L'entretien

Maître ? Vous plaisantez ? Vous pouvez me cogner, comme l'ont fait tous les autres mais je ne vous appellerai pas maître. Le regard mêlé de supériorité et de mépris se voit à travers ses lunettes de faux-cul en la baissant tout en me fixant. Pour qui il se prend ? Pour le maître du monde ? Pourquoi suis-je ici d'ailleurs ? Je devrais partir, m'enfuir, m'évader... Mais je ne peux pas... ! Après tout, c'est de ma faute si je suis là... J'ai tout gâché ! Pour tout réparer, je suis ici à parler à cet homme d'une autre espèce, celui qu'on nomme l'homo œconomicus. L'Homme qui n'a rien à perdre et qui a déjà tout, s'entretienne avec moi pour travailler chez lui où la richesse empeste dans toutes les pièces. Il savait bien que je ne suis pas venu ici pour travailler, et que ma femme et mes enfants sont ici, et là, il me propose du boulot. Comment ose-t-il me rabaisser à ce point ? Je sais que je ne suis pas l'homme le plus riche du monde mais sa façon de me dominer et de me conditionner comme si j'étais son esclave m'est insupportable... Peut-être qu'on acceptant son offre, je serai implicitement son esclave? Cela me met dans une rage folle.
-Allons ! Ne vous fâchez pas de si peu... Si j'ai dit que vous deviez m'appelez maître. Ce n'est pas pour vous offensez. C'est juste que si vous acceptiez d'être mon employé, j'exige que vous m'appeliez ainsi en tant que votre employeur...
Le voir aussi calme prononçant me disant cela m'irrite.
-Pour tout vous dire, si je suis là, ce n'est pas pour travailler et vous le savez déjà alors pourquoi perdre notre temps en jouant à toutes ces putains de conneries ?
-Monsieur Rainiboto, c'est bien ça ? Eh bien, votre famille est dans ma propriété à cause de vous... Et eux... Ne veulent même plus entendre parler de vous à causes de ce que vous avez fait. Alors, je vous propose de travailler pour moi si vous avez encore envie de les revoir.
Ce que j'ai fait ? Mais pour qui il se prend, bon sang... Ce que j'ai fait ne regarde que moi ! Et lui... assis dans ce bureau bien décoré, beau tout en étant très impersonnelle ; et lui, bien fringué avec ce costume hors de prix. Tout cela me dégoute, j'ai envie de lui foutre mon poing dans la figure mais je ne peux pas ; ce n'est pas que je n'ai ni la force ni le courage mais ce n'est ni le lieu ni le moment et en plus, quatre de ces gardes du corps sont derrière moi.
Je prends un très gros souffle, et met ma main à plat sur la table en face de Maître Razaka. Et merde... Qu'est-ce qui me prend ? Ce n'est ni mon maître ni mon patron ! Mais je vais me calmé et parlé un peu plus civilement pour que la négociation se tourne en ma faveur.-Razaka... Monsieur Razaka ! Je sais que ce que j'ai fait à ma famille est injuste, mais comprenez... que leur place n'est pas avec vous. Mes enfants ont besoin de leur père ! Pourquoi m'infligez ce supplice ? De ce que je me souvienne je ne vous ai rien fait ! Au contraire, vous devriez m'aider, si vous aviez du cœur vous me ramèneriez ma famille dans mes bras...
-Vous êtes mal placé pour me parler de cœur Boto... S'exclame-t-il tout en buvant son verre de whisky sur la table. C'est à cause de vous si elle et vos enfants sont partit, vous êtes ici à me demander de vous les rendre...! A cause de vos bêtises...! Et je ne suis pas Dieu ni un Saint pour vous accorder gentiment tous ce que vous voulez ! Si vous voulez les revoir il faudra se plier à mes règles ! Est-ce bien clair ?
