Toute sa vie avait mené à cet instant. Elle était à un tir d’accomplir ses rêves.
Dès sa plus tendre enfance, elle avait toujours aimé la glace. Ses parents ne l’avaient pas bridée et ils l’avaient toujours soutenue. Forcément, alors que les autres petites filles se lançaient dans le patinage artistique, la voir bifurquer vers le hockey sur glace avait été une surprise. Mais Amandine se donnait vraiment à fond. Ses parents avaient bien tenté au début de la réorienter vers quelque chose de moins masculin. Les préjugés avaient la vie dure même quand on voulait garder l’esprit ouvert. Avant de finir par reconnaitre que le principal était qu’elle s’y épanouisse.
Très tôt, Amandine avait eu pour projet de vivre de sa passion. A l’âge où ses amies faisaient des soirées pyjamas et commençaient à flirter avec des garçons, Amandine, elle, passait des heures à la patinoire à s’entrainer inlassablement. Tirer des palets, slalomer, prendre de la vitesse, se retourner, arriver à se déplacer avec le palet au bout de sa crosse. Ses entraineurs ne la ménageaient pas, ils voyaient tout le potentiel qui était en elle. Et puis Amandine était demandeuse, elle ne rechignait jamais à poursuivre ses exercices.
C’est ainsi qu’elle rejoignit l’équipe de sa ville, Les brûleuses de loup, l’équipe de Grenoble. D’abord en junior avant de grimper peu à peu les marches. Amandine n’avait aucun regret, tout ce qu'elle avait fait n'avait qu'un seul objectif, celui de devenir un jour une professionnelle. Être repérée et avoir l’honneur de rejoindre l’équipe de France féminine. Elle trouvait détestable le peu de considération du public ou des sponsors pour les Brûleuses de loup. Contrairement à l’équipe masculine qui était sous les feux de la rampe.
Même si Amandine avait fini par accepter cette différence de traitement, elle ne manquait jamais une occasion de prouver qu’elle et ses camarades se donnaient autant de mal que leurs homologues masculins. Le temps faisait peu à peu son œuvre et les mentalités changeaient, trop lentement pour Amandine mais quand même.
Ce soir-là, la patinoire était pleine, le derby contre Chambéry avait attiré du monde et les deux équipes avaient de nombreux supporters dans les tribunes. L’entraineur avait aussi annoncé à Amandine que dans le public, un sélectionneur de renom était présent. C’était la chance de sa vie, elle ne devait pas la rater. Amandine était la capitaine depuis le début de cette saison, et son équipe avait de très bons résultats. Une victoire pouvait même les mettre en tête du championnat. Peut-être que les sponsors en viendraient même à les soutenir et leur permettre de devenir enfin professionnelles.
Le score était à égalité et aucune des deux équipes n’arrivait à prendre le large. Les secondes s’égrenaient sur le tableau d’affichage. Amandine maniait la crosse autour du palet cherchant une ouverture pour partir en attaque. Elle envoya le palet vers une de ses équipières. En plein vol, celui-ci fut intercepté par une joueuse de Chambéry qui se mit en mouvement vers la cage des brûleuses.
Tête baissée, les joues en feu d’avoir raté ce tir, Amandine se mit à la poursuite de la joueuse. Elle hurla des ordres à ses coéquipières tout en accélérant. En quelques coups de patins, elle se retrouva aux côtés de la joueuse de Chambéry. D’un petit mouvement d’épaule, elle modifia la trajectoire de la joueuse, assez pour que celle-ci laisse échapper le palet qu’Amandine reprit sous sa crosse. Elle leva la tête et regarda ses coéquipières. La transmission s’avérait compliquée. D’un coup d’œil rapide Amandine vit le temps restant.
Elle bascula et se propulsa en avant, poussant le palet de sa crosse. Elle dribbla une Chambérienne, coupa son élan pour faire un écart et en esquiver une autre. Les cages de l’équipe adverse s’approchaient,
Amandine était seule face à une dernière joueuse en défense. Elle regarda alentour, il lui était toujours impossible de transmettre le palet. Elle devait passer cette joueuse et tenter un tir, c’était la dernière chance de pouvoir gagner ce soir.
Amandine osa une feinte mais la joueuse face à elle ne se laissa pas tromper, bloquant le palet. Leurs deux crosses se choquèrent bruyamment. Amandine sentait la poussée de son adversaire. Les deux jeunes femmes étaient de force équivalente, personne ne semblait pouvoir prendre l’avantage.
Amandine se retourna et présenta son dos à son adversaire. D’un élan en arrière elle percuta la défenseuse. Celle-ci perdit l’équilibre, entrainant Amandine vers l’arrière. Dans un mouvement réflexe, Amandine fit passer le palet sur le côté et alors qu’elle trébuchait, elle arriva à éviter la chute, mordant dans ce qu’elle pensait être la glace. Elle se retourna face à la cage et à la gardienne de Chambéry.
