« Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux »
Elle n’est même plus sûr de vouloir connaitre la réponse. Cela fait déjà dix minutes ou peut être plus qu’elle est allongée par terre dans les toilettes de son établissement. Elle est blessée, elle sait qu’elle saigne, que son crane a cogné quelque chose, qu’elle doit se relever et appeler à l’aide si elle ne veut pas mourir. Bizarrement, elle n’a pas peur.
Au contraire, elle se surprend même en train de se réjouir de cette situation : elle en a marre d’être harcelée !
Pourtant, Anna était certaine qu’une fois au collège tout s’arrangerait. Elle croyait que le changement de pays, d’école et de style vestimentaire l’aiderait à mieux s’intégrer et pourquoi pas à passer inaperçue. Ce qui était le cas jusqu’à ce que son professeur de français, le premier jour de classe, lui demande de se présenter.
- « Comment t’appelles-tu ? »
- « Anna »
- « Fais une phrase s’il te plait »
- « Je mmmmm’appelle Aaa, Anne, Anne, Anna Ntab »
Et comme elle s’y attendait, toute la classe rit aux éclats. Le professeur essaya de les rappeler à l’ordre, en vain : le coup était déjà parti.
Elle ne sait plus, entre son bégaiement et son nom de famille ce qui la dégoûtait le plus. Il lui est souvent arrivé de mentir sur son nom de famille pour échapper aux moqueries. Et les rares fois où elle essayait d’en parler à sa mère, celle-ci ne lui était pas d’une très grande utilité car elle n’accordait pas une très grande importance à « ces choses-là ». Néanmoins, elle essayait de la rassurer à sa manière :
- « Comment ça ils t’ont frappé ? Tu n’as pas de mains comme eux pour te venger ? Est-ce que leurs mères travaillent mieux que la tienne ? Est-ce qu’ils mangent mieux que toi ? Et tu dis que tu n’aimes pas ton nom de famille ? C’est depuis quand ça ? Quand ton père va appeler qu’est-ce que je vais lui dire, hein ? Déjà quatre mois qu’on est là et tu veux m’emmener des affaires de blanc là. »
Mais ce que sa mère ignorait c’est qu’entre « Anna l’ânesse », « Ntaboulet » et les braiments que poussent les élèves à son passage, la vie scolaire était devenue un enfer et la vie à la maison, hé ben elle n’était pas mieux.
Un jour, il lui est arrivée de se faire renverser par l’un des élèves de la quatrième à vélo, bien sûr, avant qu’elle puisse placer un mot, celui-ci s’était enfoui. Elle avait tellement mal. Pas parce qu’elle venait de se faire renverser, mais parce qu’elle ne pouvait pas se défendre parce qu’elle ne pouvait pas parler et surtout ne voulait pas parler. Ce jour-là, elle avait décidé d’en finir.
Et pour une petite fille de douze ans, quoi de mieux que de se lancer dans une grève de la faim pour mourir. Grève qui dura jusqu’au dîner à 19 heures !!
Trois mois plus tard...
Nous sommes Jeudi aujourd’hui, c’est le jour du sport et parallèlement « le jour de la majorité » pour les filles. Oui parce que dans cette classe, les fillettes avec une poitrine plus développées et un derrière « légèrement au-dessus de la moyenne » ont le droit d’intégrer l’équipe des « élites ». Anna n’accordait aucune importance à cette cérémonie et elles non plus ne la remarquaient pas. Mais ce jour-là apparemment, les dieux n’étaient pas avec elle.
Elle s’apprêtait à sortir des vestiaires quand on l’appela :
- « Hé l’âne ! »
Comme à son habitude, elle ne se retourna pas et poursuivit son chemin quand l’une des filles, la « plus majeure » vint se mettre devant elle.
- « C’est qu’en plus d’être muette tu es sourde »
- « PPPPPPousse toi de la »
- « NNNNNon ! Déshabille-toi tu dois passer le test je n’ai pas tout mon temps »
- ...
- Dépêche-toi on n’a pas toute la journée !!
Anna savait qu’elle ne pourrait jamais se déshabiller devant toutes ces filles. Alors, deux solutions s’offraient à elle : soit elle lui répond fermement qu’elle refusait comme son amie, impuissante face à la situation, le lui avait conseillé, soit elle écarte cette fille de son passage et prend ses jambes à son cou.
Elle prit son courage à deux main et...
- « Non ! »
- « Pardon ? »
- « Non ! Tu es sourde ? »
A cet instant précis elle aurait mis sa main à couper qu’elle savait voler, tellement elle était confiante et sur d’elle. Jamais au paravent elle ne s’était senti aussi puissante et invincible. Mais alors qu’elle faisait son introspection, une des filles s’approcha d’elle, attrapa son col roulé et le tira. Elle voulait le lui retirer par la force. Anna essaya de se débattre sans succès. Dans la salle, les unes riaient et les autres détournaient le regard.
Anna réussit tant bien que mal à se dégager de son agresseur. Alors qu’elle reprenait son souffle, une des filles lance :
- « Il faut l’allonger par terre ce sera plus facile »
Et avant même qu’elle eut le temps de rassembler ses mots pour former une phrase, l’une des filles lui donna un violent coup de pied sur les mollets. Elle tomba et sa tête heurta la cuvette des toilettes, après cela, c’était le noir total.
Les filles s’étaient toutes enfouies en voyant le sang qui coulait. Bien sûr, elles voulaient l’aider, mais personne ne voulait prendre le risque de se faire exclure. Alors, elles se murent dans leur silence.
Pendant ce temps, Anna ne sait plus depuis combien de temps elle est la ni pendant combien de temps elle va y rester. Surement jusqu’à ce que la concierge vienne pour nettoyer les toilettes.
En attendant, elle ne sait pas si elle se trouve dans le noir ou si elle a les yeux fermés. Et s’il s’avère qu’elle a les yeux fermés, tant pis, ils resteront ainsi.
Elle n’est même plus sûr de vouloir connaitre la réponse. Cela fait déjà dix minutes ou peut être plus qu’elle est allongée par terre dans les toilettes de son établissement. Elle est blessée, elle sait qu’elle saigne, que son crane a cogné quelque chose, qu’elle doit se relever et appeler à l’aide si elle ne veut pas mourir. Bizarrement, elle n’a pas peur.
Au contraire, elle se surprend même en train de se réjouir de cette situation : elle en a marre d’être harcelée !
Pourtant, Anna était certaine qu’une fois au collège tout s’arrangerait. Elle croyait que le changement de pays, d’école et de style vestimentaire l’aiderait à mieux s’intégrer et pourquoi pas à passer inaperçue. Ce qui était le cas jusqu’à ce que son professeur de français, le premier jour de classe, lui demande de se présenter.
- « Comment t’appelles-tu ? »
- « Anna »
- « Fais une phrase s’il te plait »
- « Je mmmmm’appelle Aaa, Anne, Anne, Anna Ntab »
Et comme elle s’y attendait, toute la classe rit aux éclats. Le professeur essaya de les rappeler à l’ordre, en vain : le coup était déjà parti.
Elle ne sait plus, entre son bégaiement et son nom de famille ce qui la dégoûtait le plus. Il lui est souvent arrivé de mentir sur son nom de famille pour échapper aux moqueries. Et les rares fois où elle essayait d’en parler à sa mère, celle-ci ne lui était pas d’une très grande utilité car elle n’accordait pas une très grande importance à « ces choses-là ». Néanmoins, elle essayait de la rassurer à sa manière :
- « Comment ça ils t’ont frappé ? Tu n’as pas de mains comme eux pour te venger ? Est-ce que leurs mères travaillent mieux que la tienne ? Est-ce qu’ils mangent mieux que toi ? Et tu dis que tu n’aimes pas ton nom de famille ? C’est depuis quand ça ? Quand ton père va appeler qu’est-ce que je vais lui dire, hein ? Déjà quatre mois qu’on est là et tu veux m’emmener des affaires de blanc là. »
Mais ce que sa mère ignorait c’est qu’entre « Anna l’ânesse », « Ntaboulet » et les braiments que poussent les élèves à son passage, la vie scolaire était devenue un enfer et la vie à la maison, hé ben elle n’était pas mieux.
Un jour, il lui est arrivée de se faire renverser par l’un des élèves de la quatrième à vélo, bien sûr, avant qu’elle puisse placer un mot, celui-ci s’était enfoui. Elle avait tellement mal. Pas parce qu’elle venait de se faire renverser, mais parce qu’elle ne pouvait pas se défendre parce qu’elle ne pouvait pas parler et surtout ne voulait pas parler. Ce jour-là, elle avait décidé d’en finir.
Et pour une petite fille de douze ans, quoi de mieux que de se lancer dans une grève de la faim pour mourir. Grève qui dura jusqu’au dîner à 19 heures !!
Trois mois plus tard...
Nous sommes Jeudi aujourd’hui, c’est le jour du sport et parallèlement « le jour de la majorité » pour les filles. Oui parce que dans cette classe, les fillettes avec une poitrine plus développées et un derrière « légèrement au-dessus de la moyenne » ont le droit d’intégrer l’équipe des « élites ». Anna n’accordait aucune importance à cette cérémonie et elles non plus ne la remarquaient pas. Mais ce jour-là apparemment, les dieux n’étaient pas avec elle.
Elle s’apprêtait à sortir des vestiaires quand on l’appela :
- « Hé l’âne ! »
Comme à son habitude, elle ne se retourna pas et poursuivit son chemin quand l’une des filles, la « plus majeure » vint se mettre devant elle.
- « C’est qu’en plus d’être muette tu es sourde »
- « PPPPPPousse toi de la »
- « NNNNNon ! Déshabille-toi tu dois passer le test je n’ai pas tout mon temps »
- ...
- Dépêche-toi on n’a pas toute la journée !!
Anna savait qu’elle ne pourrait jamais se déshabiller devant toutes ces filles. Alors, deux solutions s’offraient à elle : soit elle lui répond fermement qu’elle refusait comme son amie, impuissante face à la situation, le lui avait conseillé, soit elle écarte cette fille de son passage et prend ses jambes à son cou.
Elle prit son courage à deux main et...
- « Non ! »
- « Pardon ? »
- « Non ! Tu es sourde ? »
A cet instant précis elle aurait mis sa main à couper qu’elle savait voler, tellement elle était confiante et sur d’elle. Jamais au paravent elle ne s’était senti aussi puissante et invincible. Mais alors qu’elle faisait son introspection, une des filles s’approcha d’elle, attrapa son col roulé et le tira. Elle voulait le lui retirer par la force. Anna essaya de se débattre sans succès. Dans la salle, les unes riaient et les autres détournaient le regard.
Anna réussit tant bien que mal à se dégager de son agresseur. Alors qu’elle reprenait son souffle, une des filles lance :
- « Il faut l’allonger par terre ce sera plus facile »
Et avant même qu’elle eut le temps de rassembler ses mots pour former une phrase, l’une des filles lui donna un violent coup de pied sur les mollets. Elle tomba et sa tête heurta la cuvette des toilettes, après cela, c’était le noir total.
Les filles s’étaient toutes enfouies en voyant le sang qui coulait. Bien sûr, elles voulaient l’aider, mais personne ne voulait prendre le risque de se faire exclure. Alors, elles se murent dans leur silence.
Pendant ce temps, Anna ne sait plus depuis combien de temps elle est la ni pendant combien de temps elle va y rester. Surement jusqu’à ce que la concierge vienne pour nettoyer les toilettes.
En attendant, elle ne sait pas si elle se trouve dans le noir ou si elle a les yeux fermés. Et s’il s’avère qu’elle a les yeux fermés, tant pis, ils resteront ainsi.