Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité. Anne-Marie attendait désespérément le retour héroïque de son père, envoyé au front par l'armée nationale pour affronter les rebelles du mouvement de 23 mars. Anne-Marie vivait timidement aux côtés de sa mère, Daniella, une jeune femme à la peau claire, aux yeux assez petits et aux cheveux tressés à la main. Son visage portait les stigmates des labeurs entrepris pour prendre soin de sa fille depuis le départ précipité de son époux. Anne-Marie n'avait que 5 ans lorsque son père était parti combattre. Cette séparation brutale lui avait infligé un lourd fardeau moral. À peine une affection paternelle commençait-elle à se faire sentir qu'elle était balayée en un instant. Après son sixième anniversaire, sa mère réussit tout de même à l'inscrire à l'école primaire locale. Daniella n'avait pas un travail magnifique, elle vendait des pommes de terre qu'elle récoltait fraîchement de son champ, l'unique héritage que lui avait laissé son mari. Comme d'habitude, les premiers jours d'école étaient remplis d'émotions. Certains pleuraient, d'autres gambadaient de joie, mais tous étaient accompagnés de leur père. Seule Anne-Marie, serrant fortement la main de sa mère, ressentait un profond remords. Daniella, quant à elle, était indifférente à cela, car elle devait être forte pour le bien-être de sa fille. Jour après jour, Anne-Marie gardait l'espoir de revoir son cher père, de pouvoir se promener dans tout le quartier, s'acheter des choses délicieuses et construire des souvenirs remplis de sourires. Au lieu de cela, elle était contrainte, dès son jeune âge, de ressentir la nostalgie l'envahir. Quant à sa maman, elle ne pouvait absolument rien faire, elle était inconsolable. Ces guerres perpétrées année après année sont blessantes et offensantes. Elles touchent non seulement les frontières de manière considérable, mais aussi les familles, les enfants et les femmes qui se retrouvent abandonnés et attristés par la solitude.
Un jour, alors qu'elle essayait d'attirer des clients, Daniella aperçut de loin Anne-Marie qui s'approchait d'elle en boitant, grommelant. Elle se précipita pour lui demander ce qu'elle faisait dehors pendant les heures de classe. La petite lui révéla qu'elle avait été expulsée de l'école en raison d'irrégularités liées aux frais de scolarité. Cette confidence fit couler des larmes sur les joues de sa maman. C'est alors qu'Anne-Marie lâcha une phrase qui ne fit qu'aggraver les sanglots. Elle dit : "Si papa était avec nous maintenant, je ne serais pas renvoyée de l'école, n'est-ce pas ?" Sa mère la prit dans ses bras avant de lui répondre fermement : "Non, ma fille, non." Le vide qui les habitait était suffisant pour les faire pleurer, mais pas suffisant pour enterrer l'espoir de revoir leur chef de famille. Ce fut une expérience insupportable pour deux êtres aussi fragiles que vulnérables, abandonnés dans ce monde rempli de souffrances. Avec le temps, elles réprit le chemin de l'école avec un énorme retard au niveau des leçons, ce qui causa l'échec d'Anne-Marie ce trimestre-là. Elle n'était pas particulièrement brillante sur le plan intellectuel, mais elle savait faire preuve d'efforts inlassables et d'une sagesse de guerrière, car la vie l'avait beaucoup instruite dans ce sens. Des années passèrent et Anne-Marie devint une grande fille de douze ans. Dans cette contrée en guerre, elle avait franchi le cap de l'école primaire. Elle hésitait à envisager ses études secondaires, étant donné la situation économique désastreuse.
Un soir, alors qu'Anne-Marie arrangeait soigneusement les morceaux de bois pour allumer un feu, le temps était agréable et une fraîcheur enveloppante régnait dans l'air. C'est alors qu'un grand monsieur vêtu d'une chemise en lin et arborant une attitude bizarre s'approcha d'elles. Il se présenta comme un soldat de l'armée nationale. Toutes deux suspendirent leur attention à ses paroles, espérant avoir des nouvelles de leur père. Accrochées à ses lèvres, elles écoutaient attentivement chaque mot qui sortait de sa bouche. Il dit : "J'ai une nouvelle à vous annoncer. Cela fait deux ans que je devais vous l'annoncer, mais des bouleversements imprévus m'ont empêché de le faire. C'est à propos de votre mari, le lieutenant Adrien. Il n'a pas survécu à la bataille, il a succombé lors d'un affrontement violent et sanglant contre les forces rebelles. Il a été gravement blessé et n'a pas pu recevoir les soins médicaux à temps." À ces mots, un deuil s'empara de leurs yeux, une atmosphère funèbre envahit leurs visages. L'émissaire leur demanda de signer quelques documents qui leur permettraient de recevoir le salaire de leur défunt père, puis il prit congé, car il avait d'autres communiqués nécrologiques à annoncer. Ainsi, il reprit sa route, laissant Anne-Marie et sa mère en larmes. L'espoir de revoir son père était définitivement mort et enterré. Dévastée par la nouvelle, Daniella était épuisée à l'idée d'être officiellement seule dans cette bataille. Ce fut le début des épreuves les plus douloureuses de leur existence. Anne-Marie se dirigea vers sa mère et la serra de toutes ses forces. À son tour, sa mère lui fit la promesse de toujours prendre soin d'elle et de lui offrir un avenir radieux, en poursuivant ses études sans penser une seule seconde à les arrêter. Il y a des vides qui ne se comblent pas, des personnes qu'on n'oublie jamais, des souvenirs qui ne s'effacent jamais et un passé qu'on ne peut modifier.
