Le yéti

   Ce matin, je regardais distraitement le journal, installé dans mon fauteuil, d'où je pouvais observer les pentes blanches du Mont Blanc, quand une image attira mon attention: des empreintes énormes dans la neige. Curieux, je lisais le sous-titre qui disait:" Le corps d'un skieur retrouvé sans vie dans un hors piste dans la vallée de Chamonix".
   Le téléphone sonna. Je décrochai et reconnu la voix qui parla au téléphone: c'était le commissaire de police de Chamonix, Fabrice Vadaurel. En tant que détective, je lui avait été plusieurs fois d'une grande aide. J'écoutais alors la situation qu'il me décrivit:" Benoît, nous allons devoir recourir à tes services. Serais-tu d'accord de nous aider à enquêter sur l'histoire du skieur retrouvé mort ?". Je répondai par l'affirmative et me rendit au bureau de police. Nous partîmes et une fois arrivés sur les lieux de l'incident, je jetai un coup d'œil sur la victime et aux alentours: le cadavre gisait sur le côté droit, il n'y avait aucune trace autour, et il semblait avoir été stoppé net dans sa descente. De plus, j'étais interloqué par le fait que l'agresseur n'est dérobé aucun objet et par le pli du vêtement qui semblait avoir été arrangé de manière à dissimuler une blessure, mais je restais muet. Le commissaire m'informa que le corps retrouvé était celui de Mr Didier Marzain, je le remerciai et  lui demandai de me laisser seul.
   Je prenais des mesures et des photos, les empreintes se révélaient encore plus grande que sur l'image: 63 cm de long et 30 de large ! J'avais lu quelques jours auparavant un livre sur une légende du Mont Blanc, le yéti. Et ses empreintes avaient exactement les mêmes formes et dimensions que celles décrites dans l'histoire. Après une heure d'inspection, je rentrais chez moi avec l'hypothèse que chacun aurait imaginée: le skieur se serait fait attaquer par le yéti pour une raison inconnue. Mais elle semblait impossible en certains points. Les skis s'arrêtaient au même endroit que les empreintes et les traces ne faisaient pas penser que le skieur ait tenté d'éviter l'animal. De plus, je me demandais pourquoi la bête n'avait pas emporté le corps. Cependant une seconde hypothèse me traversait l'esprit mais je devais élucider quelques détails avant de l'exposer.
   Une fois un déjeuner avalé, j'appelais un ami mathématicien et lui exposais mes découvertes. En fin d'après midi, je le retrouvais et il m'expliqua ses résultats: 
"L'écartement des empreintes que tu m'as décrites correspond à celui d'un humain.
-C'est bien ce que je pensais... répondis-je pensif. En es-tu sûr ?
-Oui, d'après mes calculs, la bête mesurerait 3 mètres 90 environ, ce qui nous donnerait un écartement entre les empreintes trois fois plus grand ! s'exclama-t-il.
-En effet, tu es très doué ! Merci !" terminai-je en lui serrant la main. 
   Je passais la nuit entière à lire les dossiers civils des habitants de la commune, et au petit matin, je tombais sur un document intéressant. C'était un homme nommé Jocelin Carl qui était sculpteur sur bois de métier et très agile. Epuisé, j'allais me coucher. A 11 heures, je me réveillais, étalais sur la table ce que j'avais ramassé la veille et je confiais à ma femme mon hypothèse:" Je pense que c'est Mr Carl qui a commis le meurtre car étant sculpteur il a pu se fabriquer des semelles en bois de la forme des pattes d'un yéti pour feindre un accident. J'ai aussi retrouver ceci sous le corps, dis-je en désignant une très ancienne douille. Cependant, d'après mes recherches, personne au village ne possède de modèle de fusil adapté à ce genre de munitions et plus aucun fabriquant n'en produit." Je décidais donc de me pencher sur le passé de cet individu suspect.
L'après midi, je retournai au bureau de police et exposais mon hypothèse. Nous prîmes la décision de nous rendre chez Jocelin. Une femme nous ouvrit, intimidée de voir des policiers chez elle:
" Bonjour messieurs.
-Bonjour, êtes vous la femme de monsieur Carl ?questionna Fabrice.
-Oui, je suis Elise Carl. Qui y a-t-il ?demanda-t-elle peu rassurée.
-Nous sommes ici pour une simple vérification, assurais-je. Pouvons-nous inspecter la maison ?
-Oui, répondit-elle d'une voix tremblante.
-Au fait, où est votre mari ?interrogea le policier.
-Il est parti faire des courses, il devrait revenir dans 1 heure. 
-Très bien, nous attendrons son retour, mais commençons les recherches", achevais-je calmement.
    Je partis à l'étage pendant que mon collègue fouillait au rez de chaussé. Ne trouvant rien, je décidai de me rendre au grenier. Là bas je trouvai de la poussière et des vieux tableaux accrochés au mur. J'allais descendre quand un tableau représentant un homme grave attira mon attention: il semblait avoir été remis en place récemment. Je m'approchai, tentai de le déplacer et il tourna sur des gonds dissimulés... Je restais stupéfait devant ce que cachait la peinture: un fusil adapté pour la douille de 1879 ! 
   Je redescendai avec ma trouvaille et Mme Carl cria de terreur en apprenant que je l'avais déniché au grenier et elle affirma ne jamais avoir su que son mari gardait ceci. Une fois que Jocelin fut rentré, nous lui posâmes un interrogatoire et se voyant démasqué il nous avoua les raisons de son crime: le tableau était un autoportrait d'un de ses ancêtres. Quand il était arrivé dans cette maison transmise de pères en fils, il était tombé sur ce tableau et cette cache contenant le fusil et quelques munitions. Il s'était tu et quelques jours après y était retourné. En l'inspectant, il avait trouvé une trace de l'artiste au dos du tableau et après de longues heures à la déchiffrer, il en avait tiré cette phrase: "Eliminez tous les descendants des Marzain, anciens ennemis de la famille Carl !"; et sans savoir s'il agissait bien, il avait écouté son devoir. 
   Il fut jugé et condamné à des années de prison. Fabrice me remercia et me félicita: "Merci, vous nous avez été d'une grande aide !" Je rentrai chez moi en sifflotant, heureux d'avoir résolu cette enquête.
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