Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.
Quoi ?
Chut ! Je te dis qu’il y a un voleur.
Bara se dressa sur un coude.
Tu es sûr ?
J’ai entendu du bruit dans le bureau. Je ne pouvais pas fermer mes yeux.
C’est ton père.
Non justement. Viens voir N’allume pas, surtout.
Malik traversa la chambre à tâtons et ouvrit avec précaution les volets. Bara le rejoignit sur la pointe des pieds. La nuit était noire et mouillé. Il se pencha sur l’appui de la fenêtre et vit aussitôt une lueur qui provenait dans la chambre. C’était un reflet intermittent, furtif, qui ne laissait pas aucun doute. Quelqu’un fouillait et s’éclairait avec une lampe de poche.
Si c’était mon père, souffla Malik, tu penses bien qu’il allumerait l’électricité.
Il est quelle heure ? demanda Bara
Huit heures et demie.
Que faire ? Le téléphone se trouvait dans le bureau, donc hors d’atteinte. Si l’homme était armé, il était dangereux de le démasquer.
J’y vais, dit Malik.
Reste tranquille !
Je ne laisserai pas dépouiller mon père.
On veut lui voler son argent.
Et moi, je ne veux pas qu’on te fasse du mal.
Evidemment c’étaient les marionnettes qui étaient visées. Cela, Bara l’avait tout de suite compris. Mais raison de plus pour ne pas agir à la légère. Malik s’éloigna brusquement de la fenêtre. Bara n’eut que le temps de la ceinturer.
C’était la seule solution : faire du bruit, le plus de bruit possible, pour alerter le cambrioleur et le mettre en fuite. Il descendit l’escalier derrière Bara arrivait déjà au rez-de chaussée. Au lieu d’ouvrir la porte du bureau, il poussa celle du salon alluma le lustre. IL s’empara des armes en feux, en tendit un à Bara. Au même instant, ils entendirent courir dans le bureau. Une fenêtre fut ouverte violemment. Vite, dite Malik. Il est dans le jardin. Allume le vestibule.
Bara tâtonna, tourna le bouton. La porte d’entrée était grande ouverte. La lumière dessina, sur l’allée, un long rectangle verte
Là-bas ! cria Malik.
Bara aperçut une ombre, qui se confondit avec celle de la grille. Malik leva son bras armé. La détonation fut si violente qu’il recula de deus pas.
A toi ! hurla-t-il. Tire......titre. Bara, vise au hasard, appuya sur la détende. Il ne se produisit qu’un claquement de doigts. La seconde arme en feux n’était pas chargée. Le voleur se mit à ronfler, dans la rue. C’est raté, dit Bara. Il file. Les deux garçons galopèrent jusqu’à la grille entrouverte.
Rentrez vite. Vous allez attraper froid. Vous êtes verts. ! Mon Dieu ! Un cambriolage ! Ce n’est pas possible...
Malik l’écarta et entra dans le bureau.
Viens voir !
L’armoire était ouverte. A la serrure, pendait le trousseau de clefs. M Ndiaye. Le classeur rouge avait disparu.
Il a emporté le coffre-fort, murmura Malik.
C’est sûrement le type qui est venu après déjeuner.
Accablé, il déposa son arme sur la table et assit. Pour lui, il n’y avait plus rien à faire. Pour Bara, au contraire, l’enquête commençait, car un détaille bizarre retenait toute son attention : le trousseau de clefs. Comment ce trousseau ouvert la grille, la porte d’entrée et l’armoire, se trouvait-il en sa possession. Il avait bien fallu qu’il le dérobe ; mais quand et comment ? Le plus simple était d’avertir M. Ndiaye ; donc, de téléphoner chez M.Sene
Malik... Tu dois tout de suite mettre ton père au courant .Il est certainement encore chez M. Sene.
Ah ! C’est vrai, dit Malik. Ça va lui faire un drôle de choc. Il compose le numéro d’une main tremblante. Je crois que j’ai un peu de fièvre...Allo. De la mention, il fit signe à Bara de prendre l’écouteur.
Allo ?...Monsieur Sene ?...Bonsoir, monsieur. Ici, Malik Ndiaye...Est-ce que je pourrais parler à mon père ?
Votre père ?... Mais il n’est pas ici !
Comment ?... Vous l’avez appelé pour lui demander de
Moi ?... Pas du tout
Voyons ! Il n’a pas pu nous accompagner au concert justement à cause de ce nouveau rendez-vous.
Je ne comprends pas .M.Ndiaye est resté avec moi une partie de l’après-midi. Je n’allais pas le rappeler une heure après.
Alors, où est-il ?
Je ne sais pas. Mais il ne va sans doute pas tarder à rentrer.
C’est que...
Malik plaqua l’appareil contre sa poitrine et s’adressa à Bara : « je n’ose pas lui parler du coffre-fort. Il pourrait croire que mon père a été négligent.» Revenant à son interlocuteur, il dit : « oui. Vous avez raison. Je m’excuse de vous avoir dérangé. Bonsoir monsieur Sene. » Lentement, il raccrocha, et, prenant à témoins Bara et Mrs Ndour, il demanda, d’une voix épuisée :
Qu’est-ce qu’on peut faire ?
Ce qu’on peut faire ? s’écria impétueusement Bara. Mail i faut prévenir la police.
Et si papa n’est pas d’accord, quand il reviendra...
Mais il ne reviendra pas.
Bara regretta aussitôt sa répartie, car il vit se décomposer le visage de Malik
Soyez bien calmes, reprit-il. Et récapitulons. Cet après-midi, en l’absence de ton père, un homme se présente, qui vient certainement pour repérer les lieux...Bon. Plus tard, quelqu’un téléphone...rappelle-toi...La communication était mauvaise.... « Parlez plus fort, disait ton père. Je ne reconnais pas votre voix »...ça signifie quoi ? Que l’individu qui appelait se faisait passer pour M.Ndiaye . Et pourquoi ? Pour attirer ton père dans un piège et lui voler ses clefs. Il n’y a pas d’autre explication.
Tu veux dire ?
Réfléchis ! L’occasion était magnifique. Le type en question savait, je ne sais pas comment, que nous étions au concert. Ton père étant retenu quelque part, peut-être par des complices, il n’y avait plus à la maison que Mrs.Ndour. Grâce aux clefs volées , il devenait facile de se servir... Ce qui n’était pas prévu , c’est que nous reviendrions si tôt.
Les faits s’ordonnaient logiquement et dictaient la conduite à suivre .Malik reprit le téléphone et compose le numéro de la police, qui était marqué au centre du disque, sur une pastille blanche : urgence 17
Allo ? C’est au sujet de...Ah bon ! Monsieur Ndiaye , à Diourbel plus précisément Thierno Kandji rue 52 . Oui, c’est au sujet d’un cambriolage... une grande somme d’argent a été volée ...Non, je suis son fils Mon père a disparu. Pardon ?... pas du tout. S’il n’est pas rentré, c’est probablement qu’il a été attaqué...Je vous en prie...oui, j’ai compris...l’inspecteur Diediou...Merci.