Anne-Marie commença ses études humanitaires avec le petit salaire de son défunt père. Son paiement n'était plus en retard. Quant aux fournitures scolaires, les dons d'organismes des Nations Unies leur permettaient d'économiser sur une longue liste de dépenses. Jour après jour, nuit après nuit, elles travaillaient sans relâche pour échapper à la misère. Anne-Marie était à l'école et sa mère était aux champs. À midi, elles se retrouvaient au marché pour vendre avec courage les récoltes de sa mère, jusqu'à la tombée de la nuit. Ensuite, elles rentraient chez elles et préparaient leur repas du soir sous un ciel étoilé. C'était leur routine quotidienne, depuis les premières lueurs de l'aube jusqu'au magnifique coucher de soleil. Et ce, jusqu'à ce que les résultats des épreuves nationales soient publiés, signifiant l'obtention du diplôme d'État (baccalauréat) pour Anne-Marie. C'était un week-end lorsque Daniella et sa fille revenaient du marché. L'ambiance était indescriptible, elles étaient à la fois inquiètes et effrayées. Oui, les résultats étaient déjà disponibles en ligne. Elles se précipitèrent chez un vendeur de crédit le plus proche. Anne-Marie lui dicta son numéro d'examen et soudain, un frisson d'extase parcourut leur corps, un silence lourd s'installa, leur souffle fut coupé et leurs cœurs battaient la chamade. L'impression que le temps s'était arrêté. Au bout d'une seconde, un message texte arriva et le vendeur commença à lire : "Anne-Marie KANA...". Elle sursauta de joie sans même attendre la suite, car un début de message de ce genre signifiait la réussite. Daniella, sa mère, affichait un sourire en coin et était au bord des larmes. Elle avait enfin réussi sa mission : donner à sa fille un avenir meilleur que le sien. Grâce à son diplôme, Anne-Marie obtint un emploi d'enseignante dans une école publique, avec un salaire qui épargna à sa mère les durs labeurs tout en économisant pour ses futures études universitaires. Dans la vie, on réussit parce qu'on ne pense jamais à abandonner, et on échoue certainement parce qu'on abandonne avant de réussir. Avant d'avoir des branches et des feuilles, l'arbre est avant tout une graine. Aide-toi et le ciel t'aidera.
Un jour, alors qu'elle essayait d'attirer des clients, Daniella aperçut de loin Anne-Marie qui s'approchait d'elle en boitant, grommelant. Elle se précipita pour lui demander ce qu'elle faisait dehors pendant les heures de classe. La petite lui révéla qu'elle avait été expulsée de l'école en raison d'irrégularités liées aux frais de scolarité. Cette confidence fit couler des larmes sur les joues de sa maman. C'est alors qu'Anne-Marie lâcha une phrase qui ne fit qu'aggraver les sanglots. Elle dit : "Si papa était avec nous maintenant, je ne serais pas renvoyée de l'école, n'est-ce pas ?" Sa mère la prit dans ses bras avant de lui répondre fermement : "Non, ma fille, non." Le vide qui les habitait était suffisant pour les faire pleurer, mais pas suffisant pour enterrer l'espoir de revoir leur chef de famille. Ce fut une expérience insupportable pour deux êtres aussi fragiles que vulnérables, abandonnés dans ce monde rempli de souffrances. Avec le temps, elles réprit le chemin de l'école avec un énorme retard au niveau des leçons, ce qui causa l'échec d'Anne-Marie ce trimestre-là. Elle n'était pas particulièrement brillante sur le plan intellectuel, mais elle savait faire preuve d'efforts inlassables et d'une sagesse de guerrière, car la vie l'avait beaucoup instruite dans ce sens. Des années passèrent et Anne-Marie devint une grande fille de douze ans. Dans cette contrée en guerre, elle avait franchi le cap de l'école primaire. Elle hésitait à envisager ses études secondaires, étant donné la situation économique désastreuse.
