Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Ce couteau, ce sang, l'ai-je fait ? Assis sur ce fauteuil, seul avec ma victime, je m'interroge. Je lève les yeux vers la fenêtre et le ciel est couvert, ce gris annonce la pluie au même titre que les gouttes frappant contre la toiture : tap... tap... tap... Je regarde ma main, ma vue se trouble, est-ce des larmes de joie ou de peine ? Ce rouge sur mes mains est si beau, sentir la vie quitter ce corps à l’agonie est mon cadeau. Il se vide de son sang, le tapis en est maculé et ma chemise à carreaux est tachée. A quoi bon s'accrocher à la vie ?
A ma naissance, mon géniteur n’a pas revendiqué sa paternité. Un, deux, dix, vingt ans plus tard je ne l'ai toujours pas vu, je me suis fait à l'idée. Loin de moi de penser qu'il est un père irresponsable, à chacun ses choix, il a fait le sien, tout comme moi aujourd'hui et tout comme ma mère auparavant. Ma petite maman ! Cette dame m'a aimé c’est sûr. Elle m'a chéri, normal de ses entrailles je suis le fruit. Je vais l'appeler « Marie ». Oh ! Marie, si tu savais. Marie... maman... je te remercie d'avoir souffert sur cette table à l’hôpital. Je ne pourrais jamais t'en vouloir au contraire je suis ému. Tu n'avais rien ni personne, démunie, pas d'amis, aucun soutien, aucune famille et tu t'es battue. Toutes les décisions que tu as prises, tu les pensais justes. Mais je ne saurais jamais s'il a été juste de me laisser devant cet orphelinat, à environ trois ans. Tu m'as dit que tu reviendrais mais tu ne l’as pas fait. Je t'ai vue t'en aller, j'ai crié en sanglot tout effrayé : « maman, ne me laisse pas... maman rentre avec moi... maman... maman... maman... » Je t'ai vue essuyer des larmes, mais je ne t'ai pas vue te retourner. On dit qu'une mère reconnaît toujours son enfant mais tu ne me reconnaîtrais pas aujourd'hui. Dans mon souvenir tu es « maman » mais aujourd'hui, Marie, si tu as pu tenir tout ce temps, alors pourquoi ? Un jour, tu me diras pourquoi. Nombreux sont ceux qui disent que leur première femme c'est leur mère, sauf que j'en connais une qui est très jalouse quand elle entend ça. Elle est possessive aussi, oui vous l'avez deviné : la vie.
L'orphelinat aura été la pire des choses dans ma vie, le plus gros mensonge étant de voir la pitié dans le regard de ceux qui me regardaient. Vous ne me connaissez pas mais vous avez de la compassion, comment peut-elle être réelle ? Que savez-vous de mon histoire ? De ce que j’ai vu ou vécu ? Je peux avoir été un mioche qui a dit à ses parents « allez au diable ! » et j'ai erré jusqu'ici. Dans ce lieu sinistre et crasseux, vide d’émotions, regorgeant de gamins tristes et frustrés, s’apparentant à un bordel et pour cause y a-t-il meilleure image pour le décrire ? Quoiqu’il en soit je n’avais plus de maison et ce monsieur qui y exerçait son patriarcat m'a dit que désormais c'est ici ma maison. Ce monsieur se nommera « Mon père » c'est ainsi qu'on l'appelait, tous, mais pas pour ses qualités paternelles. Ce mastodonte du haut de son mètre quatre-vingt-dix et de sa posture de mâle dominant avait une excellente condition physique. Son teint noir reflétait soit la profondeur de son âme soit celle de son cœur voire les deux. Ce parâtre a été une personne capitale dans mon enfance. Il m'a dit que la vérité sort de la bouche des enfants. Le goinfre que j’étais, avait pour seul plaisir la nourriture, mes grosses joues en témoignaient. Renfermé, je ne parlais à personne. Mes mots étaient pour mon cahier des non-dits encore appelé : livre de la vérité. Les enseignements dispensés par cet aumônier étaient passionnants, mais un seul était pertinent et parlait très souvent de Dieu.
