Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Je perds mes sens. Mais je peux sentir un coup de foudre fendre le ciel. Des voûtes descend une étincelle et une voix qui m’appellent et m’entrainent vers un paysage et une direction inconnus. La curiosité communique une certaine agilité à mes jambes. Je hâte les pas. La lumière et le son s’éloignent de plus en plus vite. Je me mets à courir. Tout se calme brusquement. Je m'arrête. Je prête oreille. Pas la moindre agitation. Pas le moindre murmure. Puis, une forme surgit. Je devine sa nature. C’est Ibukun, ma déesse.
Elle était de la race épicée de celles dont le regard pouvait engendrer en votre sein des fourmillements, nourrir vos plus grands fantasmes, vous faire rêver, tout simplement. Je l’ai appelée Ibukun. Quel autre nom aurait pu mieux exprimer toute la prestance qu’elle incarnait ? Ce qui m’accrochait le plus sur son corps, ce n’étaient pas ses yeux de félin, son cou gracile, la sveltesse de ses courbes appétissantes ou le mat de son teint suggestif. C’étaient ses lèvres. Somptueuses. Dispendieuses. Inaccessibles. Elles avaient quelque chose d’indicible et d’indescriptible. Les traits en étaient si fins que l’on penserait à l’arête d’une figure géométrique. Et elles n’étaient pas noires comme celles des princesses peuhles ni roses comme ces lèvres semblables au groin d’un petit cochon. Les siennes étaient un mélange d’amour et de passion enfiévrées : rouge. Ce qui me subjuguait encore, c’étaient leurs extensions – un long trait qui allaient jusqu’à ses fossettes, et qui donnaient l’impression que ma Mona Lisa nago souriait continuellement. Tout cela imposait le silence. Celui-là même qui tait vos sens devant un chef-d’œuvre, et qui exige de vous vénération et admiration. Quand je les regardais, je ne pouvais chasser toutes les folies dont je les faisais auteures. C’est à croire que Dieu, dans son ineffable imagination voulait en faire l’être, sinon le plus parfait, le plus singulier qui soit, et que de ce fait, il l’avait habitée. Subtilement. Sublimement. Dieu est une femme. Dieu est Ibukun.
Ibukun, en plus de ses grandes capacités intellectuelles ainsi que ses manières atypiques, était belle – elle le savait – d’une beauté originale, mesurée. J’ai reçu l’appel de la déesse dans le noir d’une nuit douce dont le calme n’était perturbé que par le chant des grillons. D’une manière des plus singulières, à la manière de personnes qui s’épient et qui se découvrent enfin, prenant les étoiles à témoin, elle a voulu me « familiariser » avec la lumière : elle. Dès lors, j’étais devenu dévot, fanatique fervent de ma déesse. D’ailleurs, il m’incombait de construire la suite de la divine relation. Au fur et à mesure que passaient les jours, ma foi inébranlable décuplait, mon zèle grandissait. Je rivalisais d’ardeurs et de prévenances au quotidien afin d’entourer mon divin personnage de toute la gloire qui lui est dévolue. Le problème, toutefois, était que ma foi ne siégeait pas en mon cœur comme avec les autres divinités. Ibukun était dans ma tête. Constamment. Etait-ce là sa façon de manifester sa jalousie ? Dieu était jaloux, en effet. Ibukun m’empêchait de penser à autre chose, si ce n’était sa présence que je voulais éternelle, et l’expression de sa féminité. Si les choses sont allées très bien entre nous ? Si je me suis vite attacher à elle ? J’étais le fidèle parfait, l’être pur qui méritait enfin la visitation du Seigneur. Lui-même !
C’était la saison des pluies. La brise coulait lentement sur le fleuve situé près de mon gîte et venait caresser mon torse nu.
Avant de me retirer dans ma chambre, je suis resté sur le balcon à contempler les gens qui s’empressaient de vite rentrer chez eux, se mettre à l’abri de cette averse qui s’annonçait torride. La pluie ! Enfant, je souhaitais qu’il plût continument. Cela me dispensais des travaux domestiques. De ce fait, je pouvais dormir pendant longtemps sans craindre d’être interrompu ou, quand ma mère était de sortie, patauger dans la gadoue. En grandissant, la perspective de me salir ne m’égayait plus. J’avais remplacé cette envie par une autre, un peu plus osée, plus superstitieuse. J’avais besoin d’être au chaud, cerné de bras féminins qui me prodigueraient un plaisir immarcescible. Je souris et chassai vite cette idée. J’avais besoin de m’endormir.
J’ouvris les yeux. Il me sembla que l’on avait frappé à la porte. Je me levai du lit, maugréant toute ma colère. Qui pouvait oser me sortir de ce sommeil aux émanations oniriques ? J’ouvris la porte. Mes yeux encore lourds de sommeil m’empêchaient d’identifier les traits de mon visiteur. Je n’eus besoin cependant que de quelques minutes pour me rendre compte qu’il s’agissait d’une femme, une intruse qui venait partager mon repos ou le déranger. La silhouette me faisait dos, entièrement mouillée par la pluie impitoyable. Ses vêtements lui collant à la peau, je pouvais aisément deviner les chutes de ses bassins qui descendaient sur un postérieur élégamment assorti en forme de demi-cercle. Quel galbe provocant ! me dis-je. Je voyais mieux. J’étais libéré de l’emprise somnifère qui s’était emparée de moi.
« Bonsoir », fis-je, la voix grave. Elle se retourna. Lentement. Je découvris des sourcils fournis et joliment taillés – l’arc de Cupidon – que ses yeux luisants mettaient si bien relief. Elle me sourit. Dans le transport nitescent d’une dentition parfaite. J’étais interdit. C’était elle. C’était Ibukun. Ma déesse. Mon Aphrodite. Ma Vénus nago. Plus belle, d’une innocence intimidante.
« Bonsoir, Tobi », répondit-elle. J’ai froid. Ecoute le gentleman en toi qui te demande de me laisser entrer. Je m’exécutai mécaniquement. Je me dégageai de l’embrasure de la porte et la fis pénétrer dans la pièce. J’actionnai l’interrupteur et la lumière jaillit. Dieu était avec moi. Et avec tous ses désirs.
Au même moment, tout autour de nous redevient noir. Je ne sens plus la divine présence. La pluie a cessé. M’étais-je endormi ? Après avoir investi mes pensées, Ibukun établissait-elle ses quartiers dans mes rêves ?
Elle était de la race épicée de celles dont le regard pouvait engendrer en votre sein des fourmillements, nourrir vos plus grands fantasmes, vous faire rêver, tout simplement. Je l’ai appelée Ibukun. Quel autre nom aurait pu mieux exprimer toute la prestance qu’elle incarnait ? Ce qui m’accrochait le plus sur son corps, ce n’étaient pas ses yeux de félin, son cou gracile, la sveltesse de ses courbes appétissantes ou le mat de son teint suggestif. C’étaient ses lèvres. Somptueuses. Dispendieuses. Inaccessibles. Elles avaient quelque chose d’indicible et d’indescriptible. Les traits en étaient si fins que l’on penserait à l’arête d’une figure géométrique. Et elles n’étaient pas noires comme celles des princesses peuhles ni roses comme ces lèvres semblables au groin d’un petit cochon. Les siennes étaient un mélange d’amour et de passion enfiévrées : rouge. Ce qui me subjuguait encore, c’étaient leurs extensions – un long trait qui allaient jusqu’à ses fossettes, et qui donnaient l’impression que ma Mona Lisa nago souriait continuellement. Tout cela imposait le silence. Celui-là même qui tait vos sens devant un chef-d’œuvre, et qui exige de vous vénération et admiration. Quand je les regardais, je ne pouvais chasser toutes les folies dont je les faisais auteures. C’est à croire que Dieu, dans son ineffable imagination voulait en faire l’être, sinon le plus parfait, le plus singulier qui soit, et que de ce fait, il l’avait habitée. Subtilement. Sublimement. Dieu est une femme. Dieu est Ibukun.
Ibukun, en plus de ses grandes capacités intellectuelles ainsi que ses manières atypiques, était belle – elle le savait – d’une beauté originale, mesurée. J’ai reçu l’appel de la déesse dans le noir d’une nuit douce dont le calme n’était perturbé que par le chant des grillons. D’une manière des plus singulières, à la manière de personnes qui s’épient et qui se découvrent enfin, prenant les étoiles à témoin, elle a voulu me « familiariser » avec la lumière : elle. Dès lors, j’étais devenu dévot, fanatique fervent de ma déesse. D’ailleurs, il m’incombait de construire la suite de la divine relation. Au fur et à mesure que passaient les jours, ma foi inébranlable décuplait, mon zèle grandissait. Je rivalisais d’ardeurs et de prévenances au quotidien afin d’entourer mon divin personnage de toute la gloire qui lui est dévolue. Le problème, toutefois, était que ma foi ne siégeait pas en mon cœur comme avec les autres divinités. Ibukun était dans ma tête. Constamment. Etait-ce là sa façon de manifester sa jalousie ? Dieu était jaloux, en effet. Ibukun m’empêchait de penser à autre chose, si ce n’était sa présence que je voulais éternelle, et l’expression de sa féminité. Si les choses sont allées très bien entre nous ? Si je me suis vite attacher à elle ? J’étais le fidèle parfait, l’être pur qui méritait enfin la visitation du Seigneur. Lui-même !
C’était la saison des pluies. La brise coulait lentement sur le fleuve situé près de mon gîte et venait caresser mon torse nu.
Avant de me retirer dans ma chambre, je suis resté sur le balcon à contempler les gens qui s’empressaient de vite rentrer chez eux, se mettre à l’abri de cette averse qui s’annonçait torride. La pluie ! Enfant, je souhaitais qu’il plût continument. Cela me dispensais des travaux domestiques. De ce fait, je pouvais dormir pendant longtemps sans craindre d’être interrompu ou, quand ma mère était de sortie, patauger dans la gadoue. En grandissant, la perspective de me salir ne m’égayait plus. J’avais remplacé cette envie par une autre, un peu plus osée, plus superstitieuse. J’avais besoin d’être au chaud, cerné de bras féminins qui me prodigueraient un plaisir immarcescible. Je souris et chassai vite cette idée. J’avais besoin de m’endormir.
J’ouvris les yeux. Il me sembla que l’on avait frappé à la porte. Je me levai du lit, maugréant toute ma colère. Qui pouvait oser me sortir de ce sommeil aux émanations oniriques ? J’ouvris la porte. Mes yeux encore lourds de sommeil m’empêchaient d’identifier les traits de mon visiteur. Je n’eus besoin cependant que de quelques minutes pour me rendre compte qu’il s’agissait d’une femme, une intruse qui venait partager mon repos ou le déranger. La silhouette me faisait dos, entièrement mouillée par la pluie impitoyable. Ses vêtements lui collant à la peau, je pouvais aisément deviner les chutes de ses bassins qui descendaient sur un postérieur élégamment assorti en forme de demi-cercle. Quel galbe provocant ! me dis-je. Je voyais mieux. J’étais libéré de l’emprise somnifère qui s’était emparée de moi.
« Bonsoir », fis-je, la voix grave. Elle se retourna. Lentement. Je découvris des sourcils fournis et joliment taillés – l’arc de Cupidon – que ses yeux luisants mettaient si bien relief. Elle me sourit. Dans le transport nitescent d’une dentition parfaite. J’étais interdit. C’était elle. C’était Ibukun. Ma déesse. Mon Aphrodite. Ma Vénus nago. Plus belle, d’une innocence intimidante.
« Bonsoir, Tobi », répondit-elle. J’ai froid. Ecoute le gentleman en toi qui te demande de me laisser entrer. Je m’exécutai mécaniquement. Je me dégageai de l’embrasure de la porte et la fis pénétrer dans la pièce. J’actionnai l’interrupteur et la lumière jaillit. Dieu était avec moi. Et avec tous ses désirs.
Au même moment, tout autour de nous redevient noir. Je ne sens plus la divine présence. La pluie a cessé. M’étais-je endormi ? Après avoir investi mes pensées, Ibukun établissait-elle ses quartiers dans mes rêves ?