Ça a duré une bonne minute. Une vraie minute. Une éternité.
Leurs destins étaient liés. Il fallait à tout prix le rejoindre mais la manière pour y parvenir lui manquait. Seule la patience allait combler le vide qu'il a laissé.
Ce fut l'année la plus pénible et la plus lourde dans le cœur d'Abu Bakr. Mais il tentait à tout prix de contenir ses larmes. Il ne bronchait pas, sa tête demeurait implacable alors que les dernières paroles de son ami bien aimé resonnaient sans cesse dans sa tête. Il se souvint de cette phrase qui était tombé telle une sentence : « Il se peut que vous ne me rencontriez pas après cette année-ci ! ».
Une amitié comme celle-là ne se produit qu'une fois dans l'histoire de l'humanité. Ils s'étaient mutuellement apprivoisés l'un de l'autre.
« Tu étais pour moi unique au monde. J'étais pour toi unique au monde. Oh mon ami ! Comme tu avais un cœur pur et simple. Tu avais l'âme d'une fleur, chaque mot traversant ta saine bouche venait effleurer nos consciences avec douceur pour en écarter toute mauvaise pensée. »
Dans l'état funeste ou Abu Bakr se trouvait, il était difficile pour lui de sortir de chez lui ce jour-là. Il ne voulait point montrer aux gens qu'il souffrait encore de la perte de son ami. Son esprit était tellement rempli par les souvenirs qu'il a laissé. Il se rappela ses paroles du temps de son vivant : « Et si j'avais dû prendre un ami intime, autre que mon Seigneur, alors j'aurais choisi Abu Bakr. »
Est-ce ce privilège qui ajoutait un poids à sa douleur ? Peut-être que s'ils n'avaient pas été aussi intimes, il ne souffrirait pas autant. Mais quel plus beau cadeau que d'être l'ami intime du Prophète de l'humanité. Beaucoup de gens ne le savent pas, mais en vérité il n'a pas de pair.
À l'aube de ce fameux lundi ou Muhammad devait mourir, lorsqu'il a levé le rideau de sa chambre pour regarder ses compagnons, ça a duré une bonne minute pour Abu Bakr. Il fut saisi par la dernière lueur sur le visage de son ami. Une lueur éternelle. Il eut pourtant le choix, il pouvait rester dans ce bas monde mais il préféra la rencontre de son Seigneur.
Pour dissiper son chagrin, Abu Bakr s'en remettait au Tout-Miséricordieux. Il coucha toutes ses peines sur son tapis de prière, prosterné et immobile, mais son âme courait vers la lumière divine. Il communiquait avec Dieu car il savait pertinemment qu'Il est Vivant et ne meurs pas.
Il entendit la voix de Aicha, sa fille et l'épouse de Muhammad, elle s'inquiétait pour son père car elle savait qu'une part en lui était sensible, mais elle n'ignorait pas l'autre part vaillante et courageuse. Elle venait assez souvent lui rendre visite. Abu Bakr eut le sourire aux lèvres car il se souvint encore une fois de son ami. Il dit au fond de lui : « Soubnan Allah ! Tout ce qui m'entoure ravive ton souvenir en moi mon cher ami, même la venue de ma fille. Ta parole est véridique lorsque tu as dit de ne pas détester les filles, car elles sont les compagnes agréables et chères ».
Mais il fut rapidement rattrapé par ses obligations en tant que calife. Il avait pour devoir de s'assurer de l'unité de la communauté. Or des tensions commençaient à apparaitre lorsque certaines tribus arabes s'apostasièrent. Il enfila sa tunique et sorti dans les rues de Médine. Il devait métriser cela de main ferme.
Ainsi j'ai voulu transmettre cette histoire basée sur des personnages qui ont réellement existé mais enrobé par des éléments fictionnels. Je voulais juste parler d'amitié, de sincérité et de fidélité qui sont pour moi les plus grands trésors de l'éternité.