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Histoires Jeunesse - 11-14 Ans (Cycle 4)
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- Au Collège - Jeunesse
« Je la déteste ! Je la déteste ! Je la déteste ! »
Amélie tremblait de rage. Elle avait éprouvé de l'antipathie pour Meg dès l'instant où elles s'étaient retrouvées dans la même classe, mais là, ça dépassait les bornes. Faire un exposé sur les chauffeurs de la gare routière européenne était son idée ! Avec l'espoir secret de convaincre ses parents de la laisser partir seule un week-end en autocar. Meg avait dû l'entendre en parler pendant la récréation, et elle était en train de présenter exactement le même sujet à la prof de géo devant toute la classe !
Meg était l'archétype de la fille prétentieuse et pourrie gâtée à qui tout réussissait sans aucun effort. Elle était grande, sans le moindre bouton d'acné, ses parents avaient un beau pavillon avec un immense jardin dans lequel elle pouvait inviter ses copines, elle mémorisait les leçons rien qu'à les écouter et elle n'avait pas besoin de les réviser pour les contrôles. Alors, évidemment, elle avait plein d'amies. Lætitia était assise à côté d'Amélie dans tous les cours depuis le début de la sixième, et quand Meg était arrivée au milieu de l'année, elle l'avait abandonnée pour la rejoindre.
— Je ne comprends pas ce que tu lui trouves ! avait hurlé Amélie.
Laetitia avait secoué la tête.
— C'est toi qui es bizarre, Amélie. Pourquoi tu es aussi jalouse ?
— Jalouse, moi ? N'importe quoi !
Avant, Amélie était la première de la classe dans presque toutes les matières. Maintenant, elle ne l'était dans aucune. Et pourquoi lui voler son idée d'exposé, si ce n'est par pure méchanceté ? Amélie en était certaine, Meg était véritablement démoniaque...
— Et toi, Amélie, quel est ton projet ?
Amélie ne savait pas quoi répondre à la prof de géo. Meg avait été interrogée avant elle, et c'est elle qui aurait donné l'impression d'être la voleuse si elle se mettait à parler de gare routière... Elle bafouilla.
— Heu... Je n'ai pas encore trouvé...
— Ça fait une semaine qu'on en parle, Amélie. Ce n'est pas si difficile, d'enquêter sur un métier de notre ville. Bon, tu as jusqu'à demain.
Le regard de Meg croisa celui d'Amélie. Elle eut un sourire triomphant.
* * *
Amélie habitait à plus d'un quart d'heure à pied du collège, mais elle n'était toujours pas calmée en rentrant chez elle : elle avait un poids sur le cœur en arrivant à son immeuble, et elle savait que ce n'était pas parce qu'elle avait marché trop vite.
Amélie vivait dans la partie nord d'une ville de banlieue parisienne. En sortant du collège, il y avait le quartier résidentiel aux sublimes pavillons, dont, bien sûr, celui de Meg. Plus on allait vers le nord, plus l'environnement se dégradait, les graffitis envahissaient les murs. Le hall de son immeuble sentait l'urine comme d'habitude, la clef de la boîte aux lettres coinça comme à chaque fois quand elle voulut relever le courrier, et elle dut monter les cinq étages à pied parce que l'ascenseur était encore en panne ! Ses parents n'étaient pas rentrés, elle regarda le courrier qu'elle avait récupéré dans la boîte aux lettres : un magazine, une facture d'électricité, une lettre de la banque, et un petit carré jaune avec de grandes lettres rouges qu'Amélie déchiffra machinalement :
« Vous avez besoin d'une aide magique dans votre existence ? Un coup de pouce pour vous apporter un soutien ou ôter un obstacle de votre route ? Le grand sorcier Maurice est là ! Amour, vengeance, argent, il réglera tous vos problèmes. Efficacité et discrétion garanties. »
Amélie eut un sourire amer. Si la vie était aussi simple...
* * *
Le lendemain, après l'heure de français, on prévint les élèves de la classe d'Amélie que le prof de maths était malade. Des petits groupes bruyants se formèrent pour descendre et s'asseoir ensemble dans la salle de permanence.