La vie m'a appris à ne pas blâmer autrui pour mes propres manquements, sinon je l'aurais bien tenu pour responsable, lui. Son enseignement était logique et vrai, alors j'ai structuré mon livre comme le sien, et pour les mêmes desseins. Mais ça ne sera jamais ma parole contre la sienne. Je lui dois ce respect. Plus tard il m'a appelé pour que j'agisse pour la postérité. Mon père me battait parce que je me taisais, pareil pour mes frères orphelins insolents n'ayant sur la langue que des propos injurieux. Un jour il m’a frappé si fort, ma tête a heurté le mur et depuis j’ai cette cicatrice sur le front. Mon père priait avec moi après m'avoir battu et parfois il me battait pendant qu'il priait avec moi. Des prières à chaudes larmes et remplies de douleur, face contre la table je ne devais pousser aucun cri et ne dire que « oui » ; sa main contre ma joue s’en assurait. En tant que chef de famille, il me donnait la fessée, une fois son érection actée, il fourrait brutalement et d’un coup sec son pénis dans mon anus sanguinolent, encore et encore et encore. Déchirant ainsi mes sphincters, prenant mon rectum pour un vagin, usant de son sperme comme lubrifiant. Avant l’acte, je devais lécher son gland et l’exciter encore plus. Il se masturbait dans ma bouche et éjaculait sur mon visage grassouillet. Je l’entendais gémir, jouir et frémir. La prière se terminait quand il avait pris son pied. Nous étions ses putes et j’étais sa préférée. Oh ! Mon père, tu es à présent bel et bien aux cieux. Je ne me vanterai pas de ce parricide atroce, tu as été une pourriture ignoble. Je rends hommage à mes frères six pieds sous terre, décédés des suites de tes abus sexuels. La rancune, la vengeance, la haine, bien des sentiments mal vus par la société. Ôter la vie aussi c'est mal vu, je suis un assassin, un meurtrier. Si je devais m'apitoyer sur mon sort, je dirais que j'ai été abandonné, violé, traumatisé et que cela m'a conditionné à emprunter des chemins sombres. Sauf qu’un jour une lueur m'est apparue. Cette lumière n'émanait pas de moi et brillait à tel point que j'aurai pu devenir aveugle, ça aurait complété la liste et j'en aurais bien ri. J'ai nommé ce jour : l’appel. A vingt ans j'avais grandi, mon livre était ma compagnie. C'est devenu peu à peu mon journal de bord et je pense que le jour de ma mort, je l'aurais dans les mains comme un trésor.
La vie continue que l'on s'arrête ou que l'on avance. J'ai songé à laisser un héritage et il était hors de question que ça soit un enfant. C'est vrai, j'étais un garçon introverti devenu un homme asocial. Est-ce une fatalité ? Je ne sais pas. Ce que je sais, la plupart du temps j'ai eu à voir la vie en noir, cet appel m’a donné envie d’atteindre le lendemain. L'Homme, fait à l’image d’un être parfait, est une imperfection, mais au bout de sept coups de lame je parfais l'œuvre de Dieu. Toutes celles et ceux qui y ont goûtés, sont des élus. Je les ai achevés par bonté d'âme. J'avais trouvé pourquoi je suis né. Les jours de pluie n'étaient plus que des souvenirs. Ces jours de pleurs, de tristesse, de solitude, de détresse. Ces jours où le malheur frappe à ta porte avant d'ouvrir parce qu'il a la clé. Tandis que l'espoir, la foi, le bonheur, par la fenêtre ont filé. Ces jours où tu te sens plus proche de la mort, que tu sois du bon ou du mauvais côté du couteau, des jours comme aujourd'hui. Je me remémore tous ces moments et je me dis qu'au final il a toujours été présent, le jour de pluie. D’où la première phrase de mon livre : « Le jour de pluie, l'eau est salée, le tonnerre gronde dans mes tympans. » ; mes cris et mes larmes faisaient la pluie.
Mes sandales baignent dans ce sang qui s'étend dans les coins et recoins de mon salon, qui dégouline le long de mes doigts et qui suinte telle une fuite de plomberie : tap... tap... tap... Je tiens dans ma main droite mon livre, je le serre contre moi : c’est mon héritage. Mon poignard dans cette marre a fait son dernier défunt. Je suis un cadavre ambulant, quand on meurt on voit vraiment sa vie défiler. Elle est passée d'une seule traite. Il est venu : le repos éternel. Alors que je trépasse, mes paupières se ferment tout doucement mais je suis heureux, car pour une fois, le jour de pluie a été, la météo, à l'extérieur.
