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- Instant De Vie
Quand je suis arrivé sur la place, le car était déjà là.
Devant la porte, elle m'a serré la main un peu plus fort. Je suis monté et j'ai marché jusqu'aux places du fond. À travers la vitre arrière, elle semblait toute petite, seule sur la chaussée mouillée. Le car a démarré et elle a fait un dernier geste, un peu maladroit. Est-ce qu'elle pleurait ? Je ne pouvais plus distinguer son visage. Le car s'éloigna et elle disparut tout à fait. Je me suis assis, personne ne faisait attention à moi. Dehors les plaines rases s'étendaient à perte de vue. La pluie striait le paysage et j'ai fermé les yeux.
Tous les vendredis, avec ma maigre paye d'apprenti, je quittais l'usine pour me rendre au boulevard de ceinture. C'est là que je prenais le car de nuit qui me conduisait chez elle. Le matin, sa mère ouvrait la porte et je montais dans sa chambre pour la retrouver. Pendant deux jours, la vie devenait lumineuse.
Un jour, j'ai reçu une lettre me demandant de rester chez moi le week-end prochain. Pour l'instant, elle ne pouvait rien me dire, mais elle m'expliquerait bientôt. Les semaines sont passées, j'ai cherché à la contacter, mais toutes mes lettres sont restées sans réponse. Le vendredi soir, je me rendais au boulevard pour regarder le car partir puis je rentrais au foyer. Un soir, j'ai trouvé la lettre promise glissée sous la porte de ma chambre. « Je t'attends samedi prochain. Je t'aime. » C'était tout. Le vendredi, j'ai couru jusqu'au boulevard de ceinture. J'avais peur, mais elle m'avait dit de venir, j'allais enfin retrouver ma vie.
Ce matin-là, c'est le père, encadré de ses deux ainées, qui a ouvert. En entrant, je l'ai vue au fond du salon, à côté de sa mère. Il m'a dit de m'assoir et m'a tendu une enveloppe. En dépliant la lettre, j'ai vu l'en-tête de la clinique avec une somme en bas de page, divisée en deux au feutre rouge. Des cris résonnaient dans la pièce, on parlait de confiance trahie, d'honneur, mais plus rien n'avait d'importance. Enfouie dans le corps de sa mère, elle pleurait.
Je me suis levé, j'ai promis d'envoyer le chèque dès mon retour et j'ai quitté la maison.
Après quelques pas dans la rue déserte, j'ai entendu le portail. Elle a pris ma main et nous avons marché en silence vers la gare routière. Du haut de nos dix-sept ans, nous n'étions que désespoir, incapables de nous aimer et de vivre nos vies.
Quand j'ai ouvert les yeux, les gouttes de pluie couraient sur la vitre.
Devant la porte, elle m'a serré la main un peu plus fort. Je suis monté et j'ai marché jusqu'aux places du fond. À travers la vitre arrière, elle semblait toute petite, seule sur la chaussée mouillée. Le car a démarré et elle a fait un dernier geste, un peu maladroit. Est-ce qu'elle pleurait ? Je ne pouvais plus distinguer son visage. Le car s'éloigna et elle disparut tout à fait. Je me suis assis, personne ne faisait attention à moi. Dehors les plaines rases s'étendaient à perte de vue. La pluie striait le paysage et j'ai fermé les yeux.
Tous les vendredis, avec ma maigre paye d'apprenti, je quittais l'usine pour me rendre au boulevard de ceinture. C'est là que je prenais le car de nuit qui me conduisait chez elle. Le matin, sa mère ouvrait la porte et je montais dans sa chambre pour la retrouver. Pendant deux jours, la vie devenait lumineuse.
Un jour, j'ai reçu une lettre me demandant de rester chez moi le week-end prochain. Pour l'instant, elle ne pouvait rien me dire, mais elle m'expliquerait bientôt. Les semaines sont passées, j'ai cherché à la contacter, mais toutes mes lettres sont restées sans réponse. Le vendredi soir, je me rendais au boulevard pour regarder le car partir puis je rentrais au foyer. Un soir, j'ai trouvé la lettre promise glissée sous la porte de ma chambre. « Je t'attends samedi prochain. Je t'aime. » C'était tout. Le vendredi, j'ai couru jusqu'au boulevard de ceinture. J'avais peur, mais elle m'avait dit de venir, j'allais enfin retrouver ma vie.
Ce matin-là, c'est le père, encadré de ses deux ainées, qui a ouvert. En entrant, je l'ai vue au fond du salon, à côté de sa mère. Il m'a dit de m'assoir et m'a tendu une enveloppe. En dépliant la lettre, j'ai vu l'en-tête de la clinique avec une somme en bas de page, divisée en deux au feutre rouge. Des cris résonnaient dans la pièce, on parlait de confiance trahie, d'honneur, mais plus rien n'avait d'importance. Enfouie dans le corps de sa mère, elle pleurait.
Je me suis levé, j'ai promis d'envoyer le chèque dès mon retour et j'ai quitté la maison.
Après quelques pas dans la rue déserte, j'ai entendu le portail. Elle a pris ma main et nous avons marché en silence vers la gare routière. Du haut de nos dix-sept ans, nous n'étions que désespoir, incapables de nous aimer et de vivre nos vies.
Quand j'ai ouvert les yeux, les gouttes de pluie couraient sur la vitre.
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Pourquoi on a aimé ?
Ce récit étonne par sa simplicité, et sa capacité, en peu de lignes, à parler d’une situation si lourde. Un amour avorté, celui d’une
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