Amélie y vit un signe du destin.
À neuf heures, aucun élève n'avait le droit de sortir du collège, et le gardien veillait près de la porte d'entrée. Mais le portail était large, Amélie se cacha derrière un arbre et réussit à se glisser dehors en profitant de la foule d'élèves qui entraient. L'adresse indiquée sur le papier jaune du sorcier était tout près du collège.
C'était un immeuble chic, avec un digicode et plusieurs plaques de médecin à l'entrée. Sur l'interphone, il y avait un bouton « Maurice, sorcier en tous genres ». Amélie appuya, la porte s'ouvrit.
L'ascenseur fonctionnait parfaitement, mais Maurice recevait au bout du couloir du rez-de-chaussée. Il n'y avait pas de porte. Après avoir hésité pendant cinq longues minutes, Amélie osa pousser le lourd rideau de velours bordeaux qui protégeait l'entrée de l'appartement.
Elle se retrouva dans une immense pièce éclairée uniquement par des bougies, dont la lueur permettait de distinguer d'épais tapis au sol et des tissus colorés aux murs. Une forte odeur d'encens lui donna presque envie de vomir, et la musique répétitive composée de trois notes lui donna le tournis.
— Avance donc, jeune fille. Que désires-tu ?
Un homme noir, les cheveux longs et nattés dans le dos, vêtu d'une tunique rouge, était assis en tailleur sur un coussin brodé d'or.
Amélie s'expliqua. Et lorsque le sorcier eut entendu toute l'histoire, il lui dit :
— Évidemment que je peux supprimer ton ennemie. Mais pour cela, j'aurai besoin d'un poil de sa brosse à dents, juste après son utilisation. Apporte-la-moi, et tous tes problèmes disparaîtront.
Amélie avait vraiment envie de se débarrasser de sa rivale. Elle raconta à ses parents qu'elle était invitée à dormir chez Laetitia, traîna dans la ville après les cours, jusqu'au moment du dîner. Elle se dirigea alors vers le pavillon de Meg. Elle comptait s'emparer de sa brosse à dents une fois qu'elle l'aurait utilisée, après le repas.
Entrer dans le jardin fut facile, la barrière était très basse, pour que les passants puissent admirer les fleurs. Heureusement, le pavillon n'était que sur un étage, il faisait chaud, et toutes les fenêtres, dont celle de la salle de bains, étaient ouvertes. Une délicieuse odeur de poulet rôti mit l'eau à la bouche d'Amélie, qui n'avait rien mangé depuis des heures. Meg courait de la cuisine à la salle à manger – presque aussi grande que la totalité de l'appartement d'Amélie – pour mettre la table. La mère de Meg était assise à côté de son père, assis dans un fauteuil roulant, et le nourrissait à l'aide d'une grande cuillère de soupe. La moitié du contenu coulait à chaque fois sur ses lèvres, elle se dépêchait d'essuyer avant que le liquide atteigne son cou. Le père ne faisait aucun mouvement, son visage ne reflétait aucune émotion.
Une fois la table mise, Meg vint s'asseoir et mangea en silence. Tout à coup, le poulet rôti ne faisait plus envie à Amélie. Elle quitta le jardin sans se soucier de la brosse à dents.
Elle rentra chez elle et raconta à ses parents que Laetitia avait changé d'avis. Sa mère voulut connaître tous les détails, son père râla qu'elle devait mieux choisir ses fréquentations. Pour une fois, cela ne l'agaça pas.
* * *
— Alors, Amélie ? questionna la prof de géo le lendemain. As-tu trouvé une idée d'exposé ?
— Oui, madame. Je vais parler du sorcier qui raconte qu'il résout tous les problèmes, dans la rue d'à côté. Il m'a dit que je pouvais venir chez lui après l'école pendant une semaine pour étudier comment il travaille.
— Bravo, Amélie ! C'est l'idée la plus originale que j'aie jamais entendue. Je suis impatiente de voir ce que ça va donner.
Et Amélie ne pensa même pas à chercher le regard de Meg pour triompher.
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