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- Relation De Famille
Est-ce que c'est possible ça : un coup de foudre entre un tout petit minot et un type de 27 ans comme moi ? Sinon comment appeler cette seconde fulgurante où le môme et moi on s'est appareillé ?
D'abord, c'est sa mère que j'ai rencontrée. C'était un feu follet, du vif-argent, toujours à pirouetter, à danser. On s'est croisés un soir de 14 juillet et, je peux le dire, c'est elle qui est venue me chercher. Enfin, elle n'a pas eu beaucoup d'efforts à faire. Tout de suite, elle m'est montée à la tête. On s'est revus, on s'est aimés. Et alors que ça matchait fort entre nous, voilà qu'elle m'annonce : « Il faut que tu saches que j'ai déjà quelqu'un dans ma vie. » Ça m'a douché. J'étais déjà bien mordu, mais j'ai fait le type au-dessus de tout ça, l'habitué des coups d'un soir, pourtant j'avais la gorge serrée. Et voilà qu'elle ajoute : « Viens, je vais te le présenter. » Alors là, je retrouve mes esprits, je décline. « Je ne sais pas quel plan foireux tu as en tête mais ce sera sans moi. » Et pourtant, elle insiste, me tire, m'entraîne. Je me fais honte mais je ne parviens pas à tourner les talons. On monte à son appartement, elle ouvre doucement, me fait signe, un doigt sur la bouche et pousse la porte d'une chambre. « Le voilà, l'homme de ma vie ! » dit-elle en se penchant vers un bébé assis sur une couverture. Là, j'hésite entre le soulagement et l'embarras. Un mouflet ? C'est sûr, ce n'est pas le plan que j'avais craint mais quand même, je ne suis pas dans un projet d'engagement moi. Elle me fait signe d'approcher. Je contourne le tapis. Et je me retrouve face au minot. Il me regarde. De grands yeux sérieux qui m'examinent. Peut-être que je me suis approché trop près, mais l'enfant doit lever la tête si haut que, déséquilibré, le voilà qui part à la renverse ! Je plonge vers le tapis, l'arrête au ras du sol. Passé l'effet de surprise, le petit môme se met à rire... à rire ! D'un rire léger, cascadant, si frais que moi aussi, il m'entraîne dans son rire. Et nous voilà, tous les deux, à rire d'un bonheur qu'on ne sait pas dire, d'une joie inconnue. Je me suis assis sur le tapis à ses côtés et j'ai su que quelque chose de beau venait de m'arriver. C'est comme ça que le môme et moi, on s'est reconnus, pour ainsi dire.
Sa mère était contente. Elle a dit : « Ça commence bien, vous deux ! »
Mine de rien, j'ai demandé où était le père. Elle a répondu avec un haussement d'épaules : « Inconnu au bataillon ! » Et ça m'a rudement soulagé.
« C'était l'été d'après le bac, un été chaud ! Et il y en a eu, des garçons de passage... alors, lequel m'a laissé ce souvenir ? J'aime mieux dire que cet enfant, je l'ai fait toute seule. »
Et ensuite tout a roulé à la perfection.
Le môme avait treize mois quand il est entré dans ma vie et très vite, je les ai ressentis comme un manque, ces mois sans lui. On avait du contentement à se retrouver, lui et moi. Il a fait ses premiers pas entre mes bras. Sa mère lui a dit : « C'est Gaspard. » Et il a répété : Papa »... Alors elle a dit : « Pas papa, Gaspard. » Et lui à nouveau : « Pa-pa... pa-pa. » Et on riait tous les trois, mais je dois dire que ces petites syllabes chantonnées m'avaient complètement tourneboulé. Et comme si le môme avait compris que ce petit mot, je le convoitais, le savourais, il redisait inlassablement : « papa... papa... » Et puis sa mère a retrouvé le besoin de sortir avec les copines. Moi, ça ne me gênait pas. J'avais le môme. Elle disait que j'étais une super nounou. Elle avait tenu à garder son minuscule appartement, mais je l'avais convaincue de s'installer chez moi, où il y avait un jardin, de grandes pièces où on partait à l'aventure. Le môme adorait ça. Il ne pleurait jamais quand sa mère s'en allait. Il lui soufflait de petits baisers puis on s'installait tous les deux. Tout l'amusait. Il grandissait.