A ma naissance, mon géniteur n’a pas revendiqué sa paternité. Un, deux, dix, vingt ans plus tard je ne l'ai toujours pas vu, je me suis fait à l'idée. Loin de moi de penser qu'il est un père irresponsable, à chacun ses choix, il a fait le sien, tout comme moi aujourd'hui et tout comme ma mère auparavant. Ma petite maman ! Cette dame m'a aimé c’est sûr. Elle m'a chéri, normal de ses entrailles je suis le fruit. Je vais l'appeler « Marie ». Oh ! Marie, si tu savais. Marie... maman... je te remercie d'avoir souffert sur cette table à l’hôpital. Je ne pourrais jamais t'en vouloir au contraire je suis ému. Tu n'avais rien ni personne, démunie, pas d'amis, aucun soutien, aucune famille et tu t'es battue. Toutes les décisions que tu as prises, tu les pensais justes. Mais je ne saurais jamais s'il a été juste de me laisser devant cet orphelinat, à environ trois ans. Tu m'as dit que tu reviendrais mais tu ne l’as pas fait. Je t'ai vue t'en aller, j'ai crié en sanglot tout effrayé : « maman, ne me laisse pas... maman rentre avec moi... maman... maman... maman... » Je t'ai vue essuyer des larmes, mais je ne t'ai pas vue te retourner. On dit qu'une mère reconnaît toujours son enfant mais tu ne me reconnaîtrais pas aujourd'hui. Dans mon souvenir tu es « maman » mais aujourd'hui, Marie, si tu as pu tenir tout ce temps, alors pourquoi ? Un jour, tu me diras pourquoi. Nombreux sont ceux qui disent que leur première femme c'est leur mère, sauf que j'en connais une qui est très jalouse quand elle entend ça. Elle est possessive aussi, oui vous l'avez deviné : la vie.
L'orphelinat aura été la pire des choses dans ma vie, le plus gros mensonge étant de voir la pitié dans le regard de ceux qui me regardaient. Vous ne me connaissez pas mais vous avez de la compassion, comment peut-elle être réelle ? Que savez-vous de mon histoire ? De ce que j’ai vu ou vécu ? Je peux avoir été un mioche qui a dit à ses parents « allez au diable ! » et j'ai erré jusqu'ici. Dans ce lieu sinistre et crasseux, vide d’émotions, regorgeant de gamins tristes et frustrés, s’apparentant à un bordel et pour cause y a-t-il meilleure image pour le décrire ? Quoiqu’il en soit je n’avais plus de maison et ce monsieur qui y exerçait son patriarcat m'a dit que désormais c'est ici ma maison. Ce monsieur se nommera « Mon père » c'est ainsi qu'on l'appelait, tous, mais pas pour ses qualités paternelles. Ce mastodonte du haut de son mètre quatre-vingt-dix et de sa posture de mâle dominant avait une excellente condition physique. Son teint noir reflétait soit la profondeur de son âme soit celle de son cœur voire les deux. Ce parâtre a été une personne capitale dans mon enfance. Il m'a dit que la vérité sort de la bouche des enfants. Le goinfre que j’étais, avait pour seul plaisir la nourriture, mes grosses joues en témoignaient. Renfermé, je ne parlais à personne. Mes mots étaient pour mon cahier des non-dits encore appelé : livre de la vérité. Les enseignements dispensés par cet aumônier étaient passionnants, mais un seul était pertinent et parlait très souvent de Dieu.