Un soir, alors qu'Anne-Marie arrangeait soigneusement les morceaux de bois pour allumer un feu, le temps était agréable et une fraîcheur enveloppante régnait dans l'air. C'est alors qu'un grand monsieur vêtu d'une chemise en lin et arborant une attitude bizarre s'approcha d'elles. Il se présenta comme un soldat de l'armée nationale. Toutes deux suspendirent leur attention à ses paroles, espérant avoir des nouvelles de leur père. Accrochées à ses lèvres, elles écoutaient attentivement chaque mot qui sortait de sa bouche. Il dit : "J'ai une nouvelle à vous annoncer. Cela fait deux ans que je devais vous l'annoncer, mais des bouleversements imprévus m'ont empêché de le faire. C'est à propos de votre mari, le lieutenant Adrien. Il n'a pas survécu à la bataille, il a succombé lors d'un affrontement violent et sanglant contre les forces rebelles. Il a été gravement blessé et n'a pas pu recevoir les soins médicaux à temps." À ces mots, un deuil s'empara de leurs yeux, une atmosphère funèbre envahit leurs visages. L'émissaire leur demanda de signer quelques documents qui leur permettraient de recevoir le salaire de leur défunt père, puis il prit congé, car il avait d'autres communiqués nécrologiques à annoncer. Ainsi, il reprit sa route, laissant Anne-Marie et sa mère en larmes. L'espoir de revoir son père était définitivement mort et enterré. Dévastée par la nouvelle, Daniella était épuisée à l'idée d'être officiellement seule dans cette bataille. Ce fut le début des épreuves les plus douloureuses de leur existence. Anne-Marie se dirigea vers sa mère et la serra de toutes ses forces. À son tour, sa mère lui fit la promesse de toujours prendre soin d'elle et de lui offrir un avenir radieux, en poursuivant ses études sans penser une seule seconde à les arrêter. Il y a des vides qui ne se comblent pas, des personnes qu'on n'oublie jamais, des souvenirs qui ne s'effacent jamais et un passé qu'on ne peut modifier.
Anne-Marie commença ses études humanitaires avec le petit salaire de son défunt père. Son paiement n'était plus en retard. Quant aux fournitures scolaires, les dons d'organismes des Nations Unies leur permettaient d'économiser sur une longue liste de dépenses. Jour après jour, nuit après nuit, elles travaillaient sans relâche pour échapper à la misère. Anne-Marie était à l'école et sa mère était aux champs. À midi, elles se retrouvaient au marché pour vendre avec courage les récoltes de sa mère, jusqu'à la tombée de la nuit. Ensuite, elles rentraient chez elles et préparaient leur repas du soir sous un ciel étoilé. C'était leur routine quotidienne, depuis les premières lueurs de l'aube jusqu'au magnifique coucher de soleil. Et ce, jusqu'à ce que les résultats des épreuves nationales soient publiés, signifiant l'obtention du diplôme d'État (baccalauréat) pour Anne-Marie. C'était un week-end lorsque Daniella et sa fille revenaient du marché. L'ambiance était indescriptible, elles étaient à la fois inquiètes et effrayées. Oui, les résultats étaient déjà disponibles en ligne. Elles se précipitèrent chez un vendeur de crédit le plus proche. Anne-Marie lui dicta son numéro d'examen et soudain, un frisson d'extase parcourut leur corps, un silence lourd s'installa, leur souffle fut coupé et leurs cœurs battaient la chamade. L'impression que le temps s'était arrêté. Au bout d'une seconde, un message texte arriva et le vendeur commença à lire : "Anne-Marie KANA...". Elle sursauta de joie sans même attendre la suite, car un début de message de ce genre signifiait la réussite. Daniella, sa mère, affichait un sourire en coin et était au bord des larmes. Elle avait enfin réussi sa mission : donner à sa fille un avenir meilleur que le sien. Grâce à son diplôme, Anne-Marie obtint un emploi d'enseignante dans une école publique, avec un salaire qui épargna à sa mère les durs labeurs tout en économisant pour ses futures études universitaires. Dans la vie, on réussit parce qu'on ne pense jamais à abandonner, et on échoue certainement parce qu'on abandonne avant de réussir. Avant d'avoir des branches et des feuilles, l'arbre est avant tout une graine. Aide-toi et le ciel t'aidera.