Le parquet rouge

5 décembre 2019
 Cher journal, aujourd'hui j'ai rencontré un homme au bar. Il est grand, brun et drôle, et j'aime particulièrement ses mains. J'ai pris son numéro de téléphone et, ce matin, je lui ai envoyé un message pour l'inviter à boire une bière chez moi. J'attends sa réponse. 
 Il s'appelle Allan.
 

6 décembre 2019
 J'ai peur. Putain j'ai peur. 
 Allan est venu. Nous avons bu des bières, entre autre, nous avons écouté de la musique, nous avons ri et je me suis endormi, probablement ivre. Lorsque j'ai ouvert les yeux, il était là, allongé sur le sol dans une mare de sang, les paupières ouvertes, raide. J'ai peur. Qui a fait ça? Pourquoi lui vouloir du mal? Il était gentil... Est-ce que ça veut dire que quelqu'un s'est introduit chez moi pour le tuer? J'ai trouvé un couteau à côté du corps. Le mien. Celui de MA cuisine. J'ai peur. Pourquoi ne pas m'avoir tué aussi? Et si le criminel essayait de me retrouver? Je ne peux pas appeler la police, ils m'accuseraient. 
 Je dois aller dormir. Mal au crâne. Peut-être que je fais un cauchemar.
 

7 décembre 2019
 Cher journal, je n'ai pas dormi de la nuit. Son cadavre est toujours là, affalé sur le parquet glacé. L'odeur est atroce et rien que de le voir me donne la nausée. Ce n'était pas un mauvais rêve. Qu'est-ce que je dois faire? Fuir? Je ne sais même pas pourquoi j'écris. 
 Je crois que je vais devoir tout nettoyer. Et lui? Je le connaissais à peine et il est mort. Est-ce que je dois l'enterrer? Qu'est-ce que je fais? 
 

8 décembre 2019
 Cher journal. Je me suis réveillé dans ma baignoire. Aujourd'hui il neige. Une atmosphère douce s'est installée malgré le massacre. J'ai jugé qu'«il» avait besoin d'un enterrement décent. Pour ne plus le voir, je l'ai enroulé dans une bâche. J'ai passé la nuit à creuser.
 Une de ses mains traînait lorsque je le tirai dehors. C'est la dernière chose que j'ai vue de lui.
 

9 décembre 2019
 Les tasses de café s'entassent. J'en ai encore perdue une. Je ne dors quasiment pas. J'ai peur. Je culpabilise. Pourquoi? Une douleur atroce me transperce le ventre. Qui l'a tué? Pourquoi? Pourquoi lui? J'ai peur. Tout ces événements étranges. Tellement de questions sans aucune réponse. Pourquoi ne suis-je pas mort?
 Il reste l'énorme trace de sang sur le parquet, je n'arrive pas à l'enlever. Et je sens toujours l'odeur.
 

11 décembre 2019
 J'ai enfin dormi. Beaucoup dormi. Depuis je n'arrête pas de réfléchir. J'ai l'impression que des oiseaux me dévorent l'estomac ou qu'un trou noir remplace mon nombril. Peu à peu. 
 J'ai peur. Et si c'était moi ? Imaginons. C'est MOI qui l'ai poignardé. Avec MON couteau. J'ai nettoyé les preuves puis je l'ai enterré dans le jardin. Dans MON jardin. Je mériterais la mort. La même que lui. Je suis peut-être un meurtrier. Un monstre. La police finira par me retrouver.
 Et si quelqu'un s'était vraiment introduit chez moi ? Des objets bougent voir disparaissent. Parfois je retrouve mes lumières allumées, la nuit. Et il y a ces instants d'égarement comme lorsque suis dans la cuisine et que je me réveil dans le salon. 
 Mais ça ne change rien. Je veux rester ici. Ne plus bouger. Ne plus rien faire et attendre assis là, au centre de cette trace indélébile.
 
 
 
8