Le Rêve d'une jeune écervelée

Toute histoire commence un jour, quelque part, mais la mienne, elle a commencé je ne sais quand. Laissez-moi plutôt vous la conter et vous aurez ainsi une idée de comment tout ça a commencé.
« Miraculeusement, j’étais mariée à un homme dont je ne connaissais pas le nom, même son visage ne me disait rien. Toujours sous l’effet abracadabrant, nous allions passer notre lune de miel à Kribi (Afrique). Encore une chose étonnante, je ne connaissais Kribi que de nom et ceci, grâce aux histoires sur un blog sur Facebook. La seule chose qui paraissait certaine dans tout ça, c’est que je l’aimais follement, je m’impatientais à l’idée de devenir enfin sienne et c’était réciproque à ce qu’il parait. Seul ombre sur le tableau, on a décidé de se joindre à un groupe d’étudiants de l’Université Valparaiso (UV) de Port-de paix (cette petite ville reculée pour ne pas dire oubliée d’Haïti, qui voit chaque jour partir ses enfants et accueille des hommes d’ailleurs qui viennent chercher cette paix qui semble régner à port-de-paix), qui était à Kribi aussi, dans le cadre d’une sortie universitaire.
Lui n’était pas de l’UV. D’ailleurs, je me demande où il a bien pu faire ses études et dans quoi il travaillait. Et bizarrement, deux anciens de l’UV ont eu aussi l’idée de se joindre aux groupe d’étudiants et pour couronner le tout, l’un d’eux était quelqu’un que j’ai cru aimer mais, vu avec l’intensité que j’aime mon incognito de mari, je ne sais pas comment j’ai pu croire aimer un jour ce garçon _qui en effet n’était plus un garçon_. J’étais étonnée de le voir, c’est tout. Je n’avais d’yeux que pour mon mari. Ce vieil amour _si on pouvait appeler ça de l’amour_ parti depuis je ne sais plus combien de temps, n’avait plus aucun effet sur mes sens.
J’enfilais mon maillot de bain quand quelqu’un me faisait parvenir un billet que j’ai écrit fort longtemps dans l’espoir d’une réponse, n’importe laquelle mais, je n’ai pas eu ce plaisir ou du moins jusqu’à aujourd’hui, après 7 ans. Je n’ai pas pris le temps de lire cette réponse reçue trop tard. Ça ne m’intéressait plus. Je n’ai vu que l’initial de celui qui a signé le billet : « L ». J’ai enfoui ça dans ma poche et direction le bar. Arrivée à destination, ironie du sort, j’ai dû m’asseoir au côté de celui qui accompagnait mon vieil amour et il n’arrêtait pas de répéter cette phrase lassante, pleine de sous-entendus : « Comme c’est mignon ». Enervée, je buvais mon verre d’un trait et en me levant de table pour aller trouver mon mari et d’autres jeunes à la plage, le billet fut tombe par terre, comme s’il ressentait l’oubli dont il était sujet.
Le ramassant, je l’ai déplié pour voir ce qu’il contenait sans grand intérêt et bingo ! il contenait ça : « Retrouve-moi dur la plage ma mignonne, je t’aime ! L ». Ça m’a fait sourire mais, pas pour les raisons que vous pensez. Apparemment il ne manquait pas d’audace celui-là, feignait-il de ne pas savoir que j’étais mariée et ceci en lune de miel qui plus est. J’ai déchiqueté le billet et le jeta à la poubelle. Direction, la plage. Pas pour le voir mais, pour retrouver mon mari dont je ne jurais que par son nom que je ne connaissais pas.
Je faisais un signe de la main à mon mari qui était déjà dans l’eau. Alors que je m’apprêtais à le joindre, je fus accaparée par une étudiante de 2eme année, me posant plein de questions sur mes études à l’UV. Il paraissait que j’ai pas mal réussi dans mon domaine, mon mari a réussi aussi parait-il. (J’ignorais dans quel domaine j’ai réussi, de même pour mon mari). Je répondais comme j’ai pu à l’étudiante, impatiente d’être enfin avec mon mari mai, elle ne me laissait pas respirer avec ses questions. Je lui parlais toujours quand j’ai ressenti deux mains se poser tendrement sur ma taille sous l’eau et un doux baiser sur mon épaule. Croyant que c’était mon mari qui venait enfin me libérer des griffes de cette étudiante qui voulait connaitre le prix de ma bague de fiançailles _il est vrai que le diamant était énorme_. Sans me retourner, je murmurais : « enfin, tu es là mon amour ». C’est quand la personne répondit fiévreusement : « bébé », que j’ai su qu’il y avait erreur sur la personne qui m’était collée au dos. Mon mari ne m’appelait jamais bébé parait-il et cette voix grave n’était pas la sienne.
Sa voix était plutôt doux, avec une fermeté agréable à entendre. Mais cette voix-là, était une voix grave, bien trop grave pour ne pas être reconnue entre mille. Et surprise ! c’était mon vieil amour. J’ai eu l’impression que mon mari a été témoin de la scène et en deux brasses, il était à mes cotes, prêt à bondir sur celui qui se permet de toucher sa femme avec autant de liberté. La rage et la jalousie se lisait dans son regard et j’étais plus folle de lui en le voyant ainsi. Voulant marquer son territoire, il me prit dans ses bras et me demande vaguement : « c’est qui, lui ? ». Fièrement, je lui ai fait un bref monologue sur le billet qui a fini à la poubelle. Il connaissait l’histoire de mon vieil amour mais, ce jour-là, il a pu mettre un visage dessus.
En homme civilisé qu’il était, il se présenta : « je suis... _je n’ai pas retenu son nom_ » d’une poignée de main et mon vieil amour se présenta à son tour de la manière suivante : «je suis l’homme qu’elle aime » et sans respirer, mon mari répliqua : « et moi, celui qu’il a épousé », mettant ainsi les points sur les i. mon vieil amour semblait vraiment surpris, on dirait qu’il ne feignait pas sur l’état de mon nouvel statut de femme mariée et amoureuse en plus. Mais ça ne l’empêchait pas d’exclamer avec arrogance : « c’est impossible ! elle n’aime que moi et ce sera ainsi pour toujours » quelle assurance, dis donc ! et moi dans tout ça.
Pour répondre au commentaire prétentieux de mon vieil amour ou plutôt pour mettre les choses au clair (je ne savais plus, trop emparée par cette scène inattendue qui se déroule sous mes yeux), mon mari prit mes lèvres dans un baiser passionné, le plus beau baiser qu’une femme pourrait espérer de son mari. Son baiser était tentant mais j’étais réticente à lui rendre son baiser, non parce que je me souciais de l’amour-propre de mon vieil amour mais parce que j’étais embarrassée à l’idée de me donner ainsi en spectacle. Ressentant ma réticence, il s’arrêta.
Pour la première fois, j’ai pu voir le doute dans le regard de mon mari. Et j’étais là, je ne trouvais pas les mots justes pour enlever ce doute dans son regard. Mes yeux le suppliaient silencieusement de ne pas douter mais je me demande bien s’il a compris mon SOS.
Je me trouvais statuée là, confrontée à ce dilemme : Entre mon mari tant aimée et mon vieil amour qui me réclamait comme s’il m’avait marqué de son sceau avant de ne partir pour je-ne-sais-où. Comme si, j’étais son bien, je lui appartenais. Et mon mari, qui était-il ? d’où venait-il ? où est-ce qu’on a bien pu se rencontrer ? qu’est-ce qu’il a bien pu faire pour que je l’aimais à ce point ? Et mon vieil amour, comment a-t-il su que j’étais à Kribi ? et de quel droit me réclamait-il mon amour ? tellement de questions sans réponses. Il est de ces rêves qu’on voudrait se rendormir et pouvoir ajouter l’épisode 2. Voilà pourquoi je déteste les rêves, on ne connait jamais la fin de l’histoire. Mais comment ? vous avez oubliez que vous étiez en plein milieu de mon rêve ? Depuis après SOS, je ne dormais plus.
Moi aussi j’aimerais bien savoir comment ma lune de miel s’est terminée. En tous les cas, j’espère que mon mari a su remettre à sa place ce vieux nigaud prétentieux ».