi fut sûre qu’il était évanoui, elle l’écrasa, la mine renfrognée, de but en blanc.
Finalement, tout redevint normal, noir et blanc. C’était ça de défendre son territoire. Jamais encore elle n’avait fait chou blanc ! Mais, après tant de combats, cette fois la fourmi fut touchée : elle avait un bleu à un patte, le visage rouge comme une tomate. Malgré tout, elle ouvrit son livre, tourna les pages aux bords dorés. Ah ! Ô ! Elle frémit soudain, grimaça atrocement quand elle se rendit compte qu’à cause de son œil au beurre noir, l’autre œil voyait la vie en rose ! Quelle serait sa réaction quand elle s’apercevrait que le livre qu’elle croyait le sien était à la coccinelle !? Eh oui, ce vieux livre abandonné – chute cynique d’un roman noir cousu au fil blanc – ce roman c’était Le Rouge et le Noir.
Moralité : La vie est un sport de combat. Telle est la couleur des sentiments d’un supporter qui voit son équipe gagner à l’extérieur : peur, mauvaise foi, insultes, cris et voix cassée, et finalement, on sert la main du supporter adverse pour aller boire un verre avec lui. Une seule chose à ce moment est plus noble que cet état d’âme en harmonie parfaite avec le corps ; c’est quand son équipe gagne à domicile. Le corps à ce moment se change en feu d’artifice et l’âme en arc-en-ciel.
Quand on est une fourmi, avoir un livre comme logis c’est avoir un palace. Sa vie était écrite noir sur blanc. Quand elle avait des idées noires, elle passait des nuits blanches et éternelles ; des nuits noires qu’elle marquait d’une pierre blanche. Mais comme elle était une fourmi, elle pouvait soulever les pages. La fourmi, noire comme le ciel triste, avait appris à lire, ce qui lui permettait de manger du pain blanc quand elle broyait du noir. Ah, les fourmis, pauvres bêtes, elles voient en noir et blanc ! Comme elle avait l’allure d’un mot imprimé, parfois elle faisait patte blanche en s’allongeant entre les mots, et le résultat, ma foi, était assez convaincant ; c’était bonnet blanc ou blanc bonnet, elle était la virgule ou le point d’exclamation. C’était son passe-temps principal.
Un jour, une araignée voulut tisser sa toile. Cela mit la fourmi dans une colère... noire. L’araignée avait du sang bleu, ce qui donna à la fourmi une peur bleue, car vous le savez bien, la fourmi n’est guère prêteuse quand il s’agit des bas-bleus, mais devant une reine... bref, elle fit la fleur bleue et se résigna. Malgré ses bleus au cœur, elle ne perdit pas son sang-froid, et comme elle était forte, elle referma le livre sur l’araignée, comme en 89. L’impératrice n’y vit... que du bleu. Il faut dire que, quand elle veut, la fourmi s’avère cordon bleu !!!
Par un courant d’air, une coccinelle vint se poser sur la couverture du livre où la fourmi savourait sa victoire. La fourmi était la bête noire de la coccinelle ; la coccinelle était sur la liste rouge de la fourmi. On devine aisément que l’alerte rouge provoqua un choc entre les deux insectes, chacune accusant l’autre d’avoir franchi la ligne rouge. Comme les deux voyaient rouge, elles ne voyaient plus rien, se contentant de tirer à boulets rouges sur l’adversaire. (J’espère que vous suivre le fil rouge...). Finalement un coup de vent emporta la coccinelle avant qu’elle n’eût le temps d’agiter le chiffon rouge.
Encore aveuglée par sa colère, on peut dire qu’elle était verte de rage, elle conclut son discours en envoyant la coccinelle au diable vert. Hélas, son vocabulaire employant volontiers la langue verte, elle finit par se taire car elle voulait paraître aimable. La pauvre fourmi qu’on avait laissé tranquille toute sa vie, en quelques minutes en vit des vertes et des pas mûres. En effet, un moustique arriva en hâte pour lui faire la piqûre. C’était son médecin. Il lui conseilla naturellement de se mettre au vert, et lui parla de son cousin (évidemment !) qui avait les pouces verts. La fourmi, terrifiée à l’idée de s’en aller, rouspéta qu’elle était encore verte, mais sa langue verte trahit sa bonne santé et elle devint verte de peur, à moi que ça ne soit d’indigestion. (Elle avait essayé, juste avant, de faire le point d’interrogation, ce qui, pour l’estomac, était un calvaire). Le médecin remarqua tout cela et prescrivit de l’air frais à la fourmi réfractaire.
Mais la fourmi est habile, elle feignit de voir des éléphants roses, elle fit grise mine et pour paraître folle s’étouffa dans des rires jaunes. Toutes les maladies, varicelle, scarlatine, jaunisse, toutes s’invitèrent chez elle. Elle devenait jolie, elle s’arc-en-cielisait au fur et à mesure. Le moustique, sonné par toutes ces couleurs, soudain devint blanc comme un linge. Quand la fourmi fut sûre qu’il était évanoui, elle l’écrasa, la mine renfrognée, de but en blanc.
Finalement, tout redevint normal, noir et blanc. C’était ça de défendre son territoire. Jamais encore elle n’avait fait chou blanc ! Mais, après tant de combats, cette fois la fourmi fut touchée : elle avait un bleu à un patte, le visage rouge comme une tomate. Malgré tout, elle ouvrit son livre, tourna les pages aux bords dorés. Ah ! Ô ! Elle frémit soudain, grimaça atrocement quand elle se rendit compte qu’à cause de son œil au beurre noir, l’autre œil voyait la vie en rose ! Quelle serait sa réaction quand elle s’apercevrait que le livre qu’elle croyait le sien était à la coccinelle !? Eh oui, ce vieux livre abandonné – chute cynique d’un roman noir cousu au fil blanc – ce roman c’était Le Rouge et le Noir.
Moralité : La vie est un sport de combat. Telle est la couleur des sentiments d’un supporter qui voit son équipe gagner à l’extérieur : peur, mauvaise foi, insultes, cris et voix cassée, et finalement, on sert la main du supporter adverse pour aller boire un verre avec lui. Une seule chose à ce moment est plus noble que cet état d’âme en harmonie parfaite avec le corps ; c’est quand son équipe gagne à domicile. Le corps à ce moment se change en feu d’artifice et l’âme en arc-en-ciel.