Tout d’un coup Amandine entendit un bruit strident. Elle pensa immédiatement que le temps était terminé, mais ça n’était pas la corne de brume habituelle. Elle se figea net, le palet sous sa crosse.
Toute sa vie avait mené à cet instant. Elle était à un tir d’accomplir ses rêves.
Amandine était sur le point d’armer son bras, quand elle se rendit compte que le son venait de derrière elle. Précisément de la gorge de la Chambérienne au sol. Amandine se retourna, et remarqua la flaque rouge brillant qui s’épanouissait sous elle. Telle une rose en train de s’ouvrir au printemps.
Amandine avait alors le choix entre deux décisions, tirer son palet et accomplir son rêve ou interrompre son geste et aider la jeune femme en train de se vider de son sang sur la glace. Dans la tête d’Amandine toutes les années de sacrifices vinrent se percuter. Toutes les sorties qu’elle n’avait pas faites. Les petits copains qu’elle n’avait pas eus. Les blessures, les bleus, les contusions, les fractures. Et son rêve, le rêve à portée de patins. A un tir, car elle en était sûre, elle s’était tellement entrainée, si elle l’envoyait, le palet finirait au fond.
Amandine jeta sa crosse, retira ses gants et se rendit auprès de la jeune Chambérienne. Elle remarqua que son propre patin gauche était couvert de sang. Et elle vit la jambe de la joueuse, sa tenue proprement cisaillée et découpée par le tranchant du patin. Sans le vouloir elle avait pris appui sur la jambe de son adversaire quand elle avait failli tomber. Amandine fit un point de compression et hurla qu’on fasse venir un médecin pour s’occuper de la joueuse.
Le match fut interrompu et la joueuse transportée aux urgences. Amandine et les autres joueuses attendirent dans les vestiaires, les deux équipes réunies ensemble. Quand les bonnes nouvelles arrivèrent, les deux équipes se congratulèrent et tout le monde félicita Amandine de son geste. Elle ne fut pas professionnelle ce soir-là, mais elle devint une star occupant pendant plusieurs jours les médias par son acte héroïque et sportif envers son adversaire.
Malgré l’égalité, l’équipe des Brûleuses reçut de nombreuses propositions de sponsors à la suite de cet événement et pour Amandine ce fut un pas de plus sur le chemin pour rejoindre l’équipe de France.
Dès sa plus tendre enfance, elle avait toujours aimé la glace. Ses parents ne l’avaient pas bridée et ils l’avaient toujours soutenue. Forcément, alors que les autres petites filles se lançaient dans le patinage artistique, la voir bifurquer vers le hockey sur glace avait été une surprise. Mais Amandine se donnait vraiment à fond. Ses parents avaient bien tenté au début de la réorienter vers quelque chose de moins masculin. Les préjugés avaient la vie dure même quand on voulait garder l’esprit ouvert. Avant de finir par reconnaitre que le principal était qu’elle s’y épanouisse.
Très tôt, Amandine avait eu pour projet de vivre de sa passion. A l’âge où ses amies faisaient des soirées pyjamas et commençaient à flirter avec des garçons, Amandine, elle, passait des heures à la patinoire à s’entrainer inlassablement. Tirer des palets, slalomer, prendre de la vitesse, se retourner, arriver à se déplacer avec le palet au bout de sa crosse. Ses entraineurs ne la ménageaient pas, ils voyaient tout le potentiel qui était en elle. Et puis Amandine était demandeuse, elle ne rechignait jamais à poursuivre ses exercices.
C’est ainsi qu’elle rejoignit l’équipe de sa ville, Les brûleuses de loup, l’équipe de Grenoble. D’abord en junior avant de grimper peu à peu les marches. Amandine n’avait aucun regret, tout ce qu'elle avait fait n'avait qu'un seul objectif, celui de devenir un jour une professionnelle. Être repérée et avoir l’honneur de rejoindre l’équipe de France féminine. Elle trouvait détestable le peu de considération du public ou des sponsors pour les Brûleuses de loup. Contrairement à l’équipe masculine qui était sous les feux de la rampe.
Même si Amandine avait fini par accepter cette différence de traitement, elle ne manquait jamais une occasion de prouver qu’elle et ses camarades se donnaient autant de mal que leurs homologues masculins. Le temps faisait peu à peu son œuvre et les mentalités changeaient, trop lentement pour Amandine mais quand même.
Ce soir-là, la patinoire était pleine, le derby contre Chambéry avait attiré du monde et les deux équipes avaient de nombreux supporters dans les tribunes. L’entraineur avait aussi annoncé à Amandine que dans le public, un sélectionneur de renom était présent. C’était la chance de sa vie, elle ne devait pas la rater. Amandine était la capitaine depuis le début de cette saison, et son équipe avait de très bons résultats. Une victoire pouvait même les mettre en tête du championnat. Peut-être que les sponsors en viendraient même à les soutenir et leur permettre de devenir enfin professionnelles.