La vie m'a appris à ne pas blâmer autrui pour mes propres manquements, sinon je l'aurais bien tenu pour responsable, lui. Son enseignement était logique et vrai, alors j'ai structuré mon livre comme le sien, et pour les mêmes desseins. Mais ça ne sera jamais ma parole contre la sienne. Je lui dois ce respect. Plus tard il m'a appelé pour que j'agisse pour la postérité. Mon père me battait parce que je me taisais, pareil pour mes frères orphelins insolents n'ayant sur la langue que des propos injurieux. Un jour il m’a frappé si fort, ma tête a heurté le mur et depuis j’ai cette cicatrice sur le front. Mon père priait avec moi après m'avoir battu et parfois il me battait pendant qu'il priait avec moi. Des prières à chaudes larmes et remplies de douleur, face contre la table je ne devais pousser aucun cri et ne dire que « oui » ; sa main contre ma joue s’en assurait. En tant que chef de famille, il me donnait la fessée, une fois son érection actée, il fourrait brutalement et d’un coup sec son pénis dans mon anus sanguinolent, encore et encore et encore. Déchirant ainsi mes sphincters, prenant mon rectum pour un vagin, usant de son sperme comme lubrifiant. Avant l’acte, je devais lécher son gland et l’exciter encore plus. Il se masturbait dans ma bouche et éjaculait sur mon visage grassouillet. Je l’entendais gémir, jouir et frémir. La prière se terminait quand il avait pris son pied. Nous étions ses putes et j’étais sa préférée. Oh ! Mon père, tu es à présent bel et bien aux cieux. Je ne me vanterai pas de ce parricide atroce, tu as été une pourriture ignoble. Je rends hommage à mes frères six pieds sous terre, décédés des suites de tes abus sexuels. La rancune, la vengeance, la haine, bien des sentiments mal vus par la société. Ôter la vie aussi c'est mal vu, je suis un assassin, un meurtrier. Si je devais m'apitoyer sur mon sort, je dirais que j'ai été abandonné, violé, traumatisé et que cela m'a conditionné à emprunter des chemins sombres. Sauf qu’un jour une lueur m'est apparue. Cette lumière n'émanait pas de moi et brillait à tel point que j'aurai pu devenir aveugle, ça aurait complété la liste et j'en aurais bien ri. J'ai nommé ce jour : l’appel. A vingt ans j'avais grandi, mon livre était ma compagnie. C'est devenu peu à peu mon journal de bord et je pense que le jour de ma mort, je l'aurais dans les mains comme un trésor.
La vie continue que l'on s'arrête ou que l'on avance. J'ai songé à laisser un héritage et il était hors de question que ça soit un enfant. C'est vrai, j'étais un garçon introverti devenu un homme asocial. Est-ce une fatalité ? Je ne sais pas. Ce que je sais, la plupart du temps j'ai eu à voir la vie en noir, cet appel m’a donné envie d’atteindre le lendemain. L'Homme, fait à l’image d’un être parfait, est une imperfection, mais au bout de sept coups de lame je parfais l'œuvre de Dieu. Toutes celles et ceux qui y ont goûtés, sont des élus. Je les ai achevés par bonté d'âme. J'avais trouvé pourquoi je suis né. Les jours de pluie n'étaient plus que des souvenirs. Ces jours de pleurs, de tristesse, de solitude, de détresse. Ces jours où le malheur frappe à ta porte avant d'ouvrir parce qu'il a la clé. Tandis que l'espoir, la foi, le bonheur, par la fenêtre ont filé. Ces jours où tu te sens plus proche de la mort, que tu sois du bon ou du mauvais côté du couteau, des jours comme aujourd'hui. Je me remémore tous ces moments et je me dis qu'au final il a toujours été présent, le jour de pluie. D’où la première phrase de mon livre : « Le jour de pluie, l'eau est salée, le tonnerre gronde dans mes tympans. » ; mes cris et mes larmes faisaient la pluie.
Mes sandales baignent dans ce sang qui s'étend dans les coins et recoins de mon salon, qui dégouline le long de mes doigts et qui suinte telle une fuite de plomberie : tap... tap... tap... Je tiens dans ma main droite mon livre, je le serre contre moi : c’est mon héritage. Mon poignard dans cette marre a fait son dernier défunt. Je suis un cadavre ambulant, quand on meurt on voit vraiment sa vie défiler. Elle est passée d'une seule traite. Il est venu : le repos éternel. Alors que je trépasse, mes paupières se ferment tout doucement mais je suis heureux, car pour une fois, le jour de pluie a été, la météo, à l'extérieur.