À trois ans, il a fait sa première rentrée. On l'a accompagné comme une vraie famille. Il était curieux de tout. Il aimait parler à cœur ouvert. C'était le soir surtout, quand la lampe était éteinte que notre complicité était la plus belle. Je le portais à la fenêtre, on scrutait la nuit, on regardait les étoiles. Le môme voulait tout savoir. Comme j'aimais ses questions que je ne m'étais jamais posées ! Et si la terre arrêtait de tourner ? Est-ce qu'on était en haut de la balle pour s'accrocher ou est-ce qu'on allait tomber au fond du ciel ? Voler, peut-être. Et la pluie, où elle s'arrêtait la pluie ? On l'a cherché plus d'une fois, ce lieu où on se serait trouvé entre pluie et soleil. Un bras de chaque côté, il disait. Et les poissons, quand ils sont tristes, comment ils font pour pleurer dans l'eau ? Comme j'ai aimé cette période d'enfance. En grandissant, les conversations ont été plus profondes. J'oserais dire essentielles. Avec lui, je réalisais ma chance d'être vivant. Sa mère avait repris ses virées de feu follet et elle nous félicitait de ne pas lui compliquer la vie. Tout le monde nous connaissait. J'emmenais le môme à l'école. S'il y avait un problème, on m'appelait. L'année de son CP a été une année magique. Il croyait dur comme fer au père Noël, aux contes de fées. Je ne m'interrogeais plus depuis bien longtemps sur les liens qui nous unissaient. Il était mon môme et j'étais son père. Qu'importait l'état civil, les gènes et compagnie.
Alors quand sa mère a plié bagage avec lui sans crier gare, je suis resté KO debout ! Déchiré ! On venait de fêter ses sept ans. Trois nuits de camping sauvage. On était partis tous les deux. Il tenait à porter lui-même son sac à dos. J'avais installé la tente sur une crête vosgienne. On avait dormi à la belle étoile, auprès du feu que j'avais alimenté toute la nuit pour qu'il ne prenne ni froid ni peur. On avait recensé des plantes, roulé dans la pente herbeuse. Capturé des sauterelles – mais pas de papillons, ils sont trop fragiles, les papillons –, qu'on avait vite relâchées. Et puis, on était rentrés, heureux comme des princes.
Le lendemain, elle m'annonçait par mail qu'elle était partie, non pas quelques jours chez sa mère comme elle me l'avait laissé croire, mais définitivement. Elle allait voir ailleurs, comme ça, parce qu'elle avait la bougeotte. Où partaient-ils ? Le hasard le dirait. À l'étranger probablement. La Norvège peut-être ou le Portugal... Qui sait ? Elle suivrait sa pente...
Je suis devenu comme fou. J'ai déposé plainte pour enlèvement d'enfant. Elle ne pouvait pas disparaître comme ça, avec mon môme. J'avais des droits, non ?
Non.
Les démarches administratives me l'ont bien montré. Le môme ne portait pas mon nom. Chaque fois que j'avais proposé de l'adopter officiellement, elle répondait : « On verra plus tard, c'est lui qui choisira. » Pas de reconnaissance de paternité. La famille ? J'étais hors de tous les circuits. Elle avait toujours refusé de me présenter à sa mère ou à ses proches. J'étais un inconnu pour tous. Ses amies au moins, elles, me connaissaient. Effectivement, elles répétèrent la même chanson : j'étais, à leurs dires, une super nounou, pas trop chère et fiable ! Restait notre résidence. Nous vivions ensemble, ça au moins j'allais pouvoir le prouver. Eh bien, non ! « Madame ne vivait pas à l'adresse que vous mentionnez. Tous ses papiers officiels ont toujours été envoyés à une seule adresse : la sienne. » Ah ! Elle avait bien verrouillé tous les accès, et moi, tellement dingue du môme, tellement père du môme, je ne m'étais pas méfié pour un sou. Avait-elle pris ombrage de notre amour ? J'ai sombré dans un chagrin noir. J'avais remué ciel et terre : en vain ! Je coulais à pic...
Et puis j'ai compris que je n'avais pas l'attitude d'un père ! Non, je n'avais pas remué ciel et terre : j'avais seulement cogné aux portes closes des administrations aveugles. Mais j'allais m'y atteler. Je fouillerais toute la planète, s'il le fallait. Et mon môme et moi, on finirait par se réunir...
Parce qu'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que lui aussi, il a déjà commencé à tout remuer pour me retrouver.
