Dans les gradins, Marion suit le match avec une vive attention, une certaine excitation intérieure. Elle se régale de tous les va-et-vient des cadettes du CA Mayennais. À neuf ans, elle aussi, elle aimerait fouler le parquet, courir et sauter comme une gazelle. Elle enrage un peu de n'être qu'une simple spectatrice.
« Quand on veut, on peut », d'après les grandes personnes. Marion pense qu'elles se trompent. Elle, elle peut, mais on ne veut pas toujours d'elle. Dans la cour de l'école, elle s'amuse à tirer des paniers et ça lui plaît. Ses camarades de classe la bousculent parfois, quand elle n'entend pas le son de leur voix. Ses oreilles sont paresseuses, pas elle. C'est décidé ! À la fin de la rencontre, elle ira voir l'entraîneur, avec Pauline, sa mère.
Le dernier coup de sifflet de l'arbitre retentit dans la salle. Impatiente, Marion entraîne sa mère vers le terrain de basket. Elles se faufilent entre les supporters qui applaudissent les joueuses. Le coach et ses filles sont en plein debriefing quand elles déboulent auprès d'eux. Pauline retient sa fille, lui demande d'attendre. Marion ne résiste pas, attrape un ballon et file shooter sous le regard amusé de toute l'équipe.
— Excusez-la. J'ai quelquefois du mal à canaliser son énergie, lance Pauline, un peu gênée.
— Elle fait du basket ? demande Jérémy, l'entraîneur.
— Non. Elle aimerait bien.
— Pourquoi hésite-t-elle à s'inscrire dans un club ?
— Elle est malentendante. Cela risque de poser quelque problème.
— Faut essayer !
— Vous pensez que c'est possible ?
— Le prochain entraînement aura lieu mercredi à 15 h. Venez une demi-heure avant que l'on fasse connaissance, elle et moi.
Depuis la proposition de Jérémy, Marion compte les jours, les heures, les secondes, 24, 23, 22... Elle se sent comme un poussin qui sort de sa coquille. Dans le jardin familial, elle court, saute et vise un anneau imaginaire pour assouvir son ardeur.
Jérémy se documente sur la surdité, mémorise les bases de communication. Il faudra qu'il s'adapte, achète des ardoises magiques ; la sienne ne suffira pas. Il éprouve un besoin de s'investir, de s'engager auprès de cette gamine. Il ne connaît pas son âge. Il pencherait pour une poussine ; il le saura bientôt. Pour l'instant, il a du boulot sur la planche.
Le grand jour arrive ! Dans la voiture, Marion gesticule sur le siège, ses yeux pétillent de joie. « C'est trop d'la balle », chantonne-t-elle puis s'esclaffe, d'un rire communicatif. Pauline se réjouit de la gaîté de sa fille.
Dès qu'elles entrent dans le gymnase, Jérémy vient les accueillir. Les présentations faites, l'entraîneur explique à la fillette les bases du basket, plutôt les grandes lignes. Il approfondira au fur et à mesure. Marion boit toutes ses paroles qu'elle capte sans trop de difficulté. Il lui apprend même que le basket vient d'un jeu Maya. Elle imagine la petite abeille dribbler, mais elle n'en pipe mot. La voix de sa mère la ramène les pieds sur terre. Pauline l'embrasse avant de partir ; elle reviendra la chercher à la fin de la séance. Les autres enfants arrivent. Elle file avec eux aux vestiaires pour se mettre en tenue de sport. « Même pas peur ! », se dit-elle pour chasser la petite appréhension qui vient de poindre.
Avant l'échauffement, Jérémy rassemble toutes les filles ; leur demande de former un demi-cercle face à Marion. Chaque joueuse se présente et, quand vient le tour de Marion, elle ne se dérobe pas ; dévoile tout de suite la faiblesse de ses oreilles. Sa spontanéité soulage Jérémy, étonne les autres gamines. Les choses dites, les exercices peuvent commencer.
À la fin de la première séance, Marion se familiarise déjà avec certains gestes du basket. Elle n'a qu'une envie : prendre une licence et continuer.
Au fil des entraînements, elle améliore son dribble, muscle ses appuis, contrôle les passes. Il lui reste à enchaîner les deux pas sans marcher et connaître tous les signes de l'arbitre pour pouvoir disputer un match. Pleine de niaque, elle s'accroche, se surpasse.
Aujourd'hui, Marion va faire son entrée sur le terrain, pour un quart-temps de trois minutes. Son poste à l'arrière va lui permettre de garder un œil sur tout le jeu. Pour l'aider, Jérémy a inscrit des consignes sur différentes ardoises. Prête à affronter l'adversaire, elle porte fièrement le maillot numéro 10. Elle l'est encore plus au moment du cri de guerre, le rituel avant le début de chaque rencontre. C'est le sien que l'équipe a adopté : « Quand on peut, on veut. »
« Quand on veut, on peut », d'après les grandes personnes. Marion pense qu'elles se trompent. Elle, elle peut, mais on ne veut pas toujours d'elle. Dans la cour de l'école, elle s'amuse à tirer des paniers et ça lui plaît. Ses camarades de classe la bousculent parfois, quand elle n'entend pas le son de leur voix. Ses oreilles sont paresseuses, pas elle. C'est décidé ! À la fin de la rencontre, elle ira voir l'entraîneur, avec Pauline, sa mère.
Le dernier coup de sifflet de l'arbitre retentit dans la salle. Impatiente, Marion entraîne sa mère vers le terrain de basket. Elles se faufilent entre les supporters qui applaudissent les joueuses. Le coach et ses filles sont en plein debriefing quand elles déboulent auprès d'eux. Pauline retient sa fille, lui demande d'attendre. Marion ne résiste pas, attrape un ballon et file shooter sous le regard amusé de toute l'équipe.
— Excusez-la. J'ai quelquefois du mal à canaliser son énergie, lance Pauline, un peu gênée.
— Elle fait du basket ? demande Jérémy, l'entraîneur.
— Non. Elle aimerait bien.
— Pourquoi hésite-t-elle à s'inscrire dans un club ?
— Elle est malentendante. Cela risque de poser quelque problème.
— Faut essayer !
— Vous pensez que c'est possible ?
— Le prochain entraînement aura lieu mercredi à 15 h. Venez une demi-heure avant que l'on fasse connaissance, elle et moi.
Depuis la proposition de Jérémy, Marion compte les jours, les heures, les secondes, 24, 23, 22... Elle se sent comme un poussin qui sort de sa coquille. Dans le jardin familial, elle court, saute et vise un anneau imaginaire pour assouvir son ardeur.
Jérémy se documente sur la surdité, mémorise les bases de communication. Il faudra qu'il s'adapte, achète des ardoises magiques ; la sienne ne suffira pas. Il éprouve un besoin de s'investir, de s'engager auprès de cette gamine. Il ne connaît pas son âge. Il pencherait pour une poussine ; il le saura bientôt. Pour l'instant, il a du boulot sur la planche.
Le grand jour arrive ! Dans la voiture, Marion gesticule sur le siège, ses yeux pétillent de joie. « C'est trop d'la balle », chantonne-t-elle puis s'esclaffe, d'un rire communicatif. Pauline se réjouit de la gaîté de sa fille.
Dès qu'elles entrent dans le gymnase, Jérémy vient les accueillir. Les présentations faites, l'entraîneur explique à la fillette les bases du basket, plutôt les grandes lignes. Il approfondira au fur et à mesure. Marion boit toutes ses paroles qu'elle capte sans trop de difficulté. Il lui apprend même que le basket vient d'un jeu Maya. Elle imagine la petite abeille dribbler, mais elle n'en pipe mot. La voix de sa mère la ramène les pieds sur terre. Pauline l'embrasse avant de partir ; elle reviendra la chercher à la fin de la séance. Les autres enfants arrivent. Elle file avec eux aux vestiaires pour se mettre en tenue de sport. « Même pas peur ! », se dit-elle pour chasser la petite appréhension qui vient de poindre.
Avant l'échauffement, Jérémy rassemble toutes les filles ; leur demande de former un demi-cercle face à Marion. Chaque joueuse se présente et, quand vient le tour de Marion, elle ne se dérobe pas ; dévoile tout de suite la faiblesse de ses oreilles. Sa spontanéité soulage Jérémy, étonne les autres gamines. Les choses dites, les exercices peuvent commencer.
À la fin de la première séance, Marion se familiarise déjà avec certains gestes du basket. Elle n'a qu'une envie : prendre une licence et continuer.
Au fil des entraînements, elle améliore son dribble, muscle ses appuis, contrôle les passes. Il lui reste à enchaîner les deux pas sans marcher et connaître tous les signes de l'arbitre pour pouvoir disputer un match. Pleine de niaque, elle s'accroche, se surpasse.
Aujourd'hui, Marion va faire son entrée sur le terrain, pour un quart-temps de trois minutes. Son poste à l'arrière va lui permettre de garder un œil sur tout le jeu. Pour l'aider, Jérémy a inscrit des consignes sur différentes ardoises. Prête à affronter l'adversaire, elle porte fièrement le maillot numéro 10. Elle l'est encore plus au moment du cri de guerre, le rituel avant le début de chaque rencontre. C'est le sien que l'équipe a adopté : « Quand on peut, on veut. »