Le score était à égalité et aucune des deux équipes n’arrivait à prendre le large. Les secondes s’égrenaient sur le tableau d’affichage. Amandine maniait la crosse autour du palet cherchant une ouverture pour partir en attaque. Elle envoya le palet vers une de ses équipières. En plein vol, celui-ci fut intercepté par une joueuse de Chambéry qui se mit en mouvement vers la cage des brûleuses.
Tête baissée, les joues en feu d’avoir raté ce tir, Amandine se mit à la poursuite de la joueuse. Elle hurla des ordres à ses coéquipières tout en accélérant. En quelques coups de patins, elle se retrouva aux côtés de la joueuse de Chambéry. D’un petit mouvement d’épaule, elle modifia la trajectoire de la joueuse, assez pour que celle-ci laisse échapper le palet qu’Amandine reprit sous sa crosse. Elle leva la tête et regarda ses coéquipières. La transmission s’avérait compliquée. D’un coup d’œil rapide Amandine vit le temps restant.
Elle bascula et se propulsa en avant, poussant le palet de sa crosse. Elle dribbla une Chambérienne, coupa son élan pour faire un écart et en esquiver une autre. Les cages de l’équipe adverse s’approchaient,
Amandine était seule face à une dernière joueuse en défense. Elle regarda alentour, il lui était toujours impossible de transmettre le palet. Elle devait passer cette joueuse et tenter un tir, c’était la dernière chance de pouvoir gagner ce soir.
Amandine osa une feinte mais la joueuse face à elle ne se laissa pas tromper, bloquant le palet. Leurs deux crosses se choquèrent bruyamment. Amandine sentait la poussée de son adversaire. Les deux jeunes femmes étaient de force équivalente, personne ne semblait pouvoir prendre l’avantage.
Amandine se retourna et présenta son dos à son adversaire. D’un élan en arrière elle percuta la défenseuse. Celle-ci perdit l’équilibre, entrainant Amandine vers l’arrière. Dans un mouvement réflexe, Amandine fit passer le palet sur le côté et alors qu’elle trébuchait, elle arriva à éviter la chute, mordant dans ce qu’elle pensait être la glace. Elle se retourna face à la cage et à la gardienne de Chambéry.
Tout d’un coup Amandine entendit un bruit strident. Elle pensa immédiatement que le temps était terminé, mais ça n’était pas la corne de brume habituelle. Elle se figea net, le palet sous sa crosse.
Toute sa vie avait mené à cet instant. Elle était à un tir d’accomplir ses rêves.
Amandine était sur le point d’armer son bras, quand elle se rendit compte que le son venait de derrière elle. Précisément de la gorge de la Chambérienne au sol. Amandine se retourna, et remarqua la flaque rouge brillant qui s’épanouissait sous elle. Telle une rose en train de s’ouvrir au printemps.
Amandine avait alors le choix entre deux décisions, tirer son palet et accomplir son rêve ou interrompre son geste et aider la jeune femme en train de se vider de son sang sur la glace. Dans la tête d’Amandine toutes les années de sacrifices vinrent se percuter. Toutes les sorties qu’elle n’avait pas faites. Les petits copains qu’elle n’avait pas eus. Les blessures, les bleus, les contusions, les fractures. Et son rêve, le rêve à portée de patins. A un tir, car elle en était sûre, elle s’était tellement entrainée, si elle l’envoyait, le palet finirait au fond.
Amandine jeta sa crosse, retira ses gants et se rendit auprès de la jeune Chambérienne. Elle remarqua que son propre patin gauche était couvert de sang. Et elle vit la jambe de la joueuse, sa tenue proprement cisaillée et découpée par le tranchant du patin. Sans le vouloir elle avait pris appui sur la jambe de son adversaire quand elle avait failli tomber. Amandine fit un point de compression et hurla qu’on fasse venir un médecin pour s’occuper de la joueuse.
Le match fut interrompu et la joueuse transportée aux urgences. Amandine et les autres joueuses attendirent dans les vestiaires, les deux équipes réunies ensemble. Quand les bonnes nouvelles arrivèrent, les deux équipes se congratulèrent et tout le monde félicita Amandine de son geste. Elle ne fut pas professionnelle ce soir-là, mais elle devint une star occupant pendant plusieurs jours les médias par son acte héroïque et sportif envers son adversaire.
Malgré l’égalité, l’équipe des Brûleuses reçut de nombreuses propositions de sponsors à la suite de cet événement et pour Amandine ce fut un pas de plus sur le chemin pour rejoindre l’équipe de France.