Lundi 24 Septembre 1970
Bonjour, je m'appelle Hélène BLACK. J'habite à l'orphelinat pour filles « le St Graal », à Londres. La directrice, Mme LAPOINTE, est très sévère avec nous. Elle exige qu'on sache lire, écrire et compter en nous faisant elle-même les leçons. Elle veut que l'on soit sages, polies et que l'on n'approche aucun garçon, quel que soit son âge. Ma seule occupation c'est d'écrire ce journal de bord...
Un jour, j'aimerais m'enfuir et vivre ma vie.
J'adore écrire des histoires. Mes parents m'ont abandonnée étant bébé, je ne leur en ai jamais voulu, c'est seulement que, au bout de douze ans d'attente, ça serait bien de revenir me chercher, non ?
Dans cet orphelinat de malheur, j'ai quand même trois amies : Alice, qui est la fille de riches aristocrates, Marie-Laure, fille de riches marchands et Ambre, fille de pauvres paysans. Elles aussi attendent depuis douze ans. La seule chose, le seul indice, la seule trace de l'existence de mes parents, c'est un médaillon en or avec, gravé au dos, des sortes de coordonnées. Un jour, j'irai là où mènent ces coordonnées.
Mardi 25 Septembre
Avec Alice, on a prévu de partir. On ne sait pas encore quand, mais en ce moment, on en a vraiment marre. Une nouvelle année scolaire a commencé, et Mme LAPOINTE est encore plus sévère qu'avant, et nous donne de plus en plus de devoirs. Il faut qu'on fasse un plan mais, on n'a pas vraiment de temps libre...
Jeudi 27 Septembre
Mme LAPOINTE est venue dans notre dortoir avec un grand sourire aux lèvres. Cette bonne humeur était mauvais signe... Effectivement, c'était pour nous annoncer qu'Alice, Marie-Laure, Ambre et moi venons d'être vendues à un homme très riche qui est déjà le père de deux filles. Mais alors, qu'est ce qui nous attend ? Il viendra nous chercher samedi.
Avec Alice, nous avons décidé de partir dès demain. Nous avons chipé quelques provisions dans la cuisine, ainsi qu'une carte et une boussole dans la salle de classe, et les avons emballées dans nos draps. Nous sommes toutes les deux terrifiées et excitées ! Nous sommes aussi tristes de devoir abandonner Ambre et Marie-Laure... Elles ont trop peur d'être rattrapées pour nous suivre. Nous irons là où mènent mes coordonnées, car nous n'avons nulle part ailleurs où aller.
Vendredi 28 Septembre
C'est le grand jour ! Nous nous sommes réveillées aux aurores, nous sommes sorties par la fenêtre côté forêt, puis nous avons couru, couru, couru de toutes nos forces afin d'être sûres de ne pas avoir été suivies. Nous nous sommes arrêtées, épuisées, dans une clairière. Nous avons étudié la carte pendant que le soleil pointait le bout de son nez. Nous étions à peu près à trois heures de marche de notre destination. Pour nous qui sortions peu, cela faisait beaucoup ! Nous nous sentions soudain très affamées et l'on ne se voyait pas marcher autant le ventre vide. Nous prîmes donc chacune une tranche de pain frais dans nos provisions. Avec notre petit creux rempli, nous avions les idées plus claires. Nous pensions à Marie-Laure et Ambre : elles voudraient peut-être nous retrouver un jour. Pour leur laisser une trace de notre passage, on découpa avec soin de fines bandelettes dans le drap d'Alice pour les accrocher aux branches le long du chemin. On marcha longtemps, nos pieds nous suppliaient de nous arrêter, mais nos cerveaux avaient une volonté de fer. Au bout d'interminables heures de marche, malgré les pauses, on marchait de plus en plus lentement. On a enfin atteint l'endroit indiqué par mes coordonnées : un grand champ vide ! Soudain, je me sentis très épuisée... tout tournait autour de moi et, pouf, je suis tombée par terre, endormie !
Samedi 29 Septembre
Quand je me suis réveillée, je n'ai pas tout de suite ouvert les yeux, mais j'arrivais quand même à sentir que j'étais au chaud, sur ce qui me semblait être un lit. Puis je suis retombée dans les bras de Morphée.
Lundi 1er Octobre
Après ce qui m'a semblé être des années, j'ai ouvert les yeux. J'étais dans une grande pièce vide. Il y avait seulement deux lits : un pour moi et un pour Alice. Nous étions toutes les deux dans des habits propres et Alice venait de se réveiller. Une dame qui avait l'air gentille entra dans la pièce et nous demanda :
- Vous allez bien mes petites ?
On répondit toutes les deux d'un hochement de tête. Elle poursuivit :
- Ici, nous sommes à Matipus. Nous vous avons trouvées au milieu de l'un des champs du village. Vous étiez endormies. On vous a emmenées ici, dans mon orphelinat.
- Oh non ! On est retourné à la case départ ! Je me suis dit.
Soudain, deux enfants entrèrent et se présentèrent. Ils dirent en cœur :
- Vous allez voir, c'est génial ici !
La dame a souri et a poursuivi :
- Ici, les enfants sont vendus seulement s'ils ont envie de suivre la personne qui les a choisis.
Avec Alice, nous nous sommes regardées. Je lisais dans ses yeux qu'elle voulait rester... Et sans mentir, moi aussi ! Apparemment, mes parents m'avaient mise sur une fausse piste, alors autant rester ici.
Épilogue
A l'orphelinat de Matipus, elles sont bien occupées, et aussi très chouchoutées. Cela faisait déjà un an qu'elles avaient quitté l'orphelinat « Le Saint Graal » et elles n'avaient pas vu le temps passer. Elles décidèrent d'aller se promener dans la forêt par laquelle elles étaient passées un an auparavant. Elles retrouvèrent les bandelettes de tissus sales et élimées et songèrent avec mélancolie à Marie-Laure et à Ambre.
Mardi 1er Octobre 1971
En rentrant de notre petite balade, la directrice nous emmena dans son bureau. Elle nous montra des photos datant de 1945 qui représentaient mes parents... à 10 ans ! Et devant l'orphelinat de Matipus ! Soudain, au plus profond de moi, je me sentis soulagée. Mes parents ne m'avaient pas abandonnée avec aucun espoir, aucun indice : ils m'avaient laissé une trace qui m'a menée à ce refuge !