Toute histoire commence un jour, quelque part.
Un serpent noir coloré de jaune au cou ; un bon jour, se promenait dans la ferme de Moulu et soudain, il se croisa face à face avec cet homme. Tout à coup, le reptile se dressa sur sa queue, la tête aplatie comme celle du cobra, les yeux rouges, la langue sortait et retournait dans sa gueule béante ; il s’écria :
-Ne t’approche pas, sinon je vais te tuer, à coup sûr.
-Qui es-tu pour m’interdire la libre circulation dans ma ferme ? Réagit le fermier.
-Je suis le serpent, la bête la plus redoutable de la jungle.
-Redoutable ! Redoutable peut-être pour des petits animaux, pas pour un homme valide comme moi.
-C’est pareil pour les hommes. Un seul coup de morsure au pied et il s’écroule par terre comme un gigantesque monument.
-Tu ne peux pas me faire peur toi. Tu n’es pas plus fort que le lion que j’ai abattu la fois dernière.
-Toi ! Tu aurais abattu un lion ? Je ne peux pas te croire, protesta le serpent.
-Et pourquoi pas, s’indigna le fermier ?
-Parce que je te connais mieux que tu te connais toi-même. Tu es la plus peureuse de toutes les créatures. Même un petit moustique te terrorise.
-Menteur ! Comment tu as su que j’ai peur des moustiques ?
-Laisse-moi te raconter mon aventure. Un bon jour, je pourchassais une souris la nuit. Elle s’est échappée dans ta maison. Je l’ai poursuivie jusque dans la chambre intérieure où tu étais couché.
L’homme, tressaillit de frayeur, puis observa:
-Quoi ! Tu es venu chez-moi ?
-Pas seulement chez-toi, mais dans ta chambre intérieure où tu étais couché.
-Ce n’est pas vrai !
-Mais si ! Pour preuve, je t’ai vu enfoui sous un large voile déployée tout autour de ton lit. J’étais curieux de savoir pourquoi tu t’étais ainsi caché sous une moustiquaire et j’ai vite compris que tu fuyais les moustiques. Si un simple moustique de la taille d’un cheveu t’épouvante, comment peux-tu tenir devant moi ? De plus, poursuit le reptile, la piqûre de moustique ne tue jamais un humain mais chatouille seulement sa peau, la mienne quant à elle, non seulement te blesse mais, pire encore te tue aussitôt. Fait donc gars à moi, je ne suis pas de ce genre d’animal avec qui blaguer.
Soudain, le fermier sentit comme si le sang était en train de se glacer dans son corps. Il paniqua tellement qu’il brandit son bâton en l’air et s’écrie :
-Arrête ! Tais-toi ! De peur que je ne te brise la nique avec ce bâton ! Un seul coup de cette massue, me suffit pour t’écraser la tête, s’encourage-t-il, pourtant terrorisé.
En voyant ce bâton, le serpent se recroquevilla. Il sait qu’il ne peut pas supporter un seul stick de son adversaire et rester en vie. A présent, il ne veut que s’échapper. Tout le monde est sur le qui-vive. Alors que le serpent guettait un moment propice pour s’échapper, le fermier lui, se préparait au combat en débarrassant l’alentour de ses pieds de tout obstacles qui lui feraient trébucher pendant la bataille. Quand il relève les yeux, eh bien, le serpent n’y est plus.
-Où est-ce tu te caches, mon ennemi ?
-Je me suis en allé, lui cria de loin, la vipère.
-Tu n’es qu’un lâche ! Poule mouillée ! Si tu étais l’animal le plus redoutable, pourquoi tu as peur de moi ?
-J’ai pitié du tort que j’allais te causer, ce pourquoi je me suis en aller.
-Reviens ! Reviens vers moi afin de mesurer ta force à la mienne. Se contenta de dire le fermier, pourtant soulagé par l’absence de cet animal dangereux.
-En tout cas, pas aujourd’hui ! Répondit le reptile.
-Imbécile ! Poule mouillée.
-Fais gars à ton langage déplacé mec ! Moi, imbécile ! Comment peux-tu être aussi grossier comme ça ?
-Vas t’en, poule mouille.
-Si tu savais à quel animal tu avais affaire, à coup sûr, tu me demanderais pardon ! Je ne suis pas un lâche et encore moins, une poule mouillée. Je sais quand je vais te tuer. Je te le répète, un seul coup de morsure a la cheville, et tu t’écrouleras par terre comme un gigantesque monument. Toutefois, j’ai réservé cela à un autre jour ; un jour où tu t’y attends le moins. Je te surprendrai partout ; dans le jardin, dans les buissons, dans le champ ou même dans ta propre maison, au lit. Et là, tu n’auras besoin que d’un seul coup, pas deux pour t’aider à t’endormir pour toujours ; oui, à sommeiller sans se réveiller.
