CHAPITRE I
Toute histoire commence un jour, quelque part et celle-ci commence à Ouagadougou dans la capitale burkinabè.
Quand est-ce que tu me laisseras venir parler à ton père ? ça fait deux ans qu’on est ensemble, je ne veux plus me cacher.
Arthur avait pris son ton le plus sérieux et cette fois, rien ne semblait pouvoir le dissuader. Il poursuivit :
Je t’aime et je veux que tu sois ma femme. Je ne peux plus attendre.
Mariam qui avait posé sa tête sur la poitrine d’Arthur, se leva doucement. Elle regarda son bien-aimé et dit :
Laisse-moi le temps de lui parler d’abord. Je t’en prie !
Il l’embrassa et acquiesça.
Arthur est un architecte. Ça fait déjà un an qu’il demande à parler au père de Mariam, étudiante en 6è année de médecine, pour officialiser leur relation. Mais celle-ci a toujours refusé, prétextant le fait qu’ils ne se connaissaient pas assez.
Mariam prit congé d’Arthur, elle se leva et il la dévora du regard. Elle était mince, de teint clair, ni trop petite, ni trop grande. Sa démarche était lente et envoûtante.
Il la suivi du regard jusqu’à la porte de la cour et lorsque sa silhouette se fût éloignée, il se ressaisit.
Bon ! Il faut que j’aille voir ma famille, murmura-t-il. Il prit un bain rapide, et sortit.
Arthur était l’ainé. Ses parents n’avaient eu que deux enfants, lui et sa petite sœur, Noah âgée de 17 ans. Après l’obtention d’un emploi dans une société de construction, il avait déménagé dans une autre maison, dans un quartier avoisinant celui de sa famille.
Il entra dans la cour, Noah fût la première à le voir.
-hé ! Maman ! Ton barbu de fils est là, plaisanta-t-elle.
-Je t’ai déjà dit de me respecter. Je suis ton ainé. Rétorqua-t-il
- N’exagérons pas ! J’ai juste eu un peu de retard.
- Arrêtez de vous chamailler. Dit leur mère.
Le père d’Arthur était au salon et lisait tranquillement son quotidien du soir. Arthur entra, salua son père et s’assit à ses côtés. Dès qu’il fut assis, son père l’interrogea :
Quand est-ce aurais-je une belle fille ? veux-tu que je meure sans voir mes petits enfants ?
Jean ! laisse le tranquille, il vient à peine d’arriver. Essaya la mère de défendre son fils.
Il va avoir 30 ans. A son âge, j’étais marié et père.
Arthur sourit à ses deux parents et murmura tout bas « Mariam, j’espère que tu as enfin trouvé le courage de parler à ton père ».
CHAPITRE II
Mariam était couchée, la tête posée sur les cuisses de sa mère. Elle pleurait. Sa belle-mère, venue en soutien à sa coépouse était debout, tout près des deux.
La mère de Mariam, Ami tentait de convaincre sa fille de rompre avec Arthur pour éviter la confrontation avec son père. De toute façon, Mariam n’ignorait pas la position de son père sur le sujet.
Le père de Mariam était l’imam de la mosquée de Zaakin, son quartier de résidence. Il avait bien signifié à toutes ses filles dès l’apparition de leurs premières règles, qu’elles ne pouvaient épouser que des hommes de confession musulmane.
Il vaut mieux que tu te sépares de lui. Tu connais ton père, il va entrer dans une colère noire et nous toutes subirons les conséquences.
C’est l’homme que mon cœur a choisi, maman. Je l’aime !je l’aime !je l’aime !
Mariam éclata davantage en sanglots. Sa belle-mère se mit à genoux, et tout en lui caressant les cheveux, elle lui dit :
Ecoute ta mère ! seule une mère sait ce qui est bien pour son enfant. Elle ne chercherait jamais à te nuire.
Mariam leva les yeux vers sa mère qui sourit amèrement, puis elle se retourna et sécha ses larmes.
Le lendemain, Mariam se rendit chez Arthur, elle ne savait comment le lui annoncer. Qu’allait-elle lui dire ? Allait-il seulement la croire ?
Elle passa toute la journée avec lui et ne laissa rien paraître de sa tristesse. Elle le regardait comme si ce serait la dernière fois qu’elle le verrait. Avant de prendre congé de lui, elle posa ses mains sur ses joues, le fixa longuement et lui donna un baiser langoureux. Arthur s’en inquiéta mais elle le rassura et s’en alla.
Une semaine passa, Arthur n’avait plus de nouvelles de Mariam. Il décida d’aller chez elle, vérifier qu’elle va bien. Il quitta son bureau plus tôt que d’habitude et continua directement chez Mariam. Il frappa à la porte. Un enfant, vêtu d’une culotte jaune et pieds nus, lui ouvrit la porte. Le père de Mariam était assis sur la véranda. Arthur alla vers lui, s’inclina pour le saluer et celui-ci l’invita à s’asseoir. Il se dit qu’il profiterait de l’occasion pour en faire d’une pierre, deux coups. Il allait lui parler de sa relation avec Mariam.
