Léa, petite faiseuse de rêves

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Il y a certaines choses qui sont impossibles. Tout le monde le sait.
Si vous interrogez les adultes – ceux qui vous répètent sans arrêt que « quand on veut on peut » –, si vous les interrogez au sujet de certains rêves, certaines choses que vous voudriez voir se réaliser, ils vous répondront :
— Mais, c'est impossible. Même si on le veut très fort.

Léa a huit ans, et déjà elle sait que certaines choses sont impossibles. Mais, comme c'est encore une enfant, elle refuse d'y croire.
Dans la petite ville de Léa, le ciel est toujours gris et on n'a jamais vu de ciel bleu, et encore moins de rayon de soleil. Enfin si, parfois, mais juste dans les livres. Alors tous les soirs, Léa sort ses livres d'images et regarde le ciel d'aquarelle. Elle pourrait se dire qu'un ciel comme cela, ça n'existe pas. Mais non, elle ne se le dit pas, jamais.

Le problème, dans la ville de Léa, c'est que tout le monde est triste. À force de voir toujours ce ciel gris, à force de ne plus croire au soleil, à force de ne plus croire au bonheur, les gens ont perdu espoir. Leur visage est aussi terne que les nuages ; leur sourire, aussi absent que le soleil. Et lorsqu'on leur dit qu'avec un peu de bonne volonté, tout irait mieux pour eux, alors ils répondent :

— C'est impossible.

Pourtant, par un beau matin gris, alors que le soleil ne brillait pas et que les gens n'étaient pas heureux, Léa leva les yeux au ciel et aperçut un tout petit morceau d'aquarelle bleue qui avait un peu débordé entre les nuages. Elle sourit.
— J'en étais sûre ! Le ciel bleu, ça existe ! Il suffit de l'aider à déborder un peu plus, et pour cela, il faut tout simplement aller pousser les nuages !

Léa sortit de chez elle en portant péniblement dans ses petits bras tous les livres de sa chambre.
Quelques passants lui demandèrent :
— Que fais-tu, Léa ?
— Je construis une échelle pour atteindre le ciel et pousser les nuages !
Les passants se moquèrent d'elle :
— Voyons Léa, c'est bien trop haut !
Mais Léa ne voulut rien entendre et ferma ses oreilles à ces briseurs de rêves.
Avec ses livres elle fit un tas, un énorme tas, comme une échelle, sur laquelle elle grimpa.
Malheureusement, l'échelle n'était pas assez haute et Léa n'atteignit pas les nuages.

Elle retourna dans sa chambre et en sortit tous les meubles qui s'y trouvaient : le lit, l'armoire, le bureau et la chaise. Ses voisins lui demandèrent :
— Que fais-tu, Léa ?
— Je construis un escalier pour atteindre le ciel et pousser les nuages !
Les voisins se moquèrent d'elle :
— Voyons Léa, tu n'y arriveras pas !
Mais Léa ne voulut rien entendre.
Sur le tas de livres, elle construisit un escalier de meubles, un grand escalier sur lequel elle grimpa. Malheureusement, il n'était pas assez haut pour toucher le ciel.

Léa retourna chez elle, et vida tout ce qui se trouvait dans la maison : le mobilier, les objets, les jouets, tout ce qui pouvait s'empiler sans se casser, tout ce qui était assez solide pour grimper dessus.
Ses parents lui demandèrent :
— Mais enfin, que fais-tu Léa ?
— Je construis une pyramide pour grimper jusqu'au ciel et pousser les nuages !
— Léa, enfin, c'est impossible !
La fillette n'écouta pas et se mit à construire une gigantesque pyramide, sur le grand escalier de meubles, sur l'échelle de livres.

Pendant que Léa grimpait, les gens sortaient des maisons pour la regarder faire. Certains se moquèrent, mais quelqu'un remarqua :
— Quelle volonté a cette petite ! Quel courage, quelle ténacité ! Qui parmi nous pourrait en faire autant ?
Et les gens durent admettre que c'était la vérité. Et puis, pour être tout à fait sincères, un ciel bleu, ça leur faisait bien un peu envie à eux aussi.
Alors ils cessèrent de se moquer.
Lorsque Léa redescendit sans avoir touché le ciel, elle ne comprit pas tout de suite ce qui se passait. Tous les gens de la ville avaient sorti leurs meubles, leurs livres et leurs objets, et les avaient apportés pour construire une grande montagne, pour que Léa puisse aller pousser les nuages.

Pendant qu'elle montait, les gens parlaient entre eux :
— Vous rendez-vous compte que cette petite Léa, en poursuivant son rêve, nous a donné la force de construire une montagne ?
Alors, il se produisit quelque chose de vraiment étrange. Les gens sentirent sur leur visage un sourire qui poussait et cela fit comme un ciel bleu qui colorait la ville. Dans leurs yeux, ils allumèrent deux petites flammes d'espoir et cela fit comme des milliers de petits soleils qui réchauffaient le cœur, et l'on ne voyait plus que le ciel était gris.

Léa, de son côté, n'avait pas réussi à atteindre le ciel. La montagne n'était pas assez haute. Lorsqu'elle redescendit, elle avait le cœur aussi lourd qu'un gros nuage d'orage prêt à éclater. Un peu comme si le ciel gris avait gagné la partie et anéanti son espoir.

Pourtant, quand elle arriva en bas, elle vit quelque chose d'incroyable sur le visage des gens : de la joie ! Ils avaient tous, sur les lèvres, un sourire éclatant et dans les yeux une étincelle qui brillait, brillait comme un ciel sans nuage. Elle comprit qu'ils avaient commencé à croire au bonheur.
Alors, pour ne pas leur faire de peine, et aussi parce qu'il ne faut pas briser les rêves des adultes, elle ne leur dit pas que, toucher le ciel pour pousser les nuages... c'est impossible.

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Image de Léa, petite faiseuse de rêves
Illustration : Adora

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