Le cauchemar de Dodji

Toute histoire commence un jour, quelque part. Et la tienne débuta en pleine nuit. La nature pour toi était devenue sombre, ton cœur battait à mille feu .Tu avais l’impression que la chaise sur laquelle tu te tenais était remplie d’épines. Dieu est-il un homme sans cœur ? Qu’allais-tu devenir après ce qui venait de se passer ? Ta mère, celle qui a toujours pris soin de toi. Ta mère celle qui t’a gardé comme un œuf. Celle qui lutte sans répit pour que tes sœurs et toi, ayez le nécessaire. Comment la nature pouvait-elle t’arracher un être aussi cher ? Que la mort est cruelle, cette insolente venait d’emporter ta mère. Qu’allais-tu faire ? Tu voulus te jeter dans un puits .Non, tu envisageas de te suicider avec du poison. Mais est-ce en le faisant qu’elle serait fière de toi ?
Le poison destiné à tuer les sourires te regardait. Tu le versas dans un gobelet contenant de l’eau, puis tu déposas la lettre d’adieu, que tu avais rédigé pour la circonstance, sur ta table. Tu étais près. Près à partir, partir vers l’au-delà. Cependant, au moment d’avaler le liquide mortel, ta conscience se mit à t’interroger. A quoi allais servir ses sacrifices pour ton éducation ? A quoi allaient servir ses efforts ? Qui s’occupera de tes sœurs ? Tu devais lutter pour honorer sa mémoire. Oui, tu devais aller à cet examen, réussir pour t’assurer un avenir meilleur. Au moment où tu t’interrogeais, tu entendis des bruits de pas et des voix. Tu les reconnus tout de suite, c’était celle de tes oncles et de tes tantes. Alors tu rangeas ton instrument funeste. Les membres de la famille sont venus assister les enfants de la défunte. Ils avaient avec eux tes petites sœurs. Tes adorables petites sœurs.
N’en pouvant plus de cette douleur tu sortis de la maison. Dodji, tu étais dans tous tes états. Où allais-tu partir pour te soulager ? Qui pouvait te consoler ? Tu te rappelas des propos de ta mère : « Mon fils le chemin qui mène au bonheur n’est pas droit. Tu trébucheras, tu te sentiras parfois seul. Cependant prends tout ce qui t’arrivera comme une réalité de la vie. Quelque soit ce qui se passera aie toujours confiance en Dieu car lui seul sait ce qui est bon pour toi. N’oublie pas la prière. Quand tu te trouves face à des épreuves et tu ne sais quoi faire, appelle le nom de l’éternel. Il te viendra en aide parce qu’il n’est ni sourd ni muet. Il t’écoutera et agira ».Touché par ces phrases, tu pris la résolution de te rendre à l’église. Cette église Dodji. Cette église que tu considérais comme une stratégie du colon pour mieux nous enfoncer dans le fleuve de la pauvreté. Cette église que tu qualifiais de commerce dirigé par les blancs. Cette église que tu traitais de tous les noms, tu t’étais décidé de t’y rendre. Est-ce parce que tu voulais devenir chrétien ? Est-ce pour honorer la mémoire de ta mère ? Tu n’en savais rien.
Il régnait dans le lieu saint un calme céleste, ce soir là. Le jardin t’inspira, tu te promena un bon moment en regardant fixement dans le vide. Enfin tu entrepris d’avoir une communication avec le Christ
Dans la chapelle il y avait peu de monde. Dodji entra en marchant avec précaution, comme sur des œufs, pour ne pas attirer l’attention. Malgré le malheur qui s’était abattu sur lui, il n’avait pas les bonnes manières. Il s’agenouilla, fit le signe de la croix puis se mit à interroger le Christ dans un désarroi inexplicable. Il voulait savoir le pourquoi du comment du parce que de la mort de sa mère. Elle qui aimait Dieu de tout son cœur et de toute son âme. Elle qui était une bougie d’église. Elle dont la foi en Dieu était si grande. Dodji posa au saint sacrément mille et une questions mais il n’eut que pour réponse, le silence.
Des perles cristallines dégoulinaient sur ses joues. Les souvenirs de sa mère lui revenaient à l’esprit. Il se rappela des jours où, elle restait à jeun pour les voir rassasier. Des images défilaient devant lui. Il revoyait les jours où, de retour de l’école avec des larmes aux yeux, parce que frappé par un camarade, sa mère le consolait. Dodji se rappela des contes que sa daronne lui contait, chaque soir avant qu’il n’entre dans les bras de Morphée. Aussi se souvenait-il des moments où il n’avait pas eu le courage de dire à sa mère, qu’il l’aimait beaucoup. Il s’en est voulu pour ces quelque fois où il avait désobéit. Et ses jaillissaient de plus belle...
Dodji devait passer son examen le lundi. On retarda alors l’enterrement jusqu’à la fin de la semaine. L’examen ne s’était pas dérouler comme Dodji le voulais. Il lui manquait un visage, un sourire, cette voix de sa mère qui lui dirait «bonne chance !» .Dodji fut déposé chaque jour au centre de composition par son père. La première épreuve avait suscité en lui une grande tristesse. Il était question de faire le portrait physique et morale d’un être qu’on admirait. Dodji voulut décrire sa daronne. Hélas aussitôt avait-il commencé les premières phrases de son corps du devoir que sa copie flottait dans une rivière de larme. Douleur profonde, douleur qui hante. Douleur énervante, douleur qui immonde. Douleur de atroce, douleur qui donne mal à la tête. Douleur douloureuse, douleur malheureuse. Dodji se mit à regarder dans le vide. Il était perdu. Perdu dans ses pensées. C’est alors là, qu’une main affective lui tapota l’épaule et il entendit de loin :
-Il est l’heure Dodji tu seras en retard pour l’école, debout !
Dodji se réveilla puis se rendit compte qu’il faisait un cauchemar. Devant lui, sa mère. Vivante plus que jamais. Merveilleusement content, il se serra contre elle, très fort et fit :
-Je t’aime beaucoup maman !
-Moi aussi mon chéri
L’atmosphère était devenue docile et passible. Le vent soufflait lentement mais surtout tendrement. La chaleur avait disparu. Le soleil du petit matin venait d’éclairer la nature. Sur le chemin de l’école Dodji étais heureux. Heureux d’avoir sa mère à ses côtés.