La menace est sérieuse pour le fermier. Il aurait pu se soulager en tuant son ennemi. Cependant, ce dernier s’est échappé, et tant que celui-ci circule librement dans la ferme et ses environs, il sait que d’un moment à l’autre, le pire va lui arriver. Depuis, la sécurité de cet humain n’était plus assurée.
Peu après cet entretien avec le serpent, l’homme retourna chez-lui et boucha tous les trous par où pénètrent et sortent les souris et serpents, qui visitent régulièrement sa maison. Il se procura ensuite des bottes, dont la hauteur atteignait les genoux, afin de protéger ses chevilles, la partie la plus vulnérable pour a la morsure de vipères. Les rats de sa maison cependant, étaient indisciplinés et débouchaient tous les trous aussitôt fermés.
De lors, le malheureux fermier n’avait plus de sommeil tranquille. Un simple bruit, suffisait pour le réveiller de son doux sommeil et ne plus fermer l’œil jus qu’au petit matin. Comme cet homme ne dormait presque plus la nuit, toutes ses activités champêtres en ont été perturbées. Ainsi, au lieu d’aller au travail pendant la journée, Moulu récupérait le sommeil perdu la nuit.
Pourtant, cet homme aimait bien jardiner. C’est comme s’il avait une main verte. A tout moment, il se régalait à défricher des champs, les labourer, et d’enfouir des semences, des fleurs, des arbres et beaucoup d’autres cultures de son choix dans le sol. Cependant, depuis que le serpent a menacé de le mordre, le cultivateur craint désormais de visiter ses cultures. Longtemps Sans entretien, les champs en pâtissaient ; la mauvaise herbe poussait partout et endommageait la bonne croissance de plantes. La récolte pour cette saison, s’annonçait déjà mauvaise.
L’effroi d’être mordu par un serpent ne cessait de l’assaillir. Un autre jour, notre fermier prit sa valise pour y tirer quelques habits. Soudain, la peur lui fendit le cœur : « Et si la vipère se faufilait à l’intérieur ? A coup sûr, il me mordra à la main, se disait-il.» Et à l’ instant même, saisi de terreur, il s’écarta. Pour ouvrir sa valise en toute sécurité, Moulu prit son bâton, le saisit à un bout et se servit de l’autre bout pour déverrouiller la malle. Le couvercle s’ouvrit subitement plouf ! Ce dernier court plus vite que l’éclair; ses talons sur la nique. « J’ai échappé belle, se consola le peureux homme en transpirant», et pourtant, il n’y avait aucun serpent dans sa valise.
Quelques instants plus tard, le peureux homme revint, marchant sur les bouts de ses orteils et entra sans encombre dans sa maison. Il prit soin de contrôler partout afin de se rassurer si le dangereux reptile était toujours là mais en vain. « Le lâche s’est de nouveau enfuit». Il se consola, l’air toujours bouleversé.
En plus de la crainte des vipères, Moulu craignait aussi les mauvais esprits et les sorciers. Au beau milieu d’une nuit, ce dernier était saisi par une forte diarrhée. Il avait peur de sortir dans l’obscurité épaisse, cependant, il n’a pas de choix, sinon, il va chier et faire caca dans son pantalon. Le voilà sortir en courant. Le w.c. est très loin dans la bananeraie où il faisait totalement noir, et cherchait son chemin à tâtons. Tout à coup, il trébucha et se cramponna à un bananier qui le gronda sévèrement. « Attention !... Attention !... Ne me touche pas dans les yeux !... Pourquoi tu ne vois pas ? Pourquoi tu ne peux marcher sans tâtonner ?» En entendant cette voix, le peureux fermier retourna vite chez lui, tomba à chaque pas. Il arriva enfin, tremblant terriblement. Son cœur bâtait très fort, tellement fort qu’il avait comme impression que les sorciers entendaient les bruits de son battement depuis l’extérieure. La diarrhée s’est guérie d’elle même. Moulu jura, depuis ce jour là, de ne plus sortir dehors la nuit.