J'hésite un moment... Je regarde autour de moi...! En fait, il n'a pas tort. J'avais une vie, et maintenant je n'ai plus rien ! C'était il y a à peu près un an, j'avais décroché un job chez une épicerie d'Anosibe en tant que docker. Le boulot que je faisais dans cette épicerie ne fut pas très rentable, mais suffisait pour subvenir à nos besoins du quotidien. Nos soirs, depuis que Nofy et moi furent marié, le luxe, l'électricité ne sont pas monnaie courante. Les étoiles illuminaient nos nuits quand on ne pouvait plus nous acheter des bougies. A l'époque, je pouvais économiser ce que j'avais pour me payer quelques planches de bois pour nous faire construire une maison dans notre quartier. Notre demeure était notre paradis, c'était merdique dans le sens littéral du terme ! Mais pour nous, c'était le paradis. J'ai continué à bosser pour l'épicerie, je gagnais dix mille Ariary par jour quand je transportais ces sacs de marchandises. Je n'avais pas fait d'école supérieur, j'avais arrêté quand mes parents sont morts, j'avais douze ans à l'époque. Nofy et moi s'étaient rencontré l'été 2019, elle était magnifique, avec sa robe qui se termine aux genoux et ses ballerines. Elle avait les cheveux coupés à, et sa peau de couleur noire me faisait tomber sous le charme dès que je l'avais aperçu. Nous nous somme marié en 2021, et pour je ne sais quelle raison, je n'avais jamais rencontré ses parents. Bref, depuis qu'on s'est marié mon objectif de réussir et de s'éloigné de la misère devenait mon centre d'intérêt ; le problème c'était le fait que je ne suis qu'un simple gars du quartier qui n'avait pour bagage que son ambition et son détermination ; le monde m'a fait prouver que cela ne suffisait pas. Les gosses de riche diplômé n'arrivait même pas à décrocher un boulot mérité quitte à tous devenir des sans-emplois. Et moi, un gars qui n'a connu que l'école primaire, rêve d'avoir une vie meilleure se faisait tous le temps charrier et même rabaisser par certaines personnes que je suis le typique gars qui, dit-on, est atteint de ce qu'on appela la folie des grandeurs. Je voulais être comme tous ce qui rêve d'avoir une viemeilleure, loin des contraintes. C'était ça ce que je voulais. Mais l'approche que j'adoptais ne menait à rien. N'avais-je pas la capacité requise ? Nofy me soutenait à 100%. Mais je n'avais pas le niveau disait-on. Pour prouver aux autres et surtout pour me prouver à moi-même que je valais bien mieux que ce que la société pouvait dire de moi, et si ce monde des intellectuels n'étaient pas fait pour moi. Tant pis.
Le temps passa et je n'arrivais pas à décrocher un boulot stable. Je gagnais peu et se faire humilier et tabassé par son employeur n'était plus anodin et tous cela m'engoufraient dans une colère envers les gens qui avaient réussis dans la vie. Ma haine envers les riches commença à naître ces moments-là. Je tentais le tout pour le tout pour me trouver un bon métier depuis le jour où je me suis marié. Ma femme s'occupait de la maison et moi je devais subvenir à nos besoins... Mais c'était si dur, tellement dur qu'une idée saugrenue s'installait en moi, la haine occupait un peu plus la place dans mon cœur ; la haine envers ce système qui oppose et oppresse les faibles. Et demeurer le faible n'est pas dans mon objectif. Soudain, toutes ces pensées malsains s'engouffraient dans ma tête : vole, pille, massacre ceux qui déballent leur richesse par-dessus les pauvres... Et après quelque semaine avant la naissance de mes enfants, je cherchais du boulot car le métier de Docker n'était pas du tout rentable et me fatiguait. Et puis un jour, l'idée d'être un bandit ne fut plus une idée, je l'ai concrétisé. Les mois passèrent...Je marchais dans le quartier de Tananarive et c'est là, que j'ai vu cet homme devant moi ! Razaka, l'homme reconnu pour son business de vanille. En me voyant, il était bizarrement sympa et gentil avec moi ! Il me laissait laver sa voiture et me donnait bien assez de pourboire. Mais quand il avait vu ma femme pour la première fois, la tension entre tous était étrange. Et qu'on vient le soir..., hier soir, ma femme et moi des disputaient à cause de mes mauvais choix, et devinez quoi ? Le lendemain, elles étaient parties. Tourmenté ! J'avais su qu'elles étaient installées chez Razaka. Et ce n'est même pas eux qui m'en ont parlé. Et c'est la raison pour laquelle je me suis entretenu avec ce gars ! Réclamez ce qui m'appartient de droit.