CHAPITRE III
Qu’est ce qui ne va pas mon fils ?
Papa ! je suis amoureux d’une femme et pour être avec elle, il faut que je me convertisse à sa religion.
Le père d’Arthur sursauta.
Changer de religion. Tu es devenu fou ? il en est hors de question. je suis ton père et je te l’interdit. Si tu fais ça, oublie qu’on est du même sang.
Et sur cette phrase, il sortit de la pièce, très en colère.
Arthur était resté là, pensif. Les choses ne s’étaient pas très bien passées avec le père de Mariam, deux jours plus tôt. Il ne voulait pas d’un gendre catholique et il était resté catégorique malgré ses nombreuses tentatives de dissuasion. Il fallait, soit devenir musulman, ou renoncer à Mariam.
La famille d’Arthur était très catholique. Il avait été élevé selon les préceptes de la Bible et il y était très attaché. Choisir Mariam reviendrait à laisser tomber ce en quoi il croit depuis son enfance. Il était complètement perdu. Il ne savait vers qui se tourner.
Sa mère assise en face de lui, observait la scène. Elle se leva, vint s’asseoir près de son fils et lui dit :
Je comprends parfaitement ce que tu ressens.
Quand je me faisais baptiser, je n’aurai jamais imaginé que ma religion puisse être un jour, un poids si lourd à porter.
Ce n’est pas le cas mon chéri. Il suffit juste que tu vois les choses sous un autre angle, peut-être n’est-elle pas faite pour toi.
La mère d’Arthur se leva et alla dans la cuisine. Cette phrase au lieu de le réconforter, ne fit qu’accentuer son anxiété et son désespoir. Une larme coula discrètement sur sa joue droite.
Quelques instants plus tard son téléphone sonna. Il décrocha, c’était le père de Mariam. Sa fille avait disparu et il accusait Arthur d’en être responsable. Il menaçait de porter plainte contre lui, si sa fille ne réapparaissait pas d’ici le lendemain.
Arthur ne se préoccupait guerre des menaces de son « beau-père », il souhaitait juste qu’il ne soit rien arrivé à sa bien-aimée. Il tenta de joindre Mariam en vain. Il appela toutes ses amies et à l’hôpital où elle était en stage, mais personne ne l’avait vu. Il se leva, prit sa voiture et sortit. Il allait la chercher dans toute la ville. Il ne savait où aller mais cela l’importait peu, il irait partout s’il le faut.
CHAPITRE IV
Il était 23h. Arthur était encore dans la rue, cherchant Mariam. Il hurlait son prénom et montrait sa photo à tous les passants. Il s’assit sur une pierre posée au bord d’une route peu éclairée et implora le seigneur :
Mon Dieu ! je t’en supplie, aide moi à retrouver ma Mariam. J’ai tellement besoin d’elle.
A peine eut-il achevé sa phrase, son téléphone sonna. On avait retrouvé Mariam mais elle était dans un état critique.
Il fonça à l’hôpital. Les parents de Mariam y étaient déjà.
Une dizaine de minutes plus tard, le médecin sortit ; Mariam s’était jetée du haut d’un pont. Il était désolé, mais elle était arrivée bien trop tard à l’hôpital. Il n’a rien pu faire pour elle. La mère de Mariam éclata en sanglots, son père invoqua Allah, quant à Arthur, il resta figé, il n’entendait plus rien autour de lui, son regard était fixe, il avait ouvert la bouche mais aucun mot ne sortait.
Le médecin demanda qui était Arthur. Le père de Mariam l’indexa et il tendit une enveloppe à Arthur en disant :
On a retrouvé cette enveloppe dans la poche de son pull.
Arthur tendit légèrement la main et la prit. Il y avait écrit sur le dos : A Arthur.
Arthur laissa sa voiture dans le parking de l’hôpital, il marcha jusque chez lui. Il s’assit sur le lit dans sa chambre et ouvrit l’enveloppe, c’était une lettre :
« Mon cher Arthur,
Te rencontrer a été la meilleure des choses qui me soit arrivé. Avec toi, j’ai appris à aimer. Mon amour pour toi était mon souffle de vie, c’était la force qui m’aidait à me relever quand je tombais, c’était le bouclier contre tous mes ennuis. Plus j’apprenais à te connaitre, plus je t’aimais. Tu faisais partie de moi et tout ce que je voyais me faisait penser à toi.
Il m’était impossible de vivre sans toi. Je suis morte de l’intérieur quand j’ai su que mon père ne cédera pas. Pardonne-moi mon amour mais je préfère la mort à une vie sans toi à mes côtés. Je t’aime !
Ta Mariam »
Arthur posa la feuille sur la petite table au bord de son lit et se leva. Il avait une petite boite à pharmacie dans le placard, il l’ouvrit, rassembla tout ce qu’il y’avait comme comprimés et les avala. Puis il se coucha sur le dos et dit :
-les hommes ont refusé de nous unir, les anges le feront sans doute. Attends-moi ma bien aimée, ma Mariam.
Il ferma les yeux et s’éteint.