Le lendemain matin, après avoir passé plusieurs mois sans visiter ses champs, le fermier essaya de transcender sa peur et s’encouragea d’y retourner, malgré lui, encore une fois. Il se débarbouilla et prit son petit déjeuné avant de mettre ses bottes. Il prit la première chaussure et enfonça le pied gauche qui arriva au fond difficilement. Il saisit ensuite l’autre côté de la paire de bottes et voulut se chausser de la même manière. Il voulait visiter ses cultures, les pieds biens protégés contre les morsures des vipères.
Pendant la nuit, néanmoins, une souris, pourchassée par le serpent, se trouva refuge dans la botte droite du fermier et, est restée dedans jusqu’au petit matin. Quand le cultivateur la souleva, le rat menacé, accourut au fin fond de la chaussure. L’homme sans perdre un instant, introduisit l’autre pied dans la botte. Le pied calla au niveau de la cheville. Ce dernier se leva afin de l’enfoncer de tout son point. Plouf ! Le voici enfin arrivé. Soudain, ses orteils heurtèrent un corps mou et étrange que cet homme prit à défaut pour le serpent. Comme c’était impossible de se déchausser rapidement, le fermier paniqua et poussa soudain un grand cri : Oh !... Le serpent !... La vipère !... Je suis mort !... Au secours !... Au secours !... Serpent qu’est-ce que tu me veux ? Laisse-moi tranquille ! Oh, oh, oh ! Je suis mort !... S’écria-t-il de toute sa voix tout en se jetant par ici par là jusqu’à ce que son bras droit fût brisé. Gisant au sol, le dos contre terre tel un cafard qui est tombé sur son dos, Moulu transpirait très fort et tout son corps était vite trempé de sueur. A présent, il ne s’attendait qu’à la mort.
Alors qu’il était ainsi étendu au sol, immobile, le fermier entendit le sifflement d’un serpent dans le couloir de sa maison. Son cœur palpitait encore très fort.
-Est-ce bien toi mon ennemi ? Demanda-t-il, mort de peur.
-Tu l’as bien deviné, grommela la vipère. C’est bien moi, la bête la plus redoutable de la jungle.
-Qu’est-ce qui s’est alors caché dans cette botte ? Je croyais que c’étais toi ?
-Tu te moques de moi ou quoi ! Tonna la méchante bête. Observe-moi bien. Avec mes deux mètres de long, comment puis-je convenir dans une aussi petite botte comme celle-là ?
-Et pourtant !... La voix de ce dernier s’étrangla d’une forte palpitation.
-Hah! Hah! Hah! Ricana la vipère tout en laissant entrevoir ses quatre crochets mordants.
Quand l’homme les vit, il en fut très terrorisé encore et frissonna davantage devant cette bête sans scrupule. Cette dernière s’en réjouît beaucoup et rigola cette fois-ci aux grands éclats.
-Haaah ! Haah ! Hah ! Hah ! Je ne savais pas que tu avais autant de peur de moi, se réjouit le reptile.
-C’est la première fois de voir un serpent en train de rire, dit Moulu d’une voix frêle.
-C’est vrai ! Je n’ai jamais été ainsi content, dans toute ma vie, confia le serpent.
-Puis-je savoir le pourquoi de cette grande gaité ? Bourdonna l’individu qui s’attendait à la mort, toujours gisant par terre.
-Je me réjouis du fait que, nous tous animaux, le lion y compris, savons que l’homme est la créature la plus redoutable et dangereuse du monde. Et personne d’entre nous ne l’intimide. Ça me fait alors grand plaisir de faire peur à un humain.
-Tu comptes toujours me tuer ? Demanda encore cet homme d’une voix hésitante.
-Non.
-C’est vrai, veut se rassurer Moulu ?
-Eh bien, vous les hommes, vous vous trompez beaucoup sur nous et vous haïssez les serpents parfois sans raison. Nous ne sommes pas aussi méchants que vous le croyez. Le serpent ne mord jamais par plaisir de le faire, mais par défense et par besoin. Quand on est menacé, on se défend par morsure. Ceci est notre seule arme de bataille. Si tu me marches sur la queue, c’est la faute qu’une vipère ne supporte pas, elle réagit sans tarder par la morsure. En plus, poursuivit le reptile, nous mordons les petits animaux dans le but de les manger et non pas par simple plaisir de le tuer. Le venin est comme une cartouche pour un soldat. On ne sait pas le gaspiller en piquant les arbres, les arbustes et encore moins, pour un homme sans défense comme toi. Quant à vous, ne vous précipitez pas de nous cribler des pierres ou nous frapper des bâtons juste quand vous nous rencontrez dans votre parcours. Nous avons droit à la vie comme vous les humains.