Les amours procrastinées

Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Après ce que j'ai senti pour elle, il aurait pu être plus empirique de purger ma peine par une simple déclaration. Mais hélas, la vérité ; Je ne l'ai comprise qu'après coup. Qu'après le supplice de Tantale.
Par une soirée torride des vacances estivales, dégouté par le vent sec qui soufflait dans les recoins de ma chambrette, je me retirai mélancoliquement de ma chambre pour me rendre à la bibliothèque nationale où je devrais dissiper comme dit-on les mille dégouts de la monotonie de la vie estudiantine. Il était dans mes coutumes, comme tout étudiant studieux de passer tout mon temps à l'image d'un véritable rat de bibliothèque.
Je m'introduisis dans la biblio après un long chemin, et me dirigeai vers la « littérature », c'est fort naturellement mon goût à la lecture. Je me cherchai une Anthologie de poésies classiques pour revivre la folie poétique des grands auteurs. Je pris place ensuite dans mon habituel coin ; une place qui fait face à la porte d'entrée comme pour dire que j'inspectai l'arrivée d'une personne étrange. J'étais assis entre les lignes des poèmes, j'avais probablement voyagé. Dirais-je avec une politesse raffinée que j'avais changé de galaxie.
Tout d'un seul coup, la luminosité de la salle s'augmenta, le vent qui soufflait changea d'odeur, tantôt aromatique, tantôt paradisiaque. Le climat sec s'était vite substitué en un moment glacé qui me chatouillait comme une brume. Je ressentis des frissons dans mon pauvre corps et demeurai trop inquiet au sujet de ma santé mentale. Pris au piège d'une étrange splendeur, je fixai par malheur la porte et j'aperçus pour la première fois un immense éclat d'une créature qui m'étais inconnue. Je clignotai un peu pour le bien de mes yeux. Après ce clignotement, je revis l'éclat qui scintillait s'introduire innocemment dans la biblio et j'avisai une jeune fille se diriger vers l'accueil.
Par un coup imparable de la prédestination, elle se dirigea vers la « littérature » et pris un livre dont je ne pouvais me donner le temps de lire le titre. Ensuite se dirigea vers mon coin et prit place sur la chaise d'en face. Je parus totalement bouleversé et un peu perplexe. Je ne savais plus quel livre devrais-je lire pour le bonheur de mon âme. Est-ce mon poème ou plutôt le visage de cette jeune fille plein de poésies ?
Pour brosser son portrait, je ne sais absolument par quel bout commencer car de ses orteils jusqu'aux cheveux ; tout est une pure merveille. C'était une fille de teint blanc ayant une taille moyenne et bien en chair. Sa tête est modérément petite, couverte d'une chevelure noire et brillante. Elle avait des gros et bleus yeux, un nez fort pointu dans un visage qui brillait de blancheur. C'est une fille trop souriante qui ne hait point la chaleur humaine autour d'elle. Cela se sentait même dans sa voix de contralto quand elle s'adressait à une personne. Elle avait une promette joliment faite et des joues bien gonflées. Il faut laconiquement avouer qu'elle avait une corpulence parfaitement complète avec une dentition assez géniale que son sourire exhibait avec malice. Toutes ces merveilles de son portrait m'enchantaient et me plongeaient dans une extase mystique devant son charme.
Soudain, j'oubliai ma raison d'être dans la biblio et m'épris de cette jeune fille. Elle s'appelait Hasser Niba. Je n'avais aucune idée de son âge. J'ai su son mignon nom quand la dame de l'accueil l'appelait par sa carte. C'est quand elle a répondu poliment à ce joli nom que je l'ai retenu avec toute les attentions au monde. C'était un véritable calvaire qui débutait pour moi. Ma place était hérissée d'épines, je n'y pouvais plus rester confortablement. Mon cœur commença à battre la chamade. Et à chaque fois que je relevais malicieusement ma tête pour lui faire une œillade ; nos yeux se croisent et elle me gratifiait d'un agréable sourire. Je doutais fort surement que ce sourire soit dans le dessein d'intensifier ma peine pour elle. La jeune fille était surement maligne ; elle avait un degré de maturité amoureuse plus élevé que le mien. La maturité amoureuse étant une vaste intelligence qu'a une personne de fonder et d'entretenir avec soin une relation amoureuse. Donc, je crus que son sourire était un défi pour moi, et qu'il aurait sans doute pour sens qu'elle attendait mon premier pas. Voilà la lourde tâche qui m'attendait. C'était pour moi un véritable suicide.
Je pensai aux préceptes de Carnegie ‘'comment se faire des amis ‘' sauf que mon cas était bien différent : comment se faire des âmes sœurs ! là, je songeai à mettre en jeu la substantifique moelle du fameux livre : la loi de l'Attraction (les clés du secret pour obtenir ce que vous désirez). J'eus une vive audace au fond de moi : Hasser Niba te provoque, elle te veut pour son cavalier, pour preuve fixe-la et remarque la joie qui coule sur son visage. Me dit mon cœur. Je fixai Hasser et pour cette-fois, elle me fit un signe à la main en guise de salutation avec un sourire. Je crus un tout petit peu en mon intuition puis celle-ci continue : voilà ce que je te disais. Tu es temporellement limité, elle doit quitter la bibliothèque bientôt. Tu dois lui dire au moins une seule chose : t'es mignonne !
J'avais toujours un visage buté, mon cœur brulait d'envie de lui parler mais j'étais toujours muré dans ma timidité au nom du prétexte le plus futile que Hasser était trop belle pour accepter mon amitié ou du moins ma flamme d'amour. À dire vrai, elle était d'une extrême beauté. Presqu'indescriptible. Il fallait avoir un cœur de poète et un courage de jeune cavalier pour courtiser cette fille. Je décidai de partir à la mort ! décidément, il fallait partir lui déclarer mon amour. Il fallait le lui dire. Qu'elle l'accepte pour que je vive ou qu'elle refuse que je meurs. Je me levai héroïquement et me dirigeai vers sa chaise ; arrivé auprès d'elle, elle me sourit et je feignis timidement d'être de passage. La seule chose que j'ai pu lui dire fut un ‘salut sec' à la va-vite. Et je partis inutilement prendre un air à la toilette. Mon cœur, n'y cessait de battre fort. C'était un véritable gâchis.
Quelques minutes écoulées, je pris courage de revenir à ma place pour penser à un deuxième plan. Mais mon intuition me dit ceci avec sévérité : tu mets ta vie sentimentale en péril. Ton rare oiseau s'envole et tu risques de le rater pour toujours, pauvre nigaud que t'es. Ce propos suscita ma rage et je décidai de sortir pour réaliser l'impossible. Déclarer ma flamme à Hasser. Je sortis élégamment et remarquai un changement de décor. La salle avait perdu sa luminosité et une vilaine obscurité se rependit tous azimuts dans la salle. Tout ce qui était droit fut courbé, tout ce qui était attirant devint écœurant. Le climat redevint méchant et le vent se refaucha davantage. C'était difficile de distinguer les gens dans la salle. Naturellement je changeai d'humeur et fus atterré innocemment.
Mon rêve pris fin, ma puce avait quitté la biblio. Je ne vis plus Hasser. Elle disparut complément et personne n'avait la moindre idée de quand elle est sortie. Mon âme commença à saigner, mes mille dégoûts revinrent et mon cœur se révoltât contre mon ego et ma peur en soi. J'eus le désagréable sentiment que ma vie n'avait plus de génie intime. Je sentis que je m'étiolais dans une immense mélancolie ; dans une sorte d'éternel remords. Je m'assis sur ma chaise et le livre que je lisais devint lourd à tenir. Je le posai et je vis un bout de papier sur ma table sur lequel était furieusement écrit ‘' j'admirerais que tu m'appartiennes un jour''. Je fus couvert de remords. Mon intuition eut raison sur ma peur et elle célébra sa victoire dans mon fort intérieur. Ma fureur dura une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité.
2