D'abord, c'est sa mère que j'ai rencontrée. C'était un feu follet, du vif-argent, toujours à pirouetter, à danser. On s'est croisés un soir de 14 juillet et, je peux le dire, c'est elle qui est venue me chercher. Enfin, elle n'a pas eu beaucoup d'efforts à faire. Tout de suite, elle m'est montée à la tête. On s'est revus, on s'est aimés. Et alors que ça matchait fort entre nous, voilà qu'elle m'annonce : « Il faut que tu saches que j'ai déjà quelqu'un dans ma vie. » Ça m'a douché. J'étais déjà bien mordu, mais j'ai fait le type au-dessus de tout ça, l'habitué des coups d'un soir, pourtant j'avais la gorge serrée. Et voilà qu'elle ajoute : « Viens, je vais te le présenter. » Alors là, je retrouve mes esprits, je décline. « Je ne sais pas quel plan foireux tu as en tête mais ce sera sans moi. » Et pourtant, elle insiste, me tire, m'entraîne. Je me fais honte mais je ne parviens pas à tourner les talons. On monte à son appartement, elle ouvre doucement, me fait signe, un doigt sur la bouche et pousse la porte d'une chambre. « Le voilà, l'homme de ma vie ! » dit-elle en se penchant vers un bébé assis sur une couverture. Là, j'hésite entre le soulagement et l'embarras. Un mouflet ? C'est sûr, ce n'est pas le plan que j'avais craint mais quand même, je ne suis pas dans un projet d'engagement moi. Elle me fait signe d'approcher. Je contourne le tapis. Et je me retrouve face au minot. Il me regarde. De grands yeux sérieux qui m'examinent. Peut-être que je me suis approché trop près, mais l'enfant doit lever la tête si haut que, déséquilibré, le voilà qui part à la renverse ! Je plonge vers le tapis, l'arrête au ras du sol. Passé l'effet de surprise, le petit môme se met à rire... à rire ! D'un rire léger, cascadant, si frais que moi aussi, il m'entraîne dans son rire. Et nous voilà, tous les deux, à rire d'un bonheur qu'on ne sait pas dire, d'une joie inconnue. Je me suis assis sur le tapis à ses côtés et j'ai su que quelque chose de beau venait de m'arriver. C'est comme ça que le môme et moi, on s'est reconnus, pour ainsi dire.
Sa mère était contente. Elle a dit : « Ça commence bien, vous deux ! »
Mine de rien, j'ai demandé où était le père. Elle a répondu avec un haussement d'épaules : « Inconnu au bataillon ! » Et ça m'a rudement soulagé.
« C'était l'été d'après le bac, un été chaud ! Et il y en a eu, des garçons de passage... alors, lequel m'a laissé ce souvenir ? J'aime mieux dire que cet enfant, je l'ai fait toute seule. »
Et ensuite tout a roulé à la perfection.
Le môme avait treize mois quand il est entré dans ma vie et très vite, je les ai ressentis comme un manque, ces mois sans lui. On avait du contentement à se retrouver, lui et moi. Il a fait ses premiers pas entre mes bras. Sa mère lui a dit : « C'est Gaspard. » Et il a répété : Papa »... Alors elle a dit : « Pas papa, Gaspard. » Et lui à nouveau : « Pa-pa... pa-pa. » Et on riait tous les trois, mais je dois dire que ces petites syllabes chantonnées m'avaient complètement tourneboulé. Et comme si le môme avait compris que ce petit mot, je le convoitais, le savourais, il redisait inlassablement : « papa... papa... » Et puis sa mère a retrouvé le besoin de sortir avec les copines. Moi, ça ne me gênait pas. J'avais le môme. Elle disait que j'étais une super nounou. Elle avait tenu à garder son minuscule appartement, mais je l'avais convaincue de s'installer chez moi, où il y avait un jardin, de grandes pièces où on partait à l'aventure. Le môme adorait ça. Il ne pleurait jamais quand sa mère s'en allait. Il lui soufflait de petits baisers puis on s'installait tous les deux. Tout l'amusait. Il grandissait.
À trois ans, il a fait sa première rentrée. On l'a accompagné comme une vraie famille. Il était curieux de tout. Il aimait parler à cœur ouvert. C'était le soir surtout, quand la lampe était éteinte que notre complicité était la plus belle. Je le portais à la fenêtre, on scrutait la nuit, on regardait les étoiles. Le môme voulait tout savoir. Comme j'aimais ses questions que je ne m'étais jamais posées ! Et si la terre arrêtait de tourner ? Est-ce qu'on était en haut de la balle pour s'accrocher ou est-ce qu'on allait tomber au fond du ciel ? Voler, peut-être. Et la pluie, où elle s'arrêtait la pluie ? On l'a cherché plus d'une fois, ce lieu où on se serait trouvé entre pluie et soleil. Un bras de chaque côté, il disait. Et les poissons, quand ils sont tristes, comment ils font pour pleurer dans l'eau ? Comme j'ai aimé cette période d'enfance. En grandissant, les conversations ont été plus profondes. J'oserais dire essentielles. Avec lui, je réalisais ma chance d'être vivant. Sa mère avait repris ses virées de feu follet et elle nous félicitait de ne pas lui compliquer la vie. Tout le monde nous connaissait. J'emmenais le môme à l'école. S'il y avait un problème, on m'appelait. L'année de son CP a été une année magique. Il croyait dur comme fer au père Noël, aux contes de fées. Je ne m'interrogeais plus depuis bien longtemps sur les liens qui nous unissaient. Il était mon môme et j'étais son père. Qu'importait l'état civil, les gènes et compagnie.
Alors quand sa mère a plié bagage avec lui sans crier gare, je suis resté KO debout ! Déchiré ! On venait de fêter ses sept ans. Trois nuits de camping sauvage. On était partis tous les deux. Il tenait à porter lui-même son sac à dos. J'avais installé la tente sur une crête vosgienne. On avait dormi à la belle étoile, auprès du feu que j'avais alimenté toute la nuit pour qu'il ne prenne ni froid ni peur. On avait recensé des plantes, roulé dans la pente herbeuse. Capturé des sauterelles – mais pas de papillons, ils sont trop fragiles, les papillons –, qu'on avait vite relâchées. Et puis, on était rentrés, heureux comme des princes.
Le lendemain, elle m'annonçait par mail qu'elle était partie, non pas quelques jours chez sa mère comme elle me l'avait laissé croire, mais définitivement. Elle allait voir ailleurs, comme ça, parce qu'elle avait la bougeotte. Où partaient-ils ? Le hasard le dirait. À l'étranger probablement. La Norvège peut-être ou le Portugal... Qui sait ? Elle suivrait sa pente...
Je suis devenu comme fou. J'ai déposé plainte pour enlèvement d'enfant. Elle ne pouvait pas disparaître comme ça, avec mon môme. J'avais des droits, non ?
Non.
Les démarches administratives me l'ont bien montré. Le môme ne portait pas mon nom. Chaque fois que j'avais proposé de l'adopter officiellement, elle répondait : « On verra plus tard, c'est lui qui choisira. » Pas de reconnaissance de paternité. La famille ? J'étais hors de tous les circuits. Elle avait toujours refusé de me présenter à sa mère ou à ses proches. J'étais un inconnu pour tous. Ses amies au moins, elles, me connaissaient. Effectivement, elles répétèrent la même chanson : j'étais, à leurs dires, une super nounou, pas trop chère et fiable ! Restait notre résidence. Nous vivions ensemble, ça au moins j'allais pouvoir le prouver. Eh bien, non ! « Madame ne vivait pas à l'adresse que vous mentionnez. Tous ses papiers officiels ont toujours été envoyés à une seule adresse : la sienne. » Ah ! Elle avait bien verrouillé tous les accès, et moi, tellement dingue du môme, tellement père du môme, je ne m'étais pas méfié pour un sou. Avait-elle pris ombrage de notre amour ? J'ai sombré dans un chagrin noir. J'avais remué ciel et terre : en vain ! Je coulais à pic...
Et puis j'ai compris que je n'avais pas l'attitude d'un père ! Non, je n'avais pas remué ciel et terre : j'avais seulement cogné aux portes closes des administrations aveugles. Mais j'allais m'y atteler. Je fouillerais toute la planète, s'il le fallait. Et mon môme et moi, on finirait par se réunir...
Parce qu'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que lui aussi, il a déjà commencé à tout remuer pour me retrouver.
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Pourquoi on a aimé ?
On ne choisit pas sa famille ; et même quand on pense en choisir une de substitution, est-ce vraiment par choix ? Est-ce qu’elle ne s’impose pas
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Pourquoi on a aimé ?
On ne choisit pas sa famille ; et même quand on pense en choisir une de substitution, est-ce vraiment par choix ? Est-ce qu’elle ne s’impose pas