Le mystère de la panthère

2127, Himalaya
 

-C'est impossible, on ne trouvera jamais ! se lamenta Lowen. Cela fait 6 mois qu'on cherche et nous n'avons encore rien découvert, pas même une preuve que l'espèce ne serait pas totalement éteinte !
-C'est vrai que c'est un peu décourageant, j'en conviens, mais nous n'avons pas tout exploré, répondit Altéa avec un entrain forcé.
-De toutes façons, poursuivit Lowen, on nous avait prévenus que c'était peine perdue. 
- Ne dis pas ça ! On n'a pas encore relevé tous les pièges photos. On est presque arrivés au dernier emplacement. 
Le reste de la marche se fit en silence, chacun étant perdu dans ses pensées. Ils arrivèrent bientôt au pied d'une corniche qu'ils contournèrent de manière à passer derrière le piège photographique, pour que celui-ci ne se déclenche pas. Après l'avoir récupéré, ils amorcèrent la descente en rappel précautionneusement. Le vent soufflait fort, et il faisait -36°C mais grâce à leurs combinaisons thermo-régulatrices le froid ne se faisait pas plus ressentir que ça. Arrivés en bas de la crête, Lowen et Altéa se détachèrent et poursuivirent leur chemin vers leur abri. Ils avaient beau être protégés de la température glaciale, la fatigue n'en était pas diminuée. Et c'est essoufflés et en sueur qu'ils entrèrent dans le refuge qu'ils avaient aménagé confortablement. Il faut dire que les autres scientifiques avaient depuis longtemps perdu espoir que la panthère des neiges ait survécu à l'extinction de masse qui avait eu lieu 50 ans plus tôt. Depuis cet épisode tragique de l'histoire de notre planète qui avait vu plus de la moitié de la biodiversité disparaître, plus personne n'avait vu de félin de cette espèce. Mais c'est pour confirmer officiellement que la Panthera Uncia Uncioides s'était éteinte que l'on avait envoyé 2 jeunes scientifiques sur le terrain, avec le matériel adéquat et de la motivation, ce qui était indispensable vu l'ampleur de la tâche à accomplir. Car Lowen et Altéa s'étaient portés volontaires pour cette mission, sans mentionner qu'ils étaient intimement convaincus que l'espèce ne s'était pas encore totalement éteinte et ils avaient entrepris de « fouiller » toute l'Himalaya au peigne fin pour trouver ne serait-ce qu'une trace laissée par une panthère. Ils avaient donc aménagé le plus confortablement possible leur « repaire » où ils visionnaient les prises des pièges photographiques et se reposaient après de longues excursions. Ils avaient pour habitude de chercher, parfois pendant plusieurs jours voire semaines, des lieux qu'ils pensaient propices au passage d'une panthère. Une fois l'endroit trouvé et les pièges posés, les jeunes chercheurs ne passaient plus à proximité pendant 1 à 2 mois, durant lesquels ils posaient d'autres pièges à d'autres endroits, etc... jusqu'ici, Lowen et Altéa avaient relevé plus d'une dizaine de fois leurs appareils et n'avaient rien découvert, si ce n'est un groupe de drongs et des vautours. Ce jour-là, pourtant, le visionnage des images ne fut pas aussi décevant qu'attendu : sur la dernière photo, une trace, une empreinte à n'en point douter, se détachait sur la neige fraîche ! Cette prise datait de 2 semaines seulement, il ne fallait pas perdre de temps ! Ils envoyèrent le cliché au centre de recherches pour qui ils travaillaient qui leur confirmèrent leur première impression : cette empreinte était bien celle d'une panthère des neiges ! L'espèce n'était donc pas éteinte, quel soulagement ! Les jeunes scientifiques se virent confier une nouvelle mission ; découvrir combien de spécimens avaient survécu. Il fut convenu qu'ils retourneraient le lendemain à l'endroit de la trace pour récolter le maximum d'informations sur la panthère qui était passée là.
 

Le lendemain, Lowen et Altéa partirent de bonne heure vers l'endroit où leur piège s'était actionné avec le sentiment d'avoir bouleversé le monde, car ce n'était qu'une question d'heures avant que le monde entier soit au courant. Ils s'imaginaient déjà passer à la télé et raconter leurs longues recherches qui s'étaient vues couronnées de succès à la vue de cette empreinte qui à elle seule remettait en question toutes les théories selon lesquelles les grands félins et autres animaux qui inspiraient l'émerveillement autrefois étaient aujourd'hui éteints. L'espoir gagnerait alors tout le monde et des recherches auraient lieu sur d'autres continents et qui sait ce qu'on découvrirait...
- On est presque arrivés, annonça Altéa. Observons d'abord le terrain aux jumelles puis nous irons l'explorer.
Ils s'installèrent dans la neige, suspendirent leur voile de camouflage et observèrent. Leurs jumelles ayant un grossissement x100 et n'étant pas très loin, ils purent regarder dans les moindres détails ce replat et découvrirent toute une série d'empreintes qui n'étaient pas apparues sur leur piège. Curieux d'en savoir davantage, Lowen et Altéa se dirigèrent vers cette fameuse crevasse et en arrivant, quelle ne fut pas leur surprise en découvrant dans le renfoncement.... le cadavre d'une panthère des neiges  ! Prenant quelques clichés de l'animal, ils rentrèrent bouleversés et contactèrent le centre de recherches qui leur exposa une bien triste hypothèse : peut-être ce cadavre était-il le fruit d'un braconnage, et que cette activité illégale n'avait jusque-là jamais été dérangée dans son commerce, tout le monde pensant l'espèce disparue. Si c'était le cas, alors, le braconnier ayant remarqué le piège photo, aurait supprimé toutes les prises de ce dernier pour faire croire l'espèce éteinte mais en aurait oublié une, ce qui l'aurait trahi. Il ne pouvait pas voler le piège, celui-ci étant équipé d'un traceur évitant d'égarer du matériel onéreux. Il aurait laissé le cadavre sur place, attendant de le dépecer. Dévastés par cette terrible supposition, Lowen et Altéa se firent une priorité de trouver les braconniers. 
Durant des mois qui devinrent 2 ans, ils cherchèrent sans relâche mais ils ne trouvèrent ni braconniers, ni panthères. 
C'est ainsi que l'espèce fut déclarée